Point de vue
Le financement, un enjeu stratégique
Dans un avenir incertain, comment disposer d’une structure de financement alliant pérennité, flexibilité d’utilisation et sécurité ?
Le contexte économique et, en particulier, la remontée des taux ont remis en lumière l’importance du financement, enjeu central pour assurer la continuité d’exploitation de l’entreprise et son développement ; l’ère de l’argent « pas cher et facile » est bien derrière nous.
La grande question que se posent les milieux d’affaires en cette rentrée : combien de temps les entreprises pourront-elles résister à la hausse des taux d’intérêt et à l’envolée des coûts dans un contexte géopolitique incertain ? Si les prévisions divergent quant à une poursuite de la hausse des taux, il existe un certain consensus pour dire qu’une baisse est inenvisageable avant fin 2025 au moins.
Dans ce contexte, grand nombre d’entreprises dont la grande majorité des ETI, qui ont emprunté à taux très bas mais néanmoins variables, tout en privilégiant les dettes bancaires à court terme, se retrouvent aujourd’hui face à des problématiques pressantes de refinancement. Et pour certaines d’entre elles, les PGE en cours d’amortissement alourdissent leur service de la dette. Pour autant, nombre de dirigeants restent dans un certain attentisme dans l’espoir d’un retour au monde d’avant, au risque de mettre en péril leur activité.
Certaines ETI ont su, en revanche, si ce n’est anticiper les crises, adopter une stratégie financière prudente combinant un ensemble d’outils de financement diversifiés et complémentaires proposés par des acteurs bancaires et non bancaires (« prêteurs alternatifs »).
Il est encore temps de remettre à plat sa structure de financement et de mener une réflexion approfondie, en s’inspirant des best practices sur le marché des ETI dont nous allons rappeler quelques éléments.
Les enjeux et nouveaux défis auxquels doivent faire face les CFO et les Directions Générales
Rappel des principaux objectifs de la stratégie de financement
- Financement du plan de croissance organique et externe sur les années à venir
- Flexibilité de la structure d’endettement du groupe
- Rendre flexible d’utilisation l’ensemble des lignes (financement ayant pour objet les besoins généraux, maintien d’un volant de lignes CT facilement mobilisables, etc.)
- Conserver une part de financement remboursable in fine (libère des cashflows notamment en cas d’acquisition)
- Négocier des covenants adéquats pour se garantir une marge de manœuvre suffisante
- Sécuriser les financements pour faire face aux besoins à tout moment
- Rallonger la duration moyenne de l’endettement (les best practices témoignent d’une durée supérieure à 4 ans). Il s’agit de prendre compte la maturité moyenne du contrat de financement eu égard la partie déjà amortie.
- Disposer en permanence d’un volant de financements pour faire face aux imprévus (headroom)
- Garantir une bonne adéquation entre emplois LT et ressources LT
- Gérer de façon prudente l’exposition aux taux (équilibre taux fixe/taux variable)
- Diversifier les sources de financement
- Réduire la dépendance de la société vis-à-vis des banques en élargissant la base de prêteurs à des fonds de dette (Prêteurs alternatifs)
- Créer une émulation concurrentielle entre tous les prêteurs
- Maîtriser le coût global de financement
- Optimiser la gestion de l’endettement groupe (positionnement des lignes de financement sur telle ou telle entité)
La mise en place d’une opération de (re)financement nécessite une approche structurée et pragmatique
Les facteurs de succès d’une opération de (re)financement sont (i) la rapidité d’un diagnostic factuel et objectif, (ii) la préparation bien en amont de la levée de fonds et (iii) la rigueur dans l’exécution.
Prendre le temps de mener à bien une réflexion approfondie sur ses besoins et contraintes
o Diagnostic de le structure bilancielle/structure de financement : cette première phase doit être menée de façon rigoureuse, et vise à l’élaboration d’un diagnostic complet : analyse détaillée des besoins (besoins d’exploitation, de capex ou de croissance externe, financements d’actifs - sale & lease-back, affacturage, financement de stocks - adéquation des emplois/ressources, pertinence des instruments de financement utilisés, état des relations avec les partenaires prêteurs, etc.). Le diagnostic doit être lucide et poser clairement les constats, afin de prendre les bonnes décisions.
o Bien comprendre les outils de financement accessibles pour la société : à chaque besoin correspond des outils spécifiques ou des solutions combinant différents outils, qu’il conviendra de bien appréhender : avantages/inconvénients, benchmark, financeurs susceptibles d’être approchés, etc. Il conviendra aussi de réaliser des modélisations simulations de ces instruments dans le business plan afin de s’assurer de leur pertinence dans la durée.
o Faire preuve de créativité : l’élaboration d’une structure de financement adaptée à l’entreprise et à son plan d’affaires passe par la remise en cause de l’utilisation exclusive d’instruments traditionnels : il conviendra d’explorer des options réellement disruptives ou innovantes, et ne pas se cantonner à un exercice de réduction des coûts. Cette créativité passe aussi par la remise en cause de termes et conditions souvent présentés par les banques comme « standards de marché ». Ainsi, le directeur financier doit définir un « term sheet » reflétant son cahier des charges et pas seulement celui des comités de crédit des banques.
Bien préparer son opération en montant un dossier de crédit crédible et argumenté
Le passage devant un comité de crédit, qu’il soit bancaire ou auprès d’un fond de dette, est souvent présenté comme un fusil à un coup. En cas de refus, il est très difficile d’avoir une session de rattrapage même plusieurs mois après (nonobstant les éventuelles fuites sur un refus dans la communauté financière). Quelques principes de base sont à rappeler :
o Monter un dossier de crédit ne se limite pas à une description détaillée de la société mais inclut aussi une analyse des facteurs de risque et de la façon dont ils sont ou seront adressés par le management. En d’autres termes, il faut faciliter le travail des analystes crédit qui doivent couvrir un ensemble de points crédit prédéterminés.
o Raconter « l’histoire crédit/credit story » - et non « l’equity story », pour rassurer le prêteur potentiel sur le fait qu’il sera remboursé. Sur ce point, il est utile de rappeler que derrière toute belle histoire racontée par le management, il y a des chiffres, il y a un free cashflow essentiel pour le prêteur. En effet, celui-ci se focalisera plus sur la capacité de l’entreprise à assurer le service de la dette (i.e. principal et intérêt) pendant la durée du contrat que sur la valorisation de la société qui intéresse en premier lieu les investisseurs « equity ».
o Communiquer et mettre en œuvre : enfin, il convient de mettre en œuvre une communication claire, transparente par le management afin de « Dire ce que l’on fait, et faire ce que l’on dit ». C’est un élément clé du succès d’une levée de dettes.
Exécuter la levée de fonds
o Une levée de fonds passe par un processus d’approche des financeurs et de négociation bien rodé et bien organisé pour tenir les parties prenantes dans un calendrier souvent contraint.
o La négociation du « term sheet »/résumé des termes et conditions est une étape décisive dans l’exécution de la levée de fonds et ce, à deux titres : d’abord, c’est le document sur lequel le comité de crédit rendra une décision de principe (quasiment engageante). Ensuite, de la précision de ce term sheet dépendra la mise en œuvre plus ou moins facile de la documentation finale. Les best practices et notre expérience nous montrent que, plus le term sheet est détaillé et bien négocié en amont, plus la documentation finale est favorable aux emprunteurs (les avocats des deux parties étant alors plus efficaces car ne se préoccupant que de la traduction juridique de points financiers déjà négociés).
o Enfin, les aspects opérationnels tels que les CP’s (Conditions Préalables à la signature d’un contrat) devront être abordés en parallèle et non « au dernier moment » au risque de décaler une date de closing/funding qui peut parfois être préjudiciable.
Dans un contexte compliqué et incertain, l’usage de bonnes pratiques et de process rigoureux est encore plus important pour le succès de l’opération de (re)financement ; face à une sensibilité accrue au risque, chacun des acteurs autour de la table a besoin de retrouver sa zone de confort. Le retour aux fondamentaux (analyse de la structure bilancielle, capacité à générer des cash flows, etc.) est essentiel.
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