Point de vue
3 questions à Thomas Derichebourg, Président de la filiale Environnement de Derichebourg
En 1956, Guy Derichebourg fonde une entreprise prospère de collecte et de valorisation des déchets qui, sous l'impulsion de son fils Daniel, entrepreneur hors pair, devient un géant du recyclage et des services : le Groupe Derichebourg. A 70 ans, Daniel Derichebourg est toujours à la tête du Groupe, entouré de ses deux fils, Thomas (46 ans) et Boris (45 ans), qui dirigent respectivement les divisions Environnement et Multiservices (Boris est également Directeur des Opérations d’Elior Group). Cet empire familial qui s'étend sur 14 pays, compte près de 140.000 collaborateurs et réalise un chiffre d'affaires avoisinant les 10 milliards d'euros.
Comment avez-vous construit votre parcours professionnel et comment votre père vous a-t-il accompagné lorsque vous avez choisi de rejoindre l'entreprise ?
À la maison, on parlait du Groupe jour et nuit. C’était un sujet omniprésent. Pendant toute notre enfance, mon frère et moi-même avons été témoins de la très forte volonté de réussir de mon grand-père et de mon père, deux autodidactes à la personnalité hors du commun. Mon grand-père a commencé dans les années 50 comme ferrailleur, à débarrasser les caves dans les beaux quartiers de Paris. Mon père, véritable génie des affaires, a fait grandir cette entreprise régionale grâce à une judicieuse stratégie de diversification qui nous permet aujourd'hui d'être présents dans 14 pays et d'afficher un chiffre d'affaires avoisinant les 10 milliards d'euros.
À 18 ans, une fois mon Bac en poche, je ne me sentais pas prêt à intégrer le Groupe. J'avais besoin de me construire et de m'affirmer en tant que Thomas Derichebourg et d’avoir ma propre expérience. J'ai donc pris un virage à 360° vers le théâtre. Je me suis inscrit au Cours Florent et j'ai pu faire un beau début de carrière au cinéma comme sur les planches avec, entre autres, un passage à la Comédie Française. Vers l'âge de 30 ans, alors que ma carrière artistique prenait un peu d'ampleur, j'ai senti qu'il était temps de prendre une décision. Loin d'être un dilemme, mon choix s'est fait naturellement. J'ai toujours eu l'entreprise familiale en moi, et fort de mes différentes expériences, j'étais prêt à rejoindre le Groupe.
Connaître le Groupe de l'extérieur et le connaître de l'intérieur sont deux choses très différentes. Je suis entré par la petite porte : pendant quatre ans, mon père m’a fait passer par les différentes filiales, à commencer par le service aéroportuaire d'Orly, afin que je découvre tous les métiers, les services et le fonctionnement de l'entreprise auprès de chaque responsable. J’ai ensuite travaillé aux côtés des différents directeurs - développement, finances, ressources humaines… - pour comprendre les rouages de l'entreprise. Ce parcours était essentiel car dès mon arrivée, j'étais animé par l'idée de développer le Groupe. Or, ce n'est que lorsque l’on connaît parfaitement chacune des activités de l'entreprise que l'on peut devenir une véritable force de proposition.
Vous travaillez aux côtés de votre père et de votre frère depuis 17 ans, l'esprit de famille est au cœur de l'ADN du groupe. Comment cela se traduit-il dans la pratique ?
Mon père est un homme extrêmement dynamique. A 70 ans, il vient de prendre les fonctions de PDG du Groupe de restauration Elior, avec lequel Derichebourg Multiservices, l’activité de mon frère, vient de fusionner. En parallèle, mon père reste toujours le Président du Groupe Derichebourg. Mon frère et moi-même sommes très investis dans chacune de nos responsabilités, ce qui nous rend très complémentaires.
Lorsque l'un d'entre nous développe ses activités dans les régions, il essaie toujours d'y associer l'autre. Mon père, mon frère et moi-même, ainsi que trois collaborateurs du Groupe, siégeons au Comité stratégique et c’est ensemble, « en famille », que nous définissons les grandes orientations et le développement des activités. La force d'une entreprise familiale est dans le collectif, dans le fait d’avancer et de construire ensemble. J’ai toujours eu à cœur de pratiquer un management collaboratif. J'aime réfléchir et travailler en équipe, une habitude que j’ai prise au théâtre. Mon frère et moi-même sommes très opérationnels et nous avons beaucoup de liberté dans nos décisions quotidiennes. Nous appliquons cette même règle à nos collaborateurs ; ce sont de vrais patrons, extrêmement autonomes, qui gèrent pleinement leurs régions. La hiérarchie est très écrasée dans notre Groupe et les possibilités d’évolution interne sont réelles : le Président de la zone Canada a commencé en tant que conducteur de bennes à ordures ménagères, notre CEO a débuté comme trieur de métaux à Clermont Ferrand… il y a beaucoup de parcours exceptionnels dans le Groupe. Tous ces éléments contribuent à renforcer l’esprit de famille : loin d’être de simples exécutants, nos collaborateurs sont valorisés. Ils ont notre confiance et savent qu'ils peuvent faire carrière au sein de l'entreprise. La réussite du Groupe passe par leur épanouissement.
Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui envisage de rejoindre l'entreprise familiale ?
Il faut avant tout être curieux et intéressé par les activités de l'entreprise et prendre le temps d'en découvrir tous les aspects. Pendant les cinq premières années, je me levais à 4h30 et me couchais à minuit. Je voulais être sur le terrain avec les opérationnels et comprendre l'entreprise de A à Z. La passion pour le métier est essentielle : j'aime les déchets, le tri, la valorisation et la performance industrielle. Ces choses sont gravées en moi. Je veux les développer car j'ai envie que le Groupe progresse alors même que la concurrence est rude. Si vous aimez votre métier et votre activité, vous avez déjà 50 % de chances de durer et de réussir.
Dès l’instant où vous avez rejoint l'entreprise, vous avez un véritable devoir d'exemplarité. Il faut être moteur et pouvoir entraîner l'ensemble des collaborateurs dans une dynamique de développement, car une entreprise est toujours à l'image de son patron. À une époque où l'on n'arrête pas de parler de récession, de licenciements et de suppressions de filiales, Derichebourg grandit et se développe, ce qui est une immense fierté pour nous et, j'en suis convaincu, pour nos collaborateurs.
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