Perspectives

Les épiciers : La planification conjointe des affaires a fait son temps

La planification conjointe des affaires a fait son temps tant pour les détaillants en alimentation que pour les fournisseurs. Ce qui fut d’abord une réponse stratégique à la concurrence de plus en plus vive s’est transformé en une entreprise coûteuse, complexe et fastidieuse qui ne produit plus les résultats escomptés pour l’une et l’autre des parties. Compte tenu des perspectives de croissance plutôt sombres dans l’ensemble du secteur, il est temps que les détaillants en alimentation et les fournisseurs se tournent vers une approche plus simple. Une telle approche reposera moins sur les prix promotionnels à court terme et davantage sur des gains de valeur à long terme qui permettront de réduire la pression exercée sur la main-d’œuvre et l’exploitation.

Une bonne idée en fin de vie utile
La planification conjointe des affaires a d’abord vu le jour au milieu des années 2000, et son utilisation a connu une croissance rapide dans les années qui ont suivi. Les détaillants en alimentation ont poussé les fournisseurs à effectuer plus d’investissements commerciaux afin de rester concurrentiels dans un marché toujours plus encombré; les fournisseurs ont répondu à cette demande, mais ils ont exigé en retour un meilleur rendement et des cibles de volume plus ambitieuses.

Le résultat? Une hausse des ventes – grâce à une forte concurrence des prix – suivie de longues périodes de baisse des prix dans de nombreuses catégories. Les calendriers promotionnels sont devenus surchargés. Les dépenses commerciales des fournisseurs ont augmenté alors que la marge brute des détaillants s’est érodée. Les deux groupes ont dû consacrer de plus en plus de temps et d’argent à la gestion d’un ensemble complexe d’accords et d’intérêts divergents, plutôt qu’aux activités de base. Ce qui devait être un processus collaboratif a souvent créé plus de rivalité entre fournisseurs et détaillants, encourageant ainsi une mentalité du « nous contre eux »; cette mentalité a parfois mené à des décisions et à des mesures qui n’intéressaient pas les consommateurs ou que ces derniers n’ont même pas remarquées.

Le rendement décroissant entraîné par la planification conjointe des affaires a atteint un point où, finalement, celle-ci fournit peu ou pas d’avantages supplémentaires aux détaillants et aux fournisseurs. Un changement est donc nécessaire, et vite.

Les perspectives de croissance ne peuvent justifier la coûteuse planification conjointe des affaires
La hausse des coûts et les rendements peu élevés associés à la planification conjointe des affaires constituent une préoccupation croissante dans le secteur de l’alimentation, ce dernier étant aux prises avec des pressions liées à la croissance.

On peut soutenir que le macro-indicateur le plus fortement corrélé avec la consommation d’aliments, soit la croissance de la population, est en déclin : la population canadienne a augmenté d’à peine 0,9 % en 2015, contre 1,1 % l’année précédente, et aucun signe ne permet d’envisager un renversement de la situation. Parallèlement, les tendances des consommateurs se modifient : ils cuisinent moins et se tournent vers les aliments pratiques ainsi que les repas à l’extérieur de la maison, en plus d’abandonner les grandes marques au profit de nouvelles offres de produits naturels ou biologiques.

Compte tenu des réalités du marché, les détaillants en alimentation et les fournisseurs éprouveront de plus en plus de difficultés à faire croître leur chiffre d’affaires, surtout dans les catégories qui ne correspondent pas aux tendances. Pour préserver ou améliorer leurs marges, les entreprises doivent se tourner vers la réduction des coûts au sein de leur modèle d’exploitation actuel, et la planification conjointe des affaires est un excellent point de départ.

Redémarrer la planification conjointe des affaires dans un contexte de faible croissance
Il pourrait être avantageux, tant pour les détaillants en alimentation que pour les fournisseurs, de délaisser la complexité de la planification conjointe des affaires, qui exige de nombreuses ressources. L’adoption d’approches plus simples pourrait réduire les coûts de façon importante, accroître les efficiences et rediriger les efforts sur la création de valeur pour le consommateur. Ces avantages pourraient entraîner, au fil du temps, une hausse durable à long terme des revenus et, mieux encore, la rentabilité.

Dans le secteur, certains ont déjà amorcé le « redémarrage » de leur processus de planification. De nombreux détaillants font appel à leurs groupes d’approvisionnement nationaux pour les aider à consolider et à réduire le nombre d’accords commerciaux en vigueur, réduisant ainsi le fardeau administratif qui y est associé. Nous avons vu un fournisseur intégrer le financement du programme dans le prix facturé et confier la promotion au détaillant; n’ayant plus à gérer directement cette dépense, il a pu réduire ses effectifs de vente. Un autre fournisseur a renoncé aux dépenses promotionnelles, ayant décidé que la force de sa marque pouvait créer une demande stable; ce changement de stratégie s’est traduit par une baisse de la pression sur les chaînes d’approvisionnement et un moins grand besoin de maintenir de coûteux « stocks de sécurité ».

Pour délaisser la planification conjointe des affaires, les entreprises doivent renoncer aux gains à court terme en échange de coûts moins élevés, d’une moins grande complexité et d’une croissance à long terme. Elles doivent pour cela avoir la détermination et la patience nécessaires pour maintenir le cap et réinvestir leurs épargnes dans le renforcement de la marque et la création de valeur pour le consommateur.

Et l’accroissement de la valeur pour le consommateur est crucial. Celui-ci remarquera rapidement les prix promotionnels moins fréquents et les entreprises devront donc offrir quelque chose pour justifier des prix plus élevés. Les fournisseurs pourraient choisir d’améliorer les ingrédients, par exemple, ou d’améliorer l’emballage afin de rendre les produits plus pratiques ou plus faciles à utiliser. Les détaillants voudront probablement se concentrer sur l’amélioration de l’expérience en magasin, de l’environnement de l’immeuble à l’assortiment de produits.

Prêt à amorcer un changement?
La planification conjointe des affaires ne répond plus aux besoins des détaillants en alimentation et des fournisseurs sur le marché actuel. Il est temps d’agir et de repenser cet aspect des affaires. Les entreprises peuvent commencer par examiner l’ensemble de leurs plans actuels – fournissent-ils la valeur attendue? Si ce n’est pas le cas, il est temps de réfléchir et d’en découvrir les raisons. Il est aussi temps de déterminer si la direction est prête à soutenir une période de transition, et éventuellement, à rater des cibles à court terme au profit d’avantages à long terme dans un contexte de faible croissance.

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