Perspectives

L’importance de la réglementation en temps de crise

Une perspective pour le secteur du conseil en gestion de patrimoine

La nécessité de réglementer le secteur des services financiers n’est rarement plus évidente qu’en temps de crise. Cette maxime s’est avérée encore une fois au cours de la pandémie de COVID-19.

Bien que la pandémie de COVID-19 soit avant tout une crise de santé publique, ses conséquences ont, à vrai dire, une portée bien plus vaste. Ces derniers mois, l’économie a subi d’importants contrecoups qui ont exercé une pression extrême sur les coffres des États et les économies de chacun. Des régimes et un encadrement réglementaires solides peuvent contribuer à atténuer une partie de cette pression en stabilisant le système financier et en protégeant les consommateurs des conséquences de la crise.

La dernière fois que les Canadiens ont été aux prises avec une telle incertitude financière remonte à la dernière crise financière (c.-à-d. le krach boursier de 2008). Selon un sondage de la Sun Life, près de la moitié des Canadiens se sentent moins en sécurité sur le plan financier depuis l’arrivée de la COVID-191. Alors que nous faisons face à la deuxième vague de la pandémie, dont de nombreuses autorités sanitaires ont prédit qu’elle serait pire que la première, il est peu probable que le sentiment concernant la stabilité financière actuelle et future s’améliore de sitôt. Le secteur du conseil en gestion de patrimoine est confronté à une bataille épique, pour ce qui est à la fois de reconstituer le patrimoine des clients à long terme et, peut-être plus important encore, de contribuer à apaiser leurs inquiétudes à court terme. Si cette période représente une occasion importante pour le secteur du conseil – pour améliorer les interactions avec les clients et les offres de produits –, elle représente également une période de vulnérabilité accrue.

Des conseils crédibles et dignes de confiance sont essentiels pour favoriser la stabilité du marché en général et renforcer la confiance des investisseurs en particulier. Avant la COVID 19, les organismes de réglementation canadiens s’occupaient de questions liées à la conduite et à la protection des consommateurs. Toutefois, l’incidence de la pandémie sur le bien-être financier des Canadiens a accéléré la nécessité de renforcer l’encadrement pour garantir que les conseillers peuvent gérer les défis imminents auxquels leurs clients sont confrontés et répondre au rythme croissant des changements à l’échelle du marché. Ce sentiment est partagé par nos voisins du Sud, la Securities and Exchange Commission ayant noté dans son alerte au risque d’août 2020 que [traduction libre] « la volatilité du marché liée à la COVID-19 pourrait avoir accru les risques de mauvaise conduite dans divers domaines qui, selon le personnel, méritent une attention accrue2 ».

Malheureusement, en raison du rythme et du volume des changements, les organismes de réglementation subissent également plus de pression pour gérer les priorités émergentes et concurrentes, tandis que les répercussions de la COVID-19 mettent également à rude épreuve leurs organisations et leurs ressources.  Les organismes de réglementation doivent donc hiérarchiser leurs efforts, en particulier là où ils sont le plus susceptibles de renforcer la confiance et la stabilité du marché et d’améliorer la protection des Canadiens. Nous suggérons aux organismes de réglementation de considérer les points suivants :

  1. Concentrer les efforts d’encadrement sur les plus vulnérables : les conséquences financières de la COVID-19 augmentent le volume et la vitesse des risques pour les investisseurs vulnérables et élargissent potentiellement la définition du terme « vulnérable ». En outre, certains défenseurs des investisseurs craignent que les mesures d’aide introduites par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières en réaction à la COVID-19 n’exacerbent les risques pour les investisseurs vulnérables3. Cette question ne sera pas abordée ici, mais elle sert à souligner que les organismes de réglementation devraient plus que jamais prêter attention à la protection des investisseurs, alors que le secteur et les investisseurs s’efforcent de se redresser. Ce n’est pas le moment pour eux de procéder à des changements radicaux ni d’introduire de nouvelles mesures. Les organismes de réglementation devraient plutôt surveiller les interactions entre les conseillers et les Canadiens vulnérables, en particulier lorsque les améliorations prévues au cadre de protection des consommateurs ne sont pas encore mises en œuvre (p. ex., les réformes axées sur les clients). 
  2. Faciliter l’innovation : dans un avenir prévisible, les investisseurs et leurs clients continueront d’interagir virtuellement. À ce titre, « les technologies utilisées pour interagir avec les clients font maintenant partie intégrante des outils d’engagement utilisés par les conseillers4 ». Lorsqu’il y a une nouvelle technologie, il y a inévitablement un potentiel de risques accrus. Les organismes de réglementation devront s’attaquer à la nécessité d’approuver rapidement les nouvelles technologies pour répondre aux besoins des clients tout en limitant les risques que ces solutions peuvent faire courir aux particuliers et au marché financier. Les organismes de réglementation canadiens ont tendance à prendre du retard par rapport à leurs homologues mondiaux dans la mise en œuvre de solutions à ces objectifs concurrents. La Financial Conduct Authority du Royaume-Uni, notamment, exploite son « bac à sable réglementaire » depuis 2016, ce qui a permis de renforcer l’engagement réglementaire avec les technologies financières et de cerner les possibilités de simplification de la réglementation5. Nous avons la preuve qu’au moins un organisme de réglementation canadien adoptera une approche similaire (soit la CVMO avec sa Rampe de lancement). Comme la demande de solutions innovantes pour servir les clients virtuellement va probablement persister, tous les organismes de réglementation de ce secteur devraient envisager les solutions adoptées par leurs homologues internationaux pour s’assurer que leurs cadres réglementaires leur permettent de suivre le rythme. 
  3. Renforcer la nécessité d’un environnement de contrôle fort : de nombreux chefs d’entreprise pensent que le travail à domicile pourrait être notre nouvelle réalité. Par conséquent, ils ont redoublé d’efforts pour améliorer l’utilisation de l’automatisation et de la technologie. Si ces changements sont l’occasion de fournir un service meilleur et plus rapide aux clients, ils peuvent accroître le risque de non-conformité si les environnements de contrôle interne ne sont pas cohérents. Pour les organismes de réglementation, cela signifie qu’il faudra veiller à ce que l’encadrement, les contrôles et la conformité en matière d’exploitation suivent le rythme de l’évolution des modèles d’exploitation.

Ces objectifs ne seront pas nouveaux pour la plupart des organismes de réglementation, mais le rythme auquel ils doivent les atteindre l’est. Heureusement, les organismes de réglementation canadiens ont fait preuve de réactivité et d’adaptation lors des crises précédentes. Si cette crise diffère sensiblement de la précédente, l’importance fondamentale de la réglementation reste la même. Au fur et à mesure que les investisseurs et leurs clients traverseront cette tempête, ils se tourneront vers les organismes de réglementation pour qu’ils leur donnent des conseils transparents et des messages cohérents sur leurs attentes. Des mesures réfléchies et ciblées aideront les organismes de réglementation à répondre à ces demandes, à assurer la stabilité des marchés et à protéger le patrimoine des Canadiens en ces temps difficiles.

Personnes-ressources 

Heather Kay
Directrice principale, Conseils en gestion des risques
Tel: 416-202-2878

Références

  1. Sun Life. Un récent sondage de la Sun Life montre que près de la moitié des Canadiens (45 %) se sentent moins en sécurité sur le plan financier depuis l’arrivée de la COVID-19, 8 septembre 2020, https://www.sunlife.ca/fr/about-us/newsroom/news-releases/announcement/covid-19--sentiment-de-seacutecuriteacute-financiegravere-en-baisse-pour-pregraves-de-la-moitieacute-de-la-population/123326/.
  2. Office of Compliance Inspections and Examinations. « Select COVID-19 Compliance Risks and Considerations for Broker-Dealers and Investment Advisers », 12 août 2020, https://www.sec.gov/files/Risk%20Alert%20-%20COVID-19%20Compliance.pdf
  3. James Langton. « Enhanced investor protection needed: Investor advocates are concerned about unsuitable DSC fund sales », Investment Executive, 1er mai 2020, https://www.investmentexecutive.com/newspaper_/news-newspaper/enhanced-investor-protection-needed/
  4. Deloitte. Les services-conseils en gestion de patrimoine à l’ère du coronavirus – perspective de Deloitte sur l’incidence de la COVID-19 dans ce secteur (Deloitte S.E.N.C.R.L./s.r.l., 2020), p. 3, https://www2.deloitte.com/ca/fr/pages/financial-services/articles/wealth-management-and-advice.html.
  5. Deloitte Centre for Regulatory Strategy. A journey through the FCA regulatory sandbox: The benefits, challenges, and next steps (Londres : Deloitte LPP, 2008), p. 2, https://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/uk/Documents/financial-services/deloitte-uk-fca-regulatory-sandbox-project-innovate-finance-journey.pdf.
Avez-vous trouvé ceci utile?