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Point de vue

Zone euro : la résistance de la reprise à l’épreuve des risques politiques

Perspectives économiques mondiales, 1er trimestre 2017

Si, sur le plan politique, l’année 2016 s’est avérée mouvementée pour la zone euro en raison d’événements tels que le Brexit et la défaite du gouvernement italien lors de son référendum, l’économie de la zone euro a, contre toute attente, su faire preuve, dans l’ensemble, d’une résistance remarquable et poursuit, pour la quatrième année, sa reprise.

2016 : une année pas si mauvaise d’un point de vue économique

A la différence du domaine politique, sur le plan économique, l’année 2016 a apporté son lot de bonnes nouvelles pour la zone euro : le PIB réel a finalement dépassé son niveau d’avant crise, et tous les pays de la zone euro, à l’exception de la Grèce, ont connu la croissance en 2016.

L’écart de production — le delta entre le PIB potentiel et le PIB réel — se réduit, en dépit d’un rythme qui reste lent. Le marché du travail se redresse et la création d’emplois progresse à bon rythme.

 

Assez étonnamment, l’économie de la zone euro a su démontrer une remarquable résilience.

Alexander Börsch, Director Research, Deloitte Allemagne

 

L’année dernière, sur le marché du travail, deux évènements ont stimulé la reprise. Tout d’abord, le taux de chômage a chuté, passant de 10,5 % (novembre 2015) à 9,8 % (novembre 2016). Il s’agit du taux le plus bas enregistré depuis la mi-2009. Des écarts considérables existent immanquablement entre les Etats membres — en République tchèque, le chômage s’établit à 3,7 % contre 23 % en Grèce — mais la tendance générale est clairement positive.1

Ensuite, l’emploi et le taux d’emploi augmentent. L’emploi s’est accru sans discontinuer depuis la mi-2013, et en 2016, sa croissance était de 1,4 %, soit son plus haut niveau depuis 2008.2 Dans la zone euro, le taux d’emploi avoisine désormais les 66 %, atteignant ainsi quasiment son plus haut niveau historique depuis 2008. Conjugué à la hausse du revenu réel disponible, cela a permis des gains de pouvoir d’achat.

En conséquence, la consommation des ménages a été le principal moteur de croissance en 2016. Si la contribution des exportations nettes (exportations diminuées des importations) fut modérée, celle des investissements fut limitée. A l’instar des quatre dernières années, les investissements des entreprises se sont développés plus faiblement que prévus au début de l’année, freinant ainsi l’évolution des taux de croissance.

Cependant, l’économie de la zone euro a progressé à un taux de 1,7 % en 2017, soit un pourcentage légèrement plus élevé que celui des Etats-Unis et supérieur à son taux de croissance potentiel (à long terme) de 1,1 %.3 Ce qui est remarquable, c’est que l’économie de la zone euro a maintenu le cap malgré le choc du Brexit, la crise politique en Italie, et les préoccupations suscitées par la stabilité du système bancaire européen.  

Un comparatif pour 2017

En se basant sur les fondamentaux économiques, l’économie de la zone euro devrait poursuivre sa dynamique actuelle. L’évolution positive du marché du travail devrait se poursuivre et la consommation des ménages restera le principal moteur de croissance.

Même si une hausse de l’inflation est attendue, essentiellement du fait de la hausse des prix de l’énergie, la dynamique du marché du travail devrait parvenir à la compenser. Une augmentation de la consommation se traduira par une hausse des importations, et l’effet net du commerce extérieur ne devrait pas contribuer outre mesure à la croissance.

Au vu de son caractère hautement expansionniste, la politique budgétaire actuelle ne devrait pas s’assouplir davantage ; on craint d’ailleurs qu’elle ait atteint ses limites. Parallèlement, la politique fiscale ne sera que modérément expansionniste, compte tenu des niveaux de dette toujours élevés au sein de la zone euro.

 

Pendant des années, la zone euro a attendu une accélération des investissements des entreprises. Les espoirs nourris en chaque début d’année n’ont su être satisfaits, et ce, année après année.

Alexander Börsch, Director Research, Deloitte Allemagne

 

En dépit de conditions de financement extrêmement favorables, d’un taux d’utilisation des capacités le plus élevé depuis 2008, et d’une forte confiance des entreprises, les investissements n’ont pas su répondre aux attentes en 2016. Selon les intentions des CFO européens en matière d’investissement, l’accélération ne devrait pas avoir lieu en 2017 non plus.

Propension d'investissement des entreprises européennes au cours des 12 prochains mois :

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Les restrictions à l’investissement persistent en raison des risques et incertitudes politiques. La résilience économique de 2016 ne signifie pas que les turbulences politiques aient été sans effet. L’incertitude planant sur la zone euro a pris une nouvelle dimension. L’indice EPU (Economic Policy Uncertainty Index), une mesure du niveau d’incertitude médiatique, a explosé après les référendums du Brexit et constitutionnels italiens, et a atteint un stade encore plus élevé en 2016 qu’au cours des années précédentes qui avaient pourtant subi des événements tels que la crise de la dette grecque, la crise en Ukraine et les préoccupations concernant un atterrissage brutal de l’économie chinoise.

Indice d'incertitude de la politique économique :

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L’incertitude continuera à influencer les perspectives conjoncturelles pour 2017, les événements politiques et les risques y afférents pouvant aisément interférer avec les fondamentaux économiques. Cela est visible dans les priorités en matière de risques des entreprises européennes. Les CFO européens s’inquiètent surtout des tendances politiques actuelles et de leurs incidences sur leur entreprise. Les risques géopolitiques sont la priorité des CFO dans nombre de pays européens.

Principaux risques commerciaux au cours des 12 prochains mois :

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Les risques négatifs

Les risques politiques dominent toutes les préoccupations pour trois raisons. Tout d’abord, les élections devant se tenir aux Pays-Bas, en France et Allemagne ; ces pays représentent près de 60 % de l’économie de la zone euro. Après l’échec du gouvernement italien, des élections anticipées sont toujours possibles en Italie. La récente montée en puissance des partis anti-UE dans de nombreuses régions d’Europe fera de ces élections un test crucial pour l’évolution future de la zone euro. Le risque de fragmentation de cette zone et de l’Union Européenne s’accentuerait sensiblement avec le succès des partis anti-UE.

Le Brexit représente un risque politique de taille. Si les réactions immédiates des marchés économiques et financiers furent plus modérées que prévues, il ne faut pas oublier que le Brexit est un processus et non un événement ponctuel. Au cours de ces derniers mois, les espoirs reposant sur un « soft Brexit » — correspondant à la poursuite de liens étroits entre le Royaume-Uni et l’Union européenne à l’image de la relation UE-Norvège — se sont en grande partie dissipés. Un « hard Brexit » semble désormais être plus que probable. Même un Brexit hors de contrôle, faute d’accord, est envisageable. Une fois les négociations entamées, les scénarios du Brexit les plus extrêmes aggraveront l’incertitude sur les plans de la politique, de l’économie et des marchés financiers.

Un troisième facteur d’incertitude est étroitement lié à la montée en puissance de l’anti-mondialisation et des partis anti-UE en Europe et des mouvements œuvrant en Europe ou ailleurs. Economie essentiellement axée sur les exportations, la zone euro a largement bénéficié de la libéralisation du commerce mondial au cours de la période d’après-guerre et de la suppression des restrictions commerciales au sein de l’Union européenne via son marché interne. La rhétorique de la démondialisation et d’un renforcement du protectionnisme au sein et en dehors de l’Europe remet donc directement en cause les perspectives de croissance de la zone euro et incarne un risque fondamental pour son avenir.

Les risques positifs

Alors que les risques négatifs pesant sur les perspectives économiques semblent être nombreux et résolument au centre de l’attention du public, il existe également un bon revers à cette médaille. Si les risques politiques négatifs ne se matérialisent pas, la reprise actuelle devrait pouvoir bénéficier d’une forte impulsion. Si, par exemple, les partis populistes européens s’essoufflent lors des prochaines élections et qu’ils ne remportent aucune ou seulement de modestes victoires, l’incertitude politique pour les entreprises en serait sensiblement réduite. Cela pourrait être un signal pour l’accélération des investissements, en stabilisant et en renforçant la reprise.

Ainsi, en 2017, les politiques auront une influence exceptionnellement élevée sur l’économie et les marchés financiers, et les événements politiques majeurs se traduiront, vraisemblablement, par une forte volatilité des attentes des marchés financiers et économiques. En 2017, la question cruciale reste de savoir si la reprise pourra résister et se poursuivre indépendamment des incertitudes politiques.

 

 

1.     Eurostat, “News release: Euroindicators,” January 9, 2017. View in article

2.     European Commission, European economic forecast, autumn 2016, November, 2016. 

3.     OECD Stat, accessed January 10, 2017.