Points de vue

Comment les Organisations Donatrices Internationales peuvent-elles mettre en place des plans d’actions basés sur la donnée pendant la crise du COVID ?

5 recommandations pour prendre des décisions basées sur la donnée et l’information

Plus que jamais, la disponibilité et l’optimisation de la donnée est un besoin primaire dans un écosystème public-privé.

L’innovation s’accélère sous l’effet de la Covid-19, stimulant le développement et la généralisation d’une série de nouveaux partenariats public-privé entre les organisations internationales, les gouvernements, les autorités de réglementation, les professionnels de santé, le secteur des sciences de la vie, le secteur technologique et les entreprises focalisées sur la santé et le bien-être des consommateurs. Ces collaborations prennent diverses formes : des clusters de Recherche et Développement aux modèles de prestations de santé. Comme jamais auparavant, les parties prenantes s’y rassemblent pour enrayer la pandémie, améliorer la santé de la population et aider les économies à survivre et, à terme, à stimuler leur croissance. Basés sur la confiance, ces partenariats ont conduit à une vague d’innovations et au partage de connaissances et propriété intellectuelle tout au long des chaînes de valeur.

Par exemple, au cours de l’été 2020, l’OMS s’est alliée à Gavi et à la Coalition pour les Innovations en matière de Préparation aux Epidémies (CEPI) pour lancer le programme COVAX, qui a pour but de soutenir le développement et l’amélioration de la production des vaccins, ainsi que leur approvisionnement. Il assure également à chaque pays un accès équitable aux 2 milliards de doses qui seront distribuées d’ici la fin de l’année 2021. Le COVAX est l’un des trois piliers du dispositif ACT-Accelerator (Access to Covid-19 Tools Accelerator).

En outre, un programme public-privé a été également créé pour soutenir le Yémen, alors même que la pandémie menace d’empirer la pire crise humanitaire que le monde ait connu. Le pays compte environ 24 millions de personnes dont la survie dépend de l’aide humanitaire. En avril, un groupe d’entreprises multinationales et les Nations Unies se sont réunis pour fonder l’International Initiative on COVID-19 in Yemen (IICY).

Les enjeux sanitaires mondiaux sont élevés. Au-delà même des effets directs de la pandémie, des perturbations découlant de l’urgence liée à la COVID-19 apparaissent au niveau des chaînes d’approvisionnement et compromettent les efforts fournis en vue d’éradiquer des problématiques sanitaires mondiales plus anciennes, comme la malaria, la tuberculose et le VIH.

Vincenzo Chiochia, Directeur Conseil

La pandémie a révélé la fragilité des systèmes de gestion des données de santé nationaux. D’après l’étude « Future Unmasked » publiée par Deloitte, une transition globale vers la prévention sera opérée d’ici 2025 incluant notamment les vaccins, les tests génétiques et la médecine digitale. Cela sera possible grâce à des données hautement interopérables, des technologies et des systèmes d’analyse de pointe, des plateformes ouvertes et sécurisées, et de nouveaux modèles d’affaires basés sur la valeur, qui permettent au système de santé mondial de réaliser des économies.

Selon un rapport publié récemment par le Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, environ 60 % des pays ont déclaré que leurs services de laboratoire connaissent des perturbations fortes à modérées dans le diagnostic du VIH et de la tuberculose. Les services communautaires impliqués dans la lutte contre le sida sont sévèrement impactés, les populations les plus à risque étant les plus touchées. La peur d’y contracter la COVID-19 et les difficultés financières rencontrées suite au confinement ont entraîné un déclin du taux de fréquentation des structures médicales. Des problèmes de transport empêchent également la population d’accéder à ces services et ralentissent l’acheminement des échantillons vers les laboratoires.

Dans ce contexte difficile, il est primordial pour les Organisations Internationales que les données épidémiologiques, tout comme les informations sur les stocks de médicaments et les disponibilités des laboratoires, soient rapidement accessibles et transmissibles, afin de pouvoir agir de manière avisée et établir des stratégies appropriées.

Considérant une perspective analytique et basée sur les données, comment les organisations internationales donatrices peuvent-elles se préparer pour agir de manière adéquate ?

Ci-dessous sont listées cinq actions concrètes qui permettent d’accélérer la transition vers une prise de décision axée sur les données au sein d’un écosystème de contributeurs public-privé :

Construire et développer au sein de l’organisation un paysage de données et d’analytique prévoyant l’échange de données internes et faisant de l’interopérabilité avec les partenaires un principe fondamental. Les architectures de données modernes s’adaptent aux besoins et parcours des utilisateurs pour élaborer des composantes telles que les hubs de données et les flux de données. Dans le contexte d’une organisation internationale, les utilisateurs peuvent être internes (par exemple, membres du personnel du siège social ou des bureaux régionaux) ou faire partie d’organisations partenaires, comme les établissements universitaires, les opérateurs de terrain et les administrations nationales. Il convient donc que les architectures de données modernes incluent des solutions facilitant la découverte, l’accès et la diffusion des données. À titre d’illustration, les catalogues de données doivent améliorer la visibilité des actifs de données dans l’organisation et nourrir une analyse corrélative entre différents domaines programmatiques. De plus, les catalogues donnent la possibilité de créer des jeux de données personnalisés pour des besoins dédiés dans un cadre instaurant une gouvernance et un contrôle appropriés.

Faire la promotion de normes sur les métadonnées, notamment en utilisant des API et des dictionnaires de données communs : les données seules peuvent en effet être difficiles à interpréter et à corréler sans une description rigoureuse des métadonnées. Il convient par conséquent que les jeux de données soient toujours complétés de définitions d’indicateur claires et d’une description des méthodologies de calcul. En outre, la reproductibilité et la transparence des estimations statistiques étant capitales pour les études scientifiques, les organisations doivent se tenir prêtes à fournir des solutions permettant le partage de techniques de réduction, d’agrégation et d’analyse des données avec le grand public. Enfin, le déploiement et la gestion des normes de sécurisation de l’échange des données et de la qualité des données peuvent être améliorés au moyen d’interfaces de programmation d’applications (API). Compte tenu de l’intensification de l’échange de données avec les institutions tierces et de l’aggravation du risque de violation des données, il est conseillé aux organisations d’éviter l’échange de fichiers par des canaux de communication non sécurisés, comme les messages électroniques non cryptés.

Valoriser les partenariats avec les fournisseurs cloud pour accélérer la mise en œuvre de capacités d’analytique et d’Intelligence Artificielle avancées à grande échelle, dans un contexte d’évolution rapide du paysage technologique. Les plateformes cloud peuvent désormais fournir les composantes servant à développer, déployer et gérer des modèles d’apprentissage automatique à l’échelle voulue et accélérer nettement l’adoption de l’IA. De plus, à une époque marquée par des volumes de donnée sans cesse croissants et des charges de travail variables, les organisations internationales peuvent bénéficier des architectures sécurisées et évolutives propres aux environnements cloud, capables de s’adapter aux exigences de traitement de données à la demande.

Cultiver la collaboration dans tout l’écosystème de partenariats en faisant la promotion de plateformes ouvertes pour la modélisation des données, l’analyse prédictive et l’élaboration de scénarios. À titre d’exemple, les organisations peuvent élargir leur collaboration avec les universités et les entreprises privées en mettant en place des environnements de test et sandbox (bac à sable) basés sur le cloud en vue de l’analyse et du prototypage sécurisés des données à la demande, sans exercer de contraintes supplémentaires sur les systèmes IT opérationnels. Il arrive en effet que les data scientists aient besoin d’accéder à des données chargées dans une zone de staging (transfert) ou dans une sandbox dédiée où ils peuvent combiner les données de l’organisation à des jeux de données tiers, économiques et démographiques pour élaborer et modéliser des scénarios.

Renforcer les effectifs internes en matière d’analyse de données en nouant de vastes partenariats avec des entreprises technologiques, des prestataires de services professionnels, des universités et également des centres d’excellence en technologie. Pour procéder à une prise de décision basée sur la donnée, à une évaluation précise des risques et à l’élaboration de scénarios, toute organisation a besoin d’un effectif croissant de data explorers, d’ingénieurs de données et de data scientists en plus des profils de consommateurs de données, qui ne sont pas toujours disponibles au sein de l’institution.

L’organisation internationale joue un rôle primordial dans la protection des populations vulnérables à un moment particulièrement critique. L’urgence représentée par la Covid-19 compromettant les efforts humanitaires dans le monde entier, les décisions et les plans de réponse vont devoir de plus en plus s’appuyer sur de larges réseaux de partenariats mobilisant le secteur privé, les gouvernements et les universités. En gardant à l’esprit ces cinq grands aspects comme principes directeurs, les institutions peuvent naviguer plus efficacement dans les incertitudes de la conjoncture actuelle, en minimisant le temps séparant la collecte des données de terrain et la prise de décision dans un écosystème de parties prenantes en rapide évolution.

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