Zurich de nuit

Communiqué de presse

Les banques de détail suisses subiront une pression grandissante à l’avenir : leurs revenus pourraient diminuer d’un tiers en dix ans

Zurich/Genève, le 3 avril 2023

Les banques suisses ayant des activités de détail se portent toujours bien. Les défis des dernières décennies n’ont jamais véritablement ébranlé leur solide position, des adaptations progressives s’étant révélées suffisantes. Aujourd’hui cependant, des évolutions récentes remettent en question leur business model. Parmi elles, le passage d’un business model en vase clos vers l’Open Banking, l’ouverture toujours plus grande des interfaces et l’intensification de la coopération avec des prestataires tiers. De manière générale, les principaux flux de revenus des banques pourraient se contracter jusqu’à un tiers au cours cette décennie. Tel est l’un des constats de la nouvelle étude Deloitte « The future of retail banking ». Les récentes faillites bancaires aux États-Unis ainsi que l'impact local de du mariage forcé d'UBS et du Credit Suisse devraient stimuler la dynamique du marché – donnant ainsi rapidement une raison d'agir de manière décisive à tous les acteurs du marché.

Les banques de détail suisses traditionnelles servent principalement des clients privés et des PME. Actuellement, elles le font principalement avec des services standardisés, offrant des produits d’épargnes et d’investissements aux paiements et prêts. Outre les deux grandes banques, les principaux acteurs en Suisse sont les banques cantonales ainsi que les banques Raiffeisen. Par rapport à leurs homologues européennes, les banques de détail suisses opèrent dans un environnement de marché très attrayant. Elles bénéficient généralement d'un marché intérieur solide caractérisé par un rythme de changement lent.
 

Les spécificités du marché suisse en voie de disparition

Concernant les différences de développement entre les banques de détail suisses et européennes, trois facteurs se distinguent en particulier : premièrement, le volume d’affaires élevé d’environ 150’000 francs par client, qui entraîne en moyenne un bénéfice d’exploitation annuel confortable de 550 francs. En Europe, le volume d’affaires total par client oscille entre 30’000 et 60’000 euros, et le bénéfice d’exploitation se situe entre 150 et 350 euros. Le deuxième facteur concerne l’essor du marché hypothécaire suisse, qui a permis aux banques helvètes d’enregistrer une croissance constante de leurs revenus au cours des deux dernières décennies. Enfin, le marché suisse de la banque de détail se distingue par la grande fidélité de la clientèle à une marque : les clients ont développé une relation étroite avec leur banque habituelle et ne sont guère disposés à en changer.

Or, comme le montre l’étude Deloitte, ces facteurs sont en train d’évoluer et conduiront, à moyen terme, à des défis importants sur le marché de la banque de détail.

Des changements structurels menacent les revenus

« Il deviendra plus difficile, pour les banques de détail suisses, de maintenir leur niveau élevé de rentabilité et de croissance », affirme Antoine Oliveau, associé en charge du secteur bancaire en Romandie chez Deloitte Consulting Suisse. Selon lui, cela s’explique par le passage de la société et de l’économie au principe de zéro émission nette, par une plus grande maturité du marché, par la saturation croissante du marché de l’immobilier résidentiel, par le vieillissement de la base de clientèle, ainsi que par le besoin croissant de la clientèle de disposer de solutions fonctionnelles, et ce, pour toutes les prestations bancaires.

Les néo-banques, les banques challenger et les non-banques entrent en scène
Les néo-banques et les banques challenger qui font leur apparition représentent un défi. Grâce à leurs modèles d’exploitation bancaire numériques sophistiqués, elles offrent une meilleure expérience client à moindre coût. Certaines institutions financières non bancaires (IFNB) dotées d’un fort capital deviennent également de sérieux concurrents en matière de services bancaires classiques. Parmi elles, on compte principalement les compagnies d’assurance et les caisses de pension. Ces dernières années, plusieurs IFNB se sont lancées dans le secteur attrayant des hypothèques pour les clients de détail et collaborent à cet effet avec des courtiers indépendants (comme Moneyland ou MoneyPark) et des fournisseurs de plateformes de crédit (comme creditexchange.ch ou resolve.ch). Ces IFNB entendent également augmenter leur part de marché dans d’autres services financiers tels que le conseil financier et la gestion de fortune.

De nouveaux écosystèmes d’Open Banking concurrencent le modèle bancaire classique

Les activités traditionnelles des banques suisses sont à la veille d’un changement fondamental. Le mot magique est l’Open Banking. Il est ainsi possible de réunir sur des plates-formes numériques des services séparés de banques et d’autres prestataires de services et de les proposer aux clientes et clients sous forme de paquet unique. La création de ces nouveaux écosystèmes est principalement favorisée par des entreprises FinTech agiles qui collectent, préparent et mettent à disposition des contenus et des offres. « Face à l’évolution des besoins et des attentes de la clientèle, aux nouveaux modèles d’interaction, à la décomposition croissante des chaînes de création de valeur et aux progrès technologiques, les banques de détail doivent développer de nouvelles stratégies pour faire face aux écosystèmes émergents et pour s’y faire une place », poursuit Antoine Oliveau, avant de préciser : « Dans leur processus de planification stratégique, les banques devraient penser beaucoup plus en termes de scénarios. C’est la seule façon pour elles de réinventer un nouveau positionnement à long terme ». A cet effet, Deloitte a élaboré quatre scénarios pour le futur développement du marché de la banque de détail suisse.

Des mesures pour mieux affronter l’avenir

Les banques de détail suisses doivent prendre rapidement des décisions stratégiques importantes en fonction du scénario et du rôle qu’elles y jouent. Deux possibilités s’offrent alors à elles : elles peuvent soit développer elles-mêmes des produits innovants et attrayants, soit se concentrer sur la gestion des canaux et des relations avec la clientèle. En outre, elles doivent réfléchir à la manière dont elles peuvent combiner les éléments de la banque traditionnelle avec les services d’un écosystème plus large.

« Pour accroître la flexibilité commerciale et encourager l’innovation et la croissance, les banques de détail doivent tourner leur regard de l’intérieur vers l’extérieur. Elles devraient se concentrer davantage sur les partenariats et les collaborations externes », conseille Antoine. La numérisation sera elle aussi un facteur de réussite déterminant au cours de la prochaine décennie. Il ajoute : « Il ne suffit toutefois pas de suivre les tendances technologiques actuelles. En effet, le client espère aujourd’hui le meilleur des deux mondes : une interaction personnalisée et les avantages du numérique ».

À propos de l’étude

L’étude « The future of retail banking » se base sur les données publiques des entreprises évaluées ainsi que sur différentes études et données d’associations et d’autorités. Les analyses qui en découlent ont été élaborées par des experts de Deloitte. L’étude comporte une évaluation critique de l’environnement commercial actuel et des scénarios potentiels de développement des marchés et des écosystèmes au cours de la prochaine décennie.

Elle fait partie d’une série de livres blancs de Deloitte qui se penchent sur l’avenir du secteur suisse des services financiers sur une période de dix ans et plus.

Deloitte a par ailleurs déjà publié en 2023 le TrendRadar : l’avenir de la banque, qui se base sur un screening des tendances du secteur et sur leur évaluation par des experts. Les tendances identifiées sont catégorisées selon différents niveaux de priorité. L’étude offre un aperçu systématique des principales tendances dans le secteur bancaire.

 

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