Perspectives

Se préparer à adopter la norme IFRS sur les contrats d’assurance

Les assureurs-vie canadiens sont-ils prêts?

par Paul Downes et Michelle John

Un récent sondage réalisé auprès d’actuaires d’assurance-vie au Canada a révélé une triste réalité : seulement 9 % d’entre eux croient que la nouvelle norme IFRS sur les contrats d’assurance améliorera les états financiers et seulement 10 % pensent que ses avantages vaudront les coûts de mise en œuvre prévus.

Cela est déplorable, mais pas si surprenant.

L’évaluation des contrats d’assurance varie considérablement d’un pays à l’autre. Dans certains pays, on utilise des hypothèses immuables et prescriptives qui disparaîtront à juste titre avec l’adoption de la norme IFRS. Au Canada, on utilise déjà la méthode fondée sur la juste valeur et des hypothèses à jour intégrant les passifs aux actifs qui les supportent. Pour changer leurs systèmes et leurs modèles, les entreprises auront des coûts réels à assumer, notamment des coûts liés aux changements aux systèmes et modèles, incluant l’ajout de ressources ainsi que des coûts de renonciation liés au report d’autres initiatives stratégiques.

Comme l’objectif global des normes IFRS est de faire en sorte que l’ensemble de la profession comptable soit « sur la même longueur d’onde », il est normal qu’il y ait des perturbations. On pourrait même dire qu’elles sont nécessaires, malgré les coûts. Du reste, on peut toujours contrôler les coûts.

Nous prévoyons que la nouvelle norme sera publiée vers la fin de 2016, et qu’à partir de là, les plans et les activités de mise en œuvre des assureurs s’intensifieront considérablement. Pour le moment, notre sondage montre que les entreprises ont un niveau de préparation modéré face à toute la gamme des exigences.

Ce qui est déjà un bon début.

À vos marques…
Nous avons posé à des assureurs-vie canadiens de moyenne et de grande taille 13 questions portant sur des aspects techniques de la norme, sa mise en œuvre et l’état d’avancement de leur programme d’adoption. De façon générale, nous souhaitions savoir :

  1. à quel point les actuaires canadiens comprennent bien les exigences à venir;
  2. s’ils sont prêts à les mettre en œuvre.

En ce qui a trait aux fonctions actuarielles, outre l’évaluation et la présentation de l’information financière, les répondants affirment que la tarification et le développement de produits sont des domaines où des changements importants sont à prévoir, de même que la stratégie d’investissement et la gestion de l’actif et du passif. Selon eux, la mise en œuvre de la nouvelle norme aura une incidence modérée à élevée sur les actuaires et les équipes des finances en regard des principaux aspects du cycle d’information, et une importante majorité des répondants estiment que la mise en œuvre de la norme prendra de trois ans (43 %) à quatre ans et plus (38 %); à titre comparatif, l’International Accounting Standards Board prévoit que trois ans seront nécessaires entre la publication de la norme et la date d’entrée en vigueur des directives.

De nombreux répondants prévoient également une augmentation plus ou moins importante de leur équipe d’actuaires en raison de ces changements, mais 24 % sont encore indécis à ce sujet. Comme tous les assureurs canadiens mettront en œuvre la nouvelle norme en même temps, nous prévoyons qu’il y aura une forte concurrence en matière de ressources. Les entreprises doivent donc prendre soin de prévoir des ressources dans leur plan de mise en œuvre.

Activités de planification
Nous prévoyons que les activités suivantes feront partie du plan de mise en œuvre de la norme IFRS des entreprises :

  • Créer un bureau de gestion de projets ou une équipe de gestion de programme
  •  Réaliser des études des incidences attendues, à haut niveau
  • Évaluer les effets potentiels sur les résultats financiers
  • Revoir les systèmes de données et de TI
  • Revoir les modèles actuariels
  • Revoir la présentation de l’information financière et les contrôles
  • Éduquer et former le personnel et les autres parties prenantes
  • Planifier et exécuter les communications externes
  • Discuter des incidences sur la stratégie

De nombreux répondants ont déjà formé des équipes et planifié une partie de ces activités. Environ 50 % d’entre eux réaliseront une évaluation générale d’ici la fin de l’année et entameront des examens plus détaillés de leurs données, de leurs modèles et de leurs contrôles qui devraient se poursuivre en 2017. Une proportion de 24 % des répondants ignorent toutefois à quel moment ils créeront un bureau de gestion de projets ou une équipe de gestion de programme.

Étant donné la portée et l’ampleur de ce projet, il est important que les entreprises en aient une vision globale et amorcent des activités de planification bien structurées.

Prêts…
En ce qui concerne l’état de préparation général, les résultats sont assez équilibrés, voire encourageants. En moyenne, les répondants se situent au milieu d’une échelle de 3 points où 1 signifie qu’ils ne sont pas du tout prêts, 2, qu’ils sont modérément prêts et 3, qu’ils sont très prêts.

Il en va de même de la compréhension des divers concepts clés et définitions des IFRS, qui vont des dispositions transitoires visant la mise en œuvre à l’ajustement au titre du risque, en passant par l’approche de frais variables et la marge liée à la composante service du contrat, pour ne nommer que ceux-là – la réponse moyenne est de 2,1 sur 3, 1 correspondant à une compréhension très faible, 2, à une compréhension de base, et 3, à une compréhension approfondie.

Toutefois, les entreprises n’ont pas aussi bien progressé afin de déterminer les méthodes et approches qu’elles comptent utiliser; leur score se situe de 1,4 à 1,9 sur 3 pour des questions telles que les suivantes :

  • Déterminer l’approche en vue de l’adoption d’IFRS 9 et son interaction avec la norme IFRS 4;
  • Choisir la méthode d’évaluation;
  • Déterminer les approches aux fins de transition;
  • Définir la méthode pour établir les taux d’actualisation.

Les assureurs sont en meilleure position pour déterminer les contrats entrant dans le champ d’application (29 % l’ont déjà fait) et choisir la méthode d’évaluation (19 % ont décidé), ce qui est parfaitement logique puisque ces deux tâches sont essentielles pour le reste du projet.

Nous avons également demandé aux répondants d’évaluer le niveau de difficulté relatif que représentent diverses particularités de la nouvelle norme. Ces dernières comprennent la mise en œuvre et la conceptualisation, qui se chevauchent souvent, de même que la préparation du compte des résultats. Des changements devront être apportés au grand livre général et aux systèmes d’information (un élément de mise en œuvre), et il faudra offrir une formation aux parties prenantes internes et externes (un élément de conceptualisation).

Actuellement, les répondants considèrent que la norme révisée sur la préparation du compte des résultats présente le plus haut niveau de difficulté, suivie de près par les approches aux fins de transition, l’ajustement au titre du risque et la marge liée à la composante service du contrat. L’interaction avec la norme IFRS 9 et l’établissement du taux d’actualisation représentent le plus faible niveau de difficulté, tandis que le traitement des produits avec participation et l’accroissement potentiel de la volatilité du résultat sont perçus comme des éléments assez exigeants.

Prêts, pas prêts...
Quand nous avons distribué notre sondage en décembre, l’International Accounting Standards Board délibérait encore sur certains points techniques. Comme cette norme a déjà été reportée plusieurs fois, il n’est pas surprenant que si peu d’actuaires canadiens en louent les avantages et que les progrès en vue de son adoption restent modestes.

La plupart des répondants pensent que la publication des directives finales (90 %) et du calendrier définitif (71 %) sont les éléments les plus susceptibles de contribuer à l’avancement du projet. Une mince majorité des répondants (57 %) comptent sur le soutien de tiers sur le plan des logiciels et 38 %, sur l’élan des pairs.

De notre côté, nous prévoyons que les assureurs passeront le reste de l’année 2016 à s’efforcer de mieux comprendre les diverses méthodes et implications, en particulier l’établissement des taux d’actualisation, l’ajustement au titre du risque et les informations à fournir. Si la norme finale est publiée d’ici la fin de l’année, nous prévoyons une intensification des activités en 2017.

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