Communiqué de presse
Rémunération des conseils d’administration : charge de travail de plus en plus importante et une rémunération qui n’augmente guère
Zurich/Genève, le 27 février 2023
La rémunération des administratrices et administrateurs en Suisse ne correspond pas forcément à leur charge de travail. Un quart de ceux et celles qui ont été récemment interrogés estiment que leur rémunération ne reflète pas le temps investi dans l’exercice de leur mandat. En outre, dans des enquêtes antérieures déjà (à partir de 2018), ils étaient une majorité à estimer que la charge de travail liée à leur activité d’administratrice ou d’administrateur avait augmenté. Le dernier swissVR Monitor en date, fruit des réponses fournies par 453 administratrices et administrateurs, révèle néanmoins un élément positif : neuf sur dix d’entre eux apprécient l’équité et la bonne gouvernance au sein de l’organe et à l’égard des actionnaires.
Des défis tels que la pandémie de COVID, la guerre en Ukraine ou les problèmes rencontrés par les chaînes d’approvisionnement accroissent la charge de travail des membres des conseils d’administration en Suisse. C’est ce que révèle le dernier swissVR Monitor, une enquête réalisée deux fois par an par l’association des conseils d’administration swissVR, en coopération avec le cabinet d’audit et de conseil Deloitte et la Haute École de Lucerne. Les administratrices et administrateurs consacrent de plus en plus de temps à leur mandat. En contrepartie pourtant, les rémunérations n’ont que légèrement augmenté. 26% de toutes les personnes interrogées indiquent que leur rémunération d’administratrice ou d’administrateur ne reflète pas leur charge de travail. Cette affirmation est sans doute à mettre en perspective avec les résultats des enquêtes antérieures : en effet, dans les éditions 2018, 2020 et 2022 déjà, plus de la moitié des personnes interrogées (environ 55%) a déclaré que, d’après elles, la charge de travail liée à leur fonction d’administratrice ou d’administrateur a augmenté en l’espace d’un an. Les rémunérations n’ont pourtant guère tenu compte de cette tendance durant la même période et ne dépassent que rarement le niveau relevé en 2018.
Ce constat s’explique probablement aussi par le fait que le montant des rémunérations est une question rarement mise sur le tapis dans environ deux cinquièmes des conseils d’administration (cf. graphique 1). En revanche, la transparence interne recueille une bien plus grande approbation. Ainsi, la grande majorité des personnes interrogées connaît la rémunération des autres membres du conseil d’administration (93%) et estime que la répartition au sein de l’organe est appropriée (92%). Neuf personnes interrogées sur dix (91%) expliquent par ailleurs qu’il est de bonne gouvernance pour une entreprise d’informer en détail ses actionnaires des rémunérations perçues par les membres du conseil d’administration. Globalement, on constate que l’approbation par rapport à l’ensemble des trois affirmations – et partant par rapport à la transparence interne et à l’équité perçue au sein des conseils d’administration – est légèrement plus élevée dans les petites entreprises, où le conseil d’administration est généralement plus restreint, que dans les grandes entreprises.
Les bouleversements mondiaux génèrent un surcroît de travail
« Les facteurs d’insécurité géopolitiques et économiques ont sensiblement accru la charge de travail des membres des conseils d’administration, alors que nous n’avons relevé que de faibles hausses des rémunérations au cours des dernières années. Comme les rémunérations sont habituellement forfaitaires, il est toutefois opportun de ne pas réagir aux fluctuations à court terme de la charge de travail et de maintenir les rémunérations stables sur une longue période », déclare le Prof. Christoph Lengwiler, maître de conférences à l’Institut des services financiers (IFZ) de Zoug de la Haute École de Lucerne et vice-président de swissVR.
Les conclusions de l’édition actuelle du swissVR Monitor et les informations tirées des enquêtes des dernières années indiquent clairement que les conseils d’administration se professionnalisent sans cesse davantage : ils attendent de la direction un reporting efficace et prennent le temps nécessaire pour discuter des orientations stratégiques. La hausse de la charge de travail et la diversification des tâches des administratrices et administrateurs en sont aussi une conséquence.
La rémunération fixe est la norme
La plupart des administratrices et administrateurs interrogés perçoivent leur rémunération sous forme forfaitaire dans le cadre d’un modèle de rémunération fixe. Le succès de l’entreprise joue rarement un rôle dans le montant de la rémunération. La charge de travail déjà décrite revêt ici une bien plus grande importance : 74% des personnes interrogées la mentionnent comme l’un des facteurs les plus importants, devant l’étendue des responsabilités et du risque (61%) et les exigences (expérience, savoir spécialisé, réseau) auxquelles doivent répondre les membres d’un conseil d’administration (49%). La taille de l’entreprise joue surtout un rôle dans l’évaluation de l’étendue des responsabilités et du risque : les membres des conseils d’administration des grandes entreprises (71%) ont fait nettement plus souvent référence à cet aspect que ceux des petites entreprises (53%).
Par ailleurs, la taille de l’entreprise a une influence significative sur le niveau de la rémunération. Dans les petites entreprises, la moyenne pour des administratrices et administrateurs ordinaires se situe entre 5’000 et 15’000 francs. En revanche, dans les grandes entreprises, cette valeur est plutôt comprise entre 50’000 et 100’000 francs. Par rapport aux résultats de l’enquête de 2018, on n’observe que de faibles écarts dans les différentes catégories de rémunération. La seule modification manifeste est la diminution de la part des personnes faiblement rémunérées (cf. graphique 2).
La gouvernance d’entreprise dans la détermination de la rémunération
Le montant des rémunérations est fixé par l’actionnariat dans plus de la moitié des cas (52%). Dans ce contexte, 27% des personnes interrogées ont cité un actionnaire majoritaire ou les propriétaires de l’entreprise, 6% un comité d’actionnaires et 23% l’assemblée générale. Près de la moitié de toutes les personnes interrogées (43%) ont indiqué que la décision concernant la rémunération des membres du conseil d’administration n’appartient pas à l’actionnariat, mais au conseil d’administration lui-même. Dans la plupart des cas (31%), l’organe décide dans son ensemble et dans 6% des cas, la décision revient à un comité ou à la présidence du conseil d’administration.
« Les entreprises suisses suivent en très grande partie les règles de la gouvernance d’entreprise quant à la rémunération des membres du conseil d’administration. C’est un élément positif, car la transparence et la bonne gestion de l’entreprise sont d’importants piliers de la place économique suisse. Ces piliers ont aussi résisté aux incertitudes et aux changements profonds induits par la pandémie, les risques géopolitiques, l’inflation, les problèmes au niveau des chaînes d’approvisionnement ou la pénurie de personnel. En même temps, les administratrices et administrateurs travaillent davantage que par le passé, assument des responsabilités supplémentaires et ont sans cesse professionnalisé leur collaboration et la communication avec les parties prenantes. Cette évolution doit se poursuivre ; de plus, les conseils d’administration doivent gagner en diversité et mettre davantage l’accent sur la gestion des risques », estime Alessandro Miolo, responsable du département Audit & Assurance de Deloitte Suisse.
Des prévisions prudentes
Les personnes interrogées se sont montrées peu optimistes quant aux perspectives conjoncturelles générales pour les douze prochains mois. Lors de l’enquête réalisée en décembre, seuls 16% de tous les administrateurs et administratrices ont déclaré tabler sur une évolution positive de la conjoncture. Les attentes négatives dominent, avec 21%. La grande majorité (63%) des personnes interrogées a émis un avis « neutre » par rapport aux prévisions conjoncturelles. Comparativement, les avis concernant les perspectives sectorielles (40%) et les perspectives commerciales (53%) sont beaucoup plus positifs que les jugements portés sur la situation conjoncturelle globale.
Compte tenu des défis économiques et géopolitiques actuels, les administratrices et administrateurs interrogés ont mentionné comme principaux thèmes pour les douze prochains mois la gestion des risques, les réactions aux évolutions du marché et les gains d’efficacité. Pour les douze prochains mois, les personnes interrogées mettent toutefois principalement l’accent sur le recrutement et la fidélisation de nouveaux collaborateurs. La pertinence de la gestion des talents est liée en grande partie à la pénurie actuelle de personnel et de main-d’œuvre qualifiée. L’élaboration d’une nouvelle stratégie d’entreprise ne joue plus qu’un rôle secondaire au cours des douze prochains mois. L’année dernière, c’était encore le thème numéro un (données précises dans le graphique 3).
Cornelia Ritz Bossicard, présidente de swissVR, analyse les résultats : « Les perspectives mitigées montrent clairement que des facteurs d’incertitude tels que les risques géopolitiques, la crise énergétique et l’inflation constituent un frein non seulement pour les grandes entreprises opérant à l’échelle mondiale, mais aussi pour les PME suisses. La pandémie de COVID et les ruptures dans les chaînes d’approvisionnement ont conduit à une révision de la stratégie d’entreprise et à un renforcement de la gestion des risques dans bon nombre d’entreprises. La grande préoccupation actuelle des conseils d’administration est le recrutement de collaborateurs bien formés pour pouvoir contrer la pénurie de personnel. Parallèlement, il est impératif de tenir compte encore davantage de la concurrence et des évolutions du marché, ainsi que d’accroître l’efficacité des processus internes. »