Comment l’industrie pharmaceutique peut-elle contribuer à la mise en œuvre de systèmes de santé durables ?

Interview avec Marie-France Tschudin, Présidente de Novartis Innovative Medicines International et Directrice Commerciale

Marie-France Tschudin, Présidente de Novartis Innovative Medicines International et Directrice Commerciale, aborde le rôle de l'industrie pharmaceutique dans la construction d'un système de santé plus durable. L'objectif : obtenir de meilleurs résultats à plus long terme pour les patients. Marie-France Tschudin est convaincue que cinq éléments sont capitaux : investir davantage dans la prévention, réduire les maladies évitables, améliorer l’équité en matière de santé, renforcer les partenariats publics-privés et exploiter des outils numériques servant à collecter et analyser les données. Ceci permettra de mieux comprendre les besoins des patients et contribuera à des systèmes de soins plus durables, résilients et efficaces, remplissant mieux les attentes des patients et de santé publique.

Comment l’industrie pharmaceutique peut-elle contribuer à la mise en œuvre de systèmes de santé durables ?

Trois défis auxquels le système de santé doit faire face :

  • Le système de santé privilégie de manière disproportionnelle le traitement, au détriment de la prévention : « En général, les personnes découvrent le système de santé lorsqu’elles ne se sentent pas bien. Les médecins sont incités à traiter les patients ou à pratiquer des opérations. […] Il est fondamental de s’intéresser davantage à la prévention. En effet, la prévention permettrait non seulement d’améliorer la rentabilité du système, mais assurerait également une plus grande durabilité et productivité », explique Marie-France Tschudin.
  • Les inégalités en matière de santé restent répandues même dans les pays développés.« À Philadelphie, par exemple, l'espérance de vie peut varier d'une dizaine d'années en quelques kilomètres. Cet écart témoigne de l’importance de s’occuper davantage des populations les plus démunies, à la fois dans les pays industrialisés et les pays en voie de développement », commente Marie-France Tschudin.
  • On observe un manque de partenariats entre les institutions privées et publiques du secteur de la santé.« Trouver un objectif commun permettrait de remédier à cette situation, et ce indépendamment du type d’institution. La crise de COVID-19 a montré que la collaboration est efficace et qu’elle permet de parvenir à des résultats plus rapidement », souligne Marie-France Tschudin.

Qui est responsable de l’évolution vers un système de santé plus durable ?

D’après Marie-France Tschudin : « Chacun est responsable de sa propre santé. Cela dit, nous pouvons tous exercer une influence sur l’élaboration du programme de santé, les priorités, les investissements à effectuer et l’accès aux bons médicaments pour les patients. »

Les principaux acteurs et décideurs de l’industrie de la santé devraient collaborer davantage afin de se focaliser conjointement sur des objectifs de durabilité des soins de santé, à l’instar de ceux pour l’environnement. « Pourquoi ne pas définir comment nous pensons réduire de 50 % les risques de maladies cardiovasculaires ou les décès dans notre pays d’ici à 2030 ? Il s’agit d’un objectif atteignable, pourtant jamais abordé. »

Comment l’industrie pharmaceutique peut-elle accomplir des changements efficaces ?

Voici les trois points que l’industrie pharmaceutique peut mettre en place pour améliorer la durabilité du secteur et les résultats pour les patients :

  • Poursuivre la recherche scientifique
  • Equilibrer davantage les intérêts produits / clients
  • Rester à l’écoute des besoins des patients, des médecins et du système de santé

Toutes les personnes impliquées dans le système de santé doivent être tenues plus responsables des résultats. « S’agissant des médicaments, l’industrie pharmaceutique est déjà bien avancée : elle fournit des médicaments dont elle connaît les effets. Toutefois, on attend le même niveau de responsabilité concernant la santé générale de nos sociétés », explique Marie-France Tschudin. « Le secteur doit être impliqué et collaborer davantage avec d’autres organismes pour déterminer le fonctionnement du système de santé, la manière dont les patients sont traités et s’assurer que les promesses sont tenues. »

Comment faire co-exister la collaboration et la concurrence ?

La collaboration et la concurrence ne s’excluent pas nécessairement. L’essentiel est d’assurer la confiance dans le système et dans la collaboration entre les parties prenantes. Madame Tschudin a une idée précise de la mise en œuvre de la confiance et de la collaboration : « Il est essentiel que les acteurs principaux de l’écosystème comprennent que le secteur de la santé fait face à de nombreux défis, et que la concurrence ne réside pas dans les activités de leurs rivaux. En fait, la concurrence provient des obstacles à l’intérieur du système, tels que l’accès, les coûts et l’adhésion. Ces freins représentent le véritable enjeu pour un meilleur système de santé. Si les différents acteurs s’efforçaient de supprimer ensemble certains obstacles, ils élimineraient également plusieurs de leurs concurrents communs. »

Quels sont les défis à relever afin de favoriser un système basé sur les résultats ?

Marie-France Tschudin soutient qu’un système basé sur les résultats exige des aptitudes très différentes de celles traditionnellement attendues dans le secteur. La mise en œuvre d’un tel système nécessite l’intervention de spécialistes de la santé, d’experts en analyse de données et une nouvelle approche sur le plan des affaires publiques. Par ailleurs, le secteur interagit avec d’autres systèmes complexes et répondant aux lois du marché, ce qui souligne la nécessité de trouver des personnes capables d’aborder les points importants pour faire évoluer les normes en matière de soins. Travailler avec ces spécialistes permettrait aux entreprises pharmaceutiques de se focaliser davantage sur les patients en les aidant à résoudre leurs problèmes de santé grâce à des mesures durables sur le long terme, au-delà de la médication.

Quelles sont les compétences nécessaires à l’amélioration du système de santé sur le long terme ?

Afin que les systèmes de santé soient en mesure de comprendre les patients, ils doivent savoir déchiffrer les données disponibles. Il est donc nécessaire de faire appel à des experts en gestion et en analyse des données, ainsi que des spécialistes de la numérisation de certains processus. « Aujourd’hui, le système doit faire preuve de flexibilité, étant donné que les individus veulent tout obtenir au moment où ils en ont besoin. La science de la mise en œuvre est elle aussi au centre des préoccupations. Elle a pour but de s’assurer qu’un produit ou un traitement ainsi que ses directives soient inscrites dans le système de manière à faire progresser la qualité des résultats. Il serait intéressant pour Novartis de participer au développement de telles compétences », déclarfe M.-F. Tschudin.

Comment le système de santé va-t-il évoluer au fil des 10 à 15 prochaines années ?

D’après Marie-France Tschudin, l’avenir du système de santé est très clair : « À l’avenir, le système sera plus proactif et autant que possible centré sur la prévention. De nombreuses maladies telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète, voire la maladie d’Alzheimer, peuvent être évitées. Les inégalités seront réduites ou, du moins, le système de santé aura un caractère plus holistique et une vision plus large de la santé. De plus, les partenariats entre organismes privés et publics deviendront la norme. Ils seront tenus pour acquis et permettront de travailler sur les objectifs de santé prioritaires . »

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