Comment le Canada peut atteindre la décarbonation d’ici 2050

Nous avons pris l’engagement à l’échelle mondiale de contribuer à la lutte contre les changements climatiques. Nous devons maintenant choisir notre parcours pour atteindre notre objectif.

Le Canada s’est ajouté à une liste grandissante de pays, qui comprend le Japon, la France et le Royaume-Uni, en s’engageant à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. La « carboneutralité » signifie qu’il y a équilibre entre l’émission des gaz à effet de serre (GES) qui causent le réchauffement planétaire que nous produisons par la combustion de combustibles fossiles et l’élimination des GES par l’adoption de solutions décarbonées. L’atteinte de l’objectif zéro émission nette d’ici 2050 est sans doute notre dernière chance de limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 oC d’ici la fin du siècle. Si nous laissons passer cette occasion, l’incidence mondiale pourrait être dévastatrice, non seulement pour ceux qui subissent déjà les effets négatifs des changements climatiques, mais aussi pour les générations futures.

Deloitte Canada a fait équipe avec Navius Research afin d’examiner deux plans d’action possibles. Au moyen de son gTech model, Navius a établi un parcours qui respecte le « cours normal des affaires » et un parcours potentiel pour l’atteinte de zéro émission nette d’ici 2050. Mais comment le Canada peut-il réduire considérablement sa consommation de combustibles fossiles au cours des trois prochaines décennies?

Voyez comment le Canada peut s’orienter vers la carboneutralité

Des mesures décisives immédiates peuvent restaurer les habitats perdus et dégradés, et protéger la longévité des fonctions écologiques et des services écosystémiques. Un financement récurrent et le savoir autochtone sur la gestion durable des terres permettraient de gérer adéquatement les zones protégées.

Transformer l’électricité en source d’énergie d’importance nécessitera un soutien et des investissements accrus dans les infrastructures (comme l’expansion et la modernisation des réseaux électriques) pour rendre l’utilisation des véhicules électriques abordable. Plus d’investissements dans les autobus et les trains électriques favoriseraient les systèmes de transport en commun moins polluants.

Domaine où le Canada est un chef de file mondial émergent, le captage direct dans l’air repose sur l’ampleur et l’évolution des avancées technologiques. Étant énergivore, sa viabilité économique et environnementale dépend de la proximité des sources d’énergie renouvelable.

Seulement 7 % de notre énergie provient de sources renouvelables non hydroélectriques. La diversification des chaînes d’approvisionnement des infrastructures renouvelables augmenterait l’utilisation des énergies renouvelables. Des innovations au chapitre des carburants biogènes à faible teneur en carbone pourraient être utilisées dans les transports quand l’électricité n’est pas viable.

Le gaz naturel émet moins de carbone pour la production d’énergie et le transport. Conformément à l’engagement du Canada de revoir les subventions relatives aux combustibles fossiles, les politiques de tarification doivent être transparentes, faire l’objet d’un suivi étroit, être appliquées et refléter le véritable coût économique de l’énergie fournie.

L’application d’hydrogène propre dans le secteur industriel, le transport et les édifices pourrait augmenter la résistance du secteur canadien de l’énergie. De nouvelles technologies peuvent être utilisées pour stimuler la demande d’hydrogène faible en carbone et décarboner les secteurs ne pouvant pas encore être entièrement électrifiés.

Le Canada doit investir davantage dans les technologies qui améliorent l’efficacité énergétique des transports, des édifices et des activités industrielles, agricoles et forestières. Les politiques visant à encourager les rénovations peuvent être élargies pour accélérer l’adoption de technologies améliorant l’efficacité énergétique dans les édifices.

Comptant cinq projets commerciaux d’envergure maintenant actifs, le Canada a la deuxième capacité de CUSC en importance dans le monde. La plupart des technologies de CUSC sont aux premiers stades de développement et doivent être raffinées et voir leurs coûts réduits.

Les petits réacteurs modulaires sont prometteurs pour les collectivités éloignées et les projets industriels hors réseau. Bien que leur efficacité ne soit pas démontrée à grande échelle, leur déploiement pourrait nécessiter des dépenses d’investissement initiales moins élevées que pour les réacteurs de grande taille.

Les nouveaux règlements qui limitent les émissions de méthane de sources fugitives – comme les processus de forage, d’extraction et de transport – s’appliqueront à court terme au secteur pétrolier et gazier.

Tous les éléments contenus dans le graphique ci-dessus sont des options viables pour la décarbonation du Canada. La compréhension de la séquence de ces variables et de leurs interactions avec les émissions peut nous aider à créer un avenir à bilan zéro pour le Canada.

Le défi sera considérable, car le Canada compte parmi les plus grands émetteurs de GES par habitant dans le monde; nous émettons plus de deux fois la moyenne du G20. Le fait que les émissions du Canada représentent à peine 2 % des GES mondiaux n’est pas une excuse pour ne pas agir. En fait, l’occasion est bonne de faire preuve de leadership sur la scène internationale.

Les combustibles fossiles représentent 70 % de la consommation d’énergie au Canada

Comment pouvons-nous réduire notre dépendance aux combustibles fossiles au cours des 30 prochaines années? Heureusement, plusieurs technologies émergentes et éprouvées qui pourraient faire partie de la solution sont déjà accessibles au Canada. Cet article examine ces diverses options et explique de quelle façon elles peuvent nous aider à respecter notre engagement au cours des trois prochaines décennies.

Solutions éprouvées

 

La prochaine décennie doit être axée sur la transition rapide vers des sources d’énergie sans carbone. Il faudra pour cela investir dans des solutions qui sont commercialement viables dès maintenant, tout en faisant l’essai de technologies émergentes qui pourraient réduire considérablement les émissions de carbone au cours des décennies à venir.

Bien qu’elles soient de moins en moins coûteuses, les énergies éolienne et solaire restent sous-utilisées au Canada. Seulement 7 % de l’énergie consommée au pays proviennent actuellement de sources renouvelables non hydroélectriques. Nous pouvons augmenter l’utilisation en diversifiant les chaînes d’approvisionnement pour les marchandises essentielles afin de bâtir une infrastructure renouvelable , comme les panneaux solaires, les éoliennes et le stockage de l’énergie dans des batteries. Les décideurs doivent garder à l’esprit que la vitesse du développement des énergies renouvelables et des écosystèmes sur lesquels elles reposent peut imposer le rythme de l’abandon des combustibles fossiles. Les sources d’énergie biogénique – dont les biocarburants, le gaz naturel renouvelable et la biomasse – pourraient également alimenter le transport et les édifices. L’innovation dans les carburants sobres en carbone pourrait accélérer la réduction des émissions dans les secteurs où l’électricité à faible teneur en carbone pose des défis, comme les véhicules utilitaires lourds et les trains de marchandises.

Des pratiques d’utilisation du sol globales pourraient positionner le Canada comme un chef de file mondial dans la transition vers une économie verte et la croissance énergétique. L’agriculture, la foresterie et les autres types d’utilisation du sol comptent pour près d’un quart des émissions de GES mondiales. Selon l’Accord de Paris, environ un quart de l’objectif de réduction de 2030 du Canada devrait provenir d’une meilleure intendance des terres.
La perte du carbone contenu dans les sols et les réseaux terrestres – surtout en raison des changements d’utilisation du sol – perpétue l’accumulation de carbone dans l’atmosphère en même temps qu’elle limite la capacité inhérente des écosystèmes à retirer ce même carbone lorsque c’est nécessaire. Des mesures décisives à court terme peuvent permettre de restaurer des habitats perdus et détériorés, en plus de protéger la longévité des fonctions écologiques et des services écosystémiques. À condition de pouvoir compter sur un engagement financier à long terme, les aires protégées peuvent être correctement gérées. Le savoir et les pratiques autochtones en matière de gestion durable des terres et des ressources peuvent également être mis à profit pour atteindre un avenir carboneutre. Il y a beaucoup à apprendre des pratiques autochtones en matière de gestion durable des ressources; ces traditions nous enseignent à prendre de la terre seulement ce qui est nécessaire, et seulement ce que la nature peut remplacer.
Le potentiel associé aux projets de compensation des émissions de carbone fondés sur le marché pourrait faire en sorte de propulser le Canada au rang des chefs de file mondiaux. Les solutions axées sur la nature, c’est-à-dire des solutions climatiques qui libèrent la force de la nature pour réduire les émissions et améliorer l’adaptation, pourraient rehausser l’expertise et la renommée du Canada dans les projets de compensation des émissions de carbone, tout en renforçant la résilience et le renouvellement des écosystèmes naturels du pays.

Le Canada doit investir davantage dans les technologies qui améliorent l’efficacité énergétique pour le transport, les édifices et les activités industrielles, agricoles et forestières. Des investissements à court terme dans des rénovations durables pour les immeubles et les maisons devront être faits pour améliorer la résistance aux événements climatiques. Les politiques visant à encourager les rénovations résidentielles et commerciales peuvent être accélérées et élargies pour favoriser l’adoption généralisée de technologies qui améliorent l’efficacité énergétique dans les édifices.

L’adoption de l’électricité comme source d’énergie exigera la mise en place d’une infrastructure capable de supporter la production d’une quantité beaucoup plus grande d’électricité, ce qui comprend l’agrandissement et la modernisation des réseaux électriques pour rendre l’utilisation des véhicules électriques abordable et attrayante par rapport aux véhicules à moteur à combustion interne. De plus en plus de territoires partout dans le monde agissent pour interdire la vente de moteurs à combustion interne, y compris récemment le Québec, qui interdira la vente de véhicules neufs à moteur à combustion interne dès 2035, et la Colombie-Britannique, qui le fera en 2040. Si nous voulons rester sur la bonne voie pour atteindre l’objectif de zéro émission nette en 2050 que s’est fixé le Canada, la part du marché mondial des voitures et des camions de marchandises électriques doit passer de 2 %, son taux actuel, à 30 % d’ici 2030 au plus tard. Pour ce faire, il faut investir davantage dans le déploiement d’infrastructure, comme des postes de recharge publics, pour favoriser une vaste utilisation publique. Au Canada, des investissements à court terme dans des usines de véhicules électriques nationales, combinés à d’autres mesures incitatives comme un système de tarification robuste du carbone, pourraient améliorer la position du Canada dans l’établissement d’un secteur durable de l’automobile électrique.
L’accélération des investissements dans les autobus électriques et les trains à grande vitesse pourrait aussi encourager l’établissement de réseaux de transport en commun plus respectueux de l’environnement. Les projections indiquent que 20 % des vols nationaux en Amérique du Nord pourraient être remplacés par des déplacements en train à grande vitesse, qui sont – sur une moyenne par passager/kilomètre – 12 fois plus efficaces en termes énergétiques que le transport aérien et routier.
À long terme, les avancées technologiques dans le domaine des batteries pourraient favoriser des changements dans la demande d’énergie, faciliter l’intégration des énergies renouvelables et accélérer le potentiel d’électrification du transport de marchandises lourdes. D’autres innovations dans les réseaux intelligents pourraient améliorer l’efficacité des réseaux de distribution et optimiser le profil énergétique du Canada.

Les carburants à haute teneur en carbone comme le charbon peuvent être remplacés par le gaz naturel, qui produit moins d’émissions de carbone, pour la production d’électricité et le transport. Conformément à l’engagement du Canada de revoir les subventions relatives aux combustibles fossiles, les politiques de tarification doivent être transparentes, faire l’objet d’un suivi étroit, être appliquées et refléter le véritable coût économique de l’énergie fournie.

Pour respecter l’ engagement du Canada lié à la réduction du méthane (de 40 % à 45 % sous les niveaux de 2012 d’ici 2025), les nouveaux règlements qui limitent les émissions de méthane de sources fugitives – comme les processus de forage, d’extraction et de transport – s’appliqueront à court terme au secteur pétrolier et gazier. Compte tenu de l’intensité en carbone du méthane, la réduction des émissions de méthane sera un facteur déterminant de la résistance à la fois des exportateurs de gaz naturel et des marchés d’exportation de gaz; sinon, le gaz naturel ne sera pas perçu comme une option à faible carbone.

Technologies émergentes

 

Une stratégie de décarbonation à long terme s’appuierait sur des technologies émergentes, dont la plupart sont actuellement à l’état de démonstration et ne sont pas encore commercialement viables. Leur déploiement reposerait sur les décisions stratégiques et financières prises au cours des 5 à 10 prochaines années.

Le CUSC est le processus de captage des émissions de dioxyde de carbone provenant de sources comme les centrales électriques, les usines de production de ciment, les activités de fabrication et les sables bitumineux, et leur réutilisation ou leur stockage pour empêcher qu’elles n’entrent dans l’atmosphère. Comptant cinq projets commerciaux de grande envergure maintenant en activité, le Canada a la deuxième capacité de CUSC en importance dans le monde. La plupart des technologies de CUSC en sont encore toutefois aux premiers stades de leur développement. Elles bénéficieraient d’une démonstration à grande échelle et d’une innovation continue pour raffiner les technologies et réduire les coûts.

L’hydrogène est abondant, non toxique, efficace et sécuritaire, ce qui en fait un bon carburant de rechange. L’hydrogène propre peut augmenter la résistance du secteur canadien de l’énergie par diverses applications dans le secteur industriel, le transport et les édifices. De nouvelles technologies peuvent être mises à profit afin de créer une nouvelle demande du marché pour l’hydrogène à faible teneur en carbone, et décarboner les secteurs qui ne peuvent pas encore être entièrement électrifiés. Les technologies reposant sur l’hydrogène d’utilisation finale pourraient fournir aux provinces dépendantes des ressources l’occasion de diriger la transition vers un avenir neutre en carbone.

Le Canada est un chef de file mondial émergent dans le domaine du captage direct dans l’air, qui consiste à capter et à utiliser le dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Le processus utilise des ventilateurs industriels pour diriger l’air au moyen d’un processus chimique qui isole le carbone, qui est ensuite stocké sous terre ou vendu à des clients industriels. Après avoir été jugés irréalistes, plusieurs projets pilotes de captage direct dans l’air sont aujourd’hui en activité ou en développement à l’échelle mondiale. Le potentiel du captage direct dans l’air pour réduire les émissions de carbone dépend de l’ampleur et de l’évolution des avancées technologiques dans ce domaine. Le captage direct dans l’air étant énergivore, sa viabilité économique et environnementale dépend de la proximité des sources d’énergie renouvelable. Le captage direct dans l’air pourrait contribuer aux exportations technologiques du Canada, tout en réduisant les GES à l’échelle mondiale.

Les petits réacteurs modulaires (PRM) sont des centrales nucléaires de petite taille et de puissance réduite qui produisent de l’énergie propre. Ils sont une option prometteuse pour alimenter les collectivités éloignées et les projets industriels hors du réseau principal. Bien que l’efficacité des PRM ne soit pas démontrée à grande échelle, leur déploiement pourrait nécessiter des dépenses d’investissement initiales plus faibles que celles nécessaires pour les réacteurs de grande taille. Le gouvernement fédéral a récemment annoncé un investissement de 20 millions de dollars (dans la société ontarienne Terrestrial Energy Inc.) pour amener les petits réacteurs modulaires sur le marché canadien.

Un Canada carboneutre et prospère

 

Pour atteindre la carboneutralité à l’échelle mondiale, quelques nations devront prendre les devants pour montrer la voie. Le Canada doit être en première ligne. Il ne fait aucun doute qu’un changement sera nécessaire de la part de nos gouvernements et de nos entreprises, de même que de toutes les familles et de chacun de nous. Nous avons tout ce qu’il faut : une forte harmonisation à l’échelle nationale, un grand nombre d’entreprises déjà engagées dans la réduction des émissions, un secteur financier prêt à agir pour réduire le risque climatique et poursuivre une croissance à faible intensité en carbone, des décideurs examinant les meilleures stratégies, et des entrepreneurs industrieux.

Les organisations canadiennes doivent continuer de mettre au point des solutions et des technologies d’énergie propre puissantes pour faire baisser les coûts, commercialiser les idées prometteuses et stimuler l’investissement. Le savoir et les pratiques d’intendance autochtones peuvent également jouer un rôle clé dans la protection et le développement de paysages naturels riches. Nous pouvons unir nos forces autour de la volonté collective de protéger la santé de notre planète et faire de la décarbonation un projet non partisan national.

Un Canada à zéro émission nette profitera à tous. Mettons-nous au travail maintenant.

 

Source : Deloitte Canada s’est associé à Navius Research, un cabinet de recherche privé et indépendant, afin de modéliser des parcours de carboneutralité pour 2050.
 
 

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