La Banque du Canada a publié aujourd’hui sa Revue du système financier semestrielle, qui évalue les effets de la COVID-19 sur le système financier canadien et souligne ses vulnérabilités potentielles. Ce qui en ressort, c’est que les grandes banques canadiennes devraient résister à la crise économique. Cette résilience est le fruit de leur vigueur avant le ralentissement grâce à d’importantes réserves de fonds propres et de liquidités, à des portefeuilles d’actifs diversifiés et à une forte proportion de prêts hypothécaires assurés par le gouvernement. De plus, le système financier s’appuie sur de saines politiques monétaire et budgétaire, qui ont été déployées pour assurer l’accès au crédit, des liquidités suffisantes et un processus efficace de détermination des prix. À mon avis, renforcer l’accès au crédit et accorder plus de souplesse à l’égard des obligations financières ont été des mesures clés pour limiter les conséquences économiques, et favoriser la confiance des consommateurs et des entreprises.
La Revue souligne l’énorme choc de revenu subi par les ménages et les entreprises, la détérioration initiale des liquidités et l’augmentation potentielle du risque de crédit, en faisant valoir que les politiques étaient destinées à atténuer ces risques. La mise en place du soutien du revenu et de l’accès au crédit, et l’assouplissement de la politique monétaire ont contribué à soutenir les foyers et les entreprises non financières. En outre, les mécanismes d’octroi de liquidités, les achats d’actifs et les modifications réglementaires ont apporté des solutions aux problèmes éprouvés par les entreprises de services financiers au Canada.
Dans l’un des encadrés, la banque explique la façon dont les leçons apprises lors de la Grande Dépression éclairaient les mesures vigoureuses prises en ce moment – une analyse pertinente qui vaut la peine de s’y attarder.
Malgré le ton positif de la Revue, le message sous-jacent, c’est que l’économie canadienne n’échappera pas à une profonde récession et aux répercussions économiques et financières majeures qui en découlent. Nous observons déjà d’importants bouleversements du marché du travail, qui entraîneront une baisse du revenu des ménages, sans compter le risque de correction du marché immobilier. Tout cela à un moment où les ménages sont fortement endettés. La banque indique qu’environ un emprunteur hypothécaire sur cinq a juste assez de liquidités pour couvrir deux versements hypothécaires mensuels. Si les mesures prises viennent à réduire le risque de défaut de paiement, la banque insiste sur le fait que, « malgré les reports de remboursement et le recours accru au crédit, certains ménages n’arriveront probablement pas à faire leurs paiements à temps. En général, les retards touchent d’abord les cartes de crédit, puis les prêts automobiles et, enfin, les prêts hypothécaires ». C’est une situation que l’on déplore déjà en Alberta et en Saskatchewan, et qui reflète non seulement l’incidence de la COVID-19, mais aussi les conséquences économiques du choc énergétique.
La Revue souligne que, en raison de la perte de revenus provoquée par la récession et de l’interruption de l’activité économique, bon nombre d’entreprises auront du mal à respecter leurs engagements financiers, y compris les remboursements de dette. Les mesures prises atténueront en partie leur fardeau financier, mais la difficulté à maintenir un flux de trésorerie pourrait mener à des cas d’insolvabilité.
La banque se fie aux perspectives économiques qu’elle a présentées dans son dernier Rapport sur la politique monétaire pour évaluer les vulnérabilités financières. Parmi les faits saillants, citons que, d’ici-là mi-2021, les arriérés de paiement sur les prêts hypothécaires pourraient avoisiner les 0,80 % par rapport à leur niveau actuel de 0,27 %. Les arriérés de paiement devraient diminuer par la suite, en se maintenant toutefois à près de 0,40 % dans le contexte de l’après-COVID 19.
Les prêts improductifs aux entreprises devraient passer d’environ 1 % à plus de 6 % en fin d’année, puis suivre une tendance progressive à la baisse au cours des deux prochaines années.
Fait à noter, les réserves de fonds propres des banques à charte sont suffisantes pour absorber les pertes prévues dans le cadre de ces hypothèses financières.
Par ailleurs, la faible demande et les fermetures provoquées par la COVID-19 ont entraîné une chute de plus de 9,2 % des ventes du secteur manufacturier en mars. En excluant l’effet des variations de prix, le volume de livraisons manufacturières a diminué de 8,3 %. Les ventes ont fléchi dans 17 des 21 secteurs d’activité, particulièrement dans ceux du matériel de transport et des produits du pétrole et du charbon. On a observé une hausse des ventes d’aliments, de produits en papier et de boissons, alors que les ménages faisaient des réserves d’épicerie et de papier de toilette, en se tournant vers les boissons pour se remonter le moral.
L’enquête de Statistique Canada révèle que 78 % des entreprises manufacturières ont été touchées par la COVID-19. Des problèmes liés à l’arrêt des chaînes d’approvisionnement et à la distanciation physique ont été évoqués par la plupart des fabricants de meubles et de matériel de transport. De plus, sept entreprises sur huit dans le domaine de l’impression ont déclaré une diminution de la demande en raison de la fermeture des restaurants et des écoles, et de l’arrêt des événements sportifs.
Les ventes de matériel de transport ont connu une baisse énorme de 27 % durant le mois. Le secteur de l’automobile a été le plus durement frappé. Au cours des deux dernières semaines de mars, toutes les usines canadiennes d’assemblage et plusieurs usines de fabrication de pièces pour véhicules automobiles en Amérique du Nord ont réduit leur production, ce qui laisse présager une faiblesse encore plus marquée des ventes dans le secteur manufacturier qui figureront dans le rapport d’avril.
Les ventes ont diminué pour le troisième mois d’affilée dans le secteur des produits du pétrole et du charbon, soit un recul d’environ un tiers. Cette baisse importante est attribuable à des prix et à des volumes inférieurs, alors que les automobilistes ont réduit considérablement leurs déplacements et que les prix ont fléchi.
Le rapport correspondait essentiellement à nos attentes et est pris en compte dans notre scénario de base, soit des baisses de l’ordre de 10 et de 40 % (annualisées) aux premier et deuxième trimestres, respectivement, alors que l’économie devrait commencer à récupérer la perte d’activité par la suite.