Point de vue

3 questions à Julien Toumieux, PDG de Hunyvers

 








Fondée en 2006 à Limoges, la société Hunyvers, spécialisée dans le voyage en camping-car et le tourisme itinérant, est entrée en bourse en mars 2022 avec pour ambition de poursuivre son développement, multiplier ses concessions et étoffer son offre de services. Entretien avec Julien Toumieux, son PDG.


Partage d'expérience : 3 questions à Julien Toumieux, PDG de Hunyvers

 

Racontez-nous le parcours réalisé par Hunyvers : comment ont évolué la société et sa gouvernance avant l'introduction en bourse ?

Hunyvers a parcouru un très beau chemin en 15 ans. Au départ en 2006, j’ai dirigé l’entreprise seul. Au cours des 5 premières années, le chiffre d'affaires a augmenté de 3 à 20 millions d'euros : j'ai alors proposé à Delphine Bex de me rejoindre en tant qu'associée. Non seulement pour apporter des compétences importantes complémentaires aux miennes sur le plan juridique, social, administratif et financier, mais aussi pour constituer un tandem complémentaire en terme de personnalité : je suis un fonceur, elle est d'une nature plus prudente. Je suis convaincu que notre binôme à la tête d'Hunyvers a créé une dynamique d'oppositions et de challenge, bénéfique à l'équilibre dans l'entreprise.
A partir de 2014, nous avons mis en place un comité de direction composé de quatre personnes, toutes avec des expertises très différentes et des personnalités tout aussi affirmées, dont mon frère, chargé de gérer le volet commercial de Hunyvers ainsi que notre DAF, chargée au-delà de l’aspect légal du contrôle de gestion. L'équilibre hommes/femmes s'est imposé très naturellement, et je suis convaincu qu'il participe à l'équilibre de nos prises de décisions. Notre principe de base était simple : pas de décision sans l'accord des quatre. Ce qui donnait parfois lieu à des débats très animés. En particulier lorsqu'en 2020 il a été question de négocier de nouveaux financements pour accélérer nos projets internes et saisir des opportunités de croissance externe. Il était inconcevable pour mes associés de négocier un nouveau prêt de plus de 10 millions d'euros à l'époque, compte tenu de notre capacité d'autofinancement. Pour réaliser de grandes choses, il faut parfois s'engager en prenant des risques. Grâce aux 12 millions finalement empruntés et à l'engouement pour le slow tourisme dans le contexte de la pandémie, nous avons pu améliorer notre rentabilité, développer notre outil digital Caramaps et nous ouvrir au nautisme avec trois concessions dans le bassin d’Arcachon.

 

Comment en êtes-vous venu à envisager l’introduction en bourse ?

Avant de réussir à emprunter un million d'euros avec un apport de 16 000 euros pour créer Hunyvers à l'âge de 28 ans, j'ai essuyé de nombreux refus de la part des banques. Malheureusement, les choses n'ont jamais vraiment changé au fil du temps : à chaque fois que nous voulions lancer un projet de développement ambitieux, c'était un véritable parcours du combattant pour obtenir un financement.
En 2012 nous avons fait entrer un fonds de private equity au capital, ce qui nous a permis de franchir une étape dans la structure de la gouvernance d'Hunyvers et l'accélération de notre croissance avec de belles opérations de croissance externe. Nos investisseurs n'intervenaient pas dans les prises de décisions, mais nous ont accompagné et formé au M&A. Leur présence à nos côtés nous a appris à rendre des comptes et justifier nos choix : une contrainte au départ qui s'est avérée être aussi un challenge stimulant et un exercice bénéfique. Ce qui nous convenait moins, c'était le sentiment d'avoir une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, une pression sur les résultats à atteindre avant la sortie du fonds. Finalement, nous avons décidé, non sans peser le pour et le contre, d'activer en 2017 la clause de sortie du fonds. Nous sommes sortis grandis de cette expérience, plus structurés, plus compétents et davantage conscients des apports bénéfiques des membres du Board et de leurs expertises.
S'en est suivie une période délicate en matière de financement, avec pour seule sécurité nos fonds propres. A cette époque, Delphine Bex, mon associée a exploré toutes les voies possibles et naturellement l'introduction en bourse est l'un des chemins qui a suscité notre attention. D'abord par pure curiosité et envie d'apprendre. Mais nous entendions des réserves : Hunyvers était « encore trop petit », « il était peut-être un peu tôt », « notre marché était éphémère »… En 2021, nous avons suivi le programme FamilyShare d'Euronext1 et, dans la foulée, démarré les chantiers de préparation en commençant par la transformation d'Hunyvers en S.A.
Ce qui nous a séduit dès le départ, c'est de pouvoir garder le contrôle, avec un tiers du capital dans le flottant, et notre liberté d'action. Nos actionnaires ne sont pas contraints de sortir un jour. On n'a dès lors plus les mêmes contraintes que celles que nous connaissions avec un fonds, pas la même pression sur les résultats, le BFR ou le retour sur investissement. On peut acheter des entreprises qui ne sont pas immédiatement profitables et prendre le temps de structurer et rentabiliser l'investissement. En ce sens, la bourse est un levier de croissance extraordinaire et c'est une réelle fierté pour notre équipe de direction d'avoir accompli ce parcours.

 

Comment s’est mise en place la nouvelle gouvernance après l’IPO ?

Avec l'introduction en bourse, nous avons fait évoluer notre gouvernance et fait entrer trois administrateurs indépendants au Conseil. Nous avons choisi d'appliquer le code Middlenext et avons cherché des compétences externes nouvelles, complémentaires aux nôtres, des profils experts capables de nous aider dans la mise en œuvre de notre stratégie et l'atteinte de nos ambitions. Nous avons donc la chance de bénéficier de l'expertise d'Alexis Mons, directeur général d'Emakina.fr, en matière de digitalisation, d'e-business et de marketing numérique ; de Christian Lou, directeur des opérations de Feu Vert, en développement de marque et réseau de distribution, et Olivier Nachba, serial entrepreneur, as du numérique et du développement de logiciels qui nous accompagne notamment dans le déploiement de notre outil de gestion de concessions.
En dehors des conseils d'administration et autres réunions institutionnelles, nous sollicitons nos administrateurs indépendants de manière informelle, selon les besoins, pour challenger nos points de vue. On n’a pas toujours le recul nécessaire quand on est au volant, le fait d'avoir ces regards extérieurs est une chance incroyable. C'est une gouvernance vertueuse qui, dans 3-4 ans, j'en suis certain, donnera de très belles choses.

 

1 FamilyShare est un programme de formation dédié aux entreprises familiales dans le but de les accompagner vers les options de financement les plus adaptées à leurs ambitions. Le programme couvre des sujets importants tels que la transmission du capital, l’intégration de la prochaine génération et la protection de la réputation.