Point de vue

La CSRD, une directive issue du Green Deal européen visant à révolutionner le reporting extra-financier

En 2022, Deloitte déclarait dans son étude Real Estate Predictions 2022 que le secteur de l’immobilier serait l’un des plus impactés par la Corporate Sustainability Reporting Directive, puisqu’il représente environ 40 % de la consommation d’énergie et 36 % des émissions de CO2 dans l’Union Européenne. Deux ans plus tard, la directive a été transposée et entérinée par la France. Son entrée progressive en vigueur en 2024 offre au Pacte Vert Européen un nouveau bras armé pour répondre aux défis posés par le développement durable. La CSRD succède à la NFRD, première directive de reporting extra-financier qui imposait depuis 2018 aux entreprises dépassant les seuils financiers et le nombre de 500 employés la publication d'une Déclaration de Performance Extra-Financière et depuis 2022 l'ajout d'une note taxonomique en son sein. La CSRD reprend tous ces éléments et vient les enrichir de 12 normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards) qui couvrent l'ensemble des thématiques Environnementales, Sociales et de Gouvernance qui devront désormais être publiées dans un rapport de durabilité intégré au rapport de gestion des organisations.


Point d’attention : exemption pour les filiales d’un groupe

Il est à noter que pour les groupes d'entreprises la publication d'un rapport de durabilité au niveau de l'entité-mère permet d'exonérer ses filiales d'une publication individuelle à condition que celle-ci ne soit pas elle-même cotée sur un marché reglementé. Cela impose nécessairement une contribution individuelle des filiales dont les données compilées composeront la synthèse réalisée par l'entité faitière.

 

Cette révolution dans le reporting extra-financier a d'importantes conséquences pour les entreprises. Mais alors, comment se mettre en conformité avec cette réglementation ? 

 

Une analyse de double matérialité indispensable


Le point d'entrée des travaux liés à la CSRD est l'analyse de double matérialité. Celle-ci a deux pré-requis cruciaux :

  • L’identification de thèmes de durabilité « matériels » pour l'entreprise (comprenez des enjeux qui ont une importance significative pour l'entreprise et son écosystème) qui seront ensuite traduits opérationnellement en IRO (Impacts, Risques, Opportunités).
  • Un bon niveau de dialogue avec ses parties prenantes, internes comme externes, ainsi que le recueil de leurs points de vue et attentes est indispensable à la construction d'une analyse de double matérialité robuste.


Une fois ces deux sujets couverts, les IRO doivent être cotés au niveau de la matérialité d'impact et au niveau de la matérialité financière. Pour illustrer ce qu'est un IRO, nous prendrons ci-après en exemple le sujet de la sécurité dans les résidences des bailleurs sociaux :

  • Le prisme de la matérialité d'impact revient à considérer l'impact d’une entreprise sur son environnement : c'est l'approche « inside-out ». Dans notre exemple, le risque étudié va consister à regarder les conséquences d’une dégradation de la sécurité dans les résidences pour les bénéficiaires de logements sociaux : insatisfaction des locataires, augmentation du nombre de plaintes, augmentation des agressions et délits, etc.
  • Celui de la matérialité financière revient à considérer l’impact de l’environnement sur l'entreprise, son modèle d'affaires, ses finances : c'est l'approche « outside-in ». Dans notre exemple, le risque étudié va consister à regarder les conséquences d’une dégradation de la sécurité dans les résidences pour l’entreprise : augmentation des coûts liés aux dégradations, baisse de rentabilité, augmentation du taux de rotation, écornement de l’image de marque, etc. 


Une fois ces analyses conduites, l'entreprise peut modéliser sa matrice de double matérialité et se lancer dans l'étude des normes ESRS. Mais que retrouve-t-on en pratique dans ces normes ?

Le secteur de l'immobilier est concerné par toutes les thématiques de reporting


Parmi les 12 ESRS, aucune ne peut vraiment être considérée comme non pertinente pour les bailleurs sociaux. Découpées en 3 segments principaux, les 12 normes couvrent :

E : les thèmes environnementaux : changement climatique, biodiversité, eau, économie circulaire, biodiversité

S : les thèmes sociaux : effectifs de l'entreprise, travailleurs de la chaîne de valeur, communautés touchées, consommateurs et utilisateurs finaux

G : les thèmes de gouvernance : conduite des affaires, corruption, protection des lanceurs d'alerte, etc.

Ainsi, chaque ESRS est composée d'exigences de publication qui elles-mêmes contiennent des indicateurs qualitatifs et/ou quantitatifs. A ce titre, l'analyse de double matérialité conduite en amont permet d'apprécier la matérialité en entonnoir : d'abord pour les ESRS, puis pour les exigences de publication, et enfin au niveau des indicateurs.

Pour le secteur de l'immobilier, un enjeu environnemental capital est cristallisé par l'analyse de résilience (ESRS E1- SBM-3). Les indicateurs liés à cette exigence de publication demandent à l'entreprise de détailler l'exposition de ses bâtiments aux aléas climatiques (vagues de chaleur, inondations, tempêtes, etc.) et la vulnérabilité du parc immobilier à ces derniers qui peuvent être appréciés par exemple avec l’outil Bat-Adapt de l’Observatoire de L’immobilier Durable. Enfin, l'entreprise doit préciser les actions mises en place pour faire face à ces aléas et améliorer la résilience de ses bâtiments à long terme.


Point d’attention : matérialité des ESRS

Si elle considère qu'une ESRS n'est pas matérielle, l'entreprise n'a pas à fournir de preuve autre que son analyse de double matérialité, excepté pour la norme ESRS E1 - Changement Climatique où la charge de la preuve est inversée : c'est à l'entreprise de prouver qu'elle n'est pas concernée par le volet climat. En pratique cela est rarement le cas.

 

Du côté des normes sociales, les entreprises vont devoir dépasser le simple cadre de leurs effectifs propres et étendre leurs politiques en amont et en aval de la chaîne de valeur, des fournisseurs jusqu'aux consommateurs. Une véritable transformation dans l'appréhension du périmètre de responsabilité sociale de l'entreprise est à accomplir. 

Enfin, les enjeux de gouvernance poussent les entreprises toujours plus loin sur leur transparence dans la conduite des affaires : que ce soit pour les sujets de prévention de la corruption, le bien-être animal ou encore la protection des lanceurs d'alerte.
Afin de convertir cette contrainte réglementaire initiale en un levier de transformation organisationnelle, les entreprises doivent éviter plusieurs écueils, mais lesquels ? 

 

La CSRD à l’épreuve des bailleurs sociaux


  • Un pilotage complexe
    Il existe de nombreux enjeux dans chacune des ESRS dont les bailleurs sociaux vont devoir s'emparer afin de répondre au défi de la CSRD. Pour se parer au mieux, ils devront développer des expertises en interne et faire travailler des directions de concert.
    Le pilotage de cette mission est bien souvent compliqué à orchestrer : Directions financières, RSE, informatique, RH, Risques, etc.
    Le besoin de créer des synergies entre les services et d’avoir des ambassadeurs du projet apportant du liant est un facteur clé de succès.
  • Une conduite du changement nécessaire
    Du fait de la technicité des indicateurs et du nombre considérable de documents à prendre en compte lors des analyses, des travaux de sensibilisation et de formation à ces sujets sont une pratique indispensable à la réussite dans la mise en place de la CSRD.
  • Une charge de travail conséquente
    Bien souvent, les directions doivent ajouter à leur charge de travail habituelle celle associée à la CSRD. Or l'exercice est d'autant moins pertinent qu'il est fait à la hâte. Une bonne gestion du projet et une répartition des tâches efficace permettent aux directions de se concentrer sur l'aspect stratégique de l'exercice, en s'allégeant de la charge opérationnelle associée.
  • Des expertises sectorielles et réglementaires à combiner
    Il est indispensable que les entreprises souhaitant publier un rapport de durabilité conforme à la directive CSRD réussissent à combiner des expertises sectorielles (logement social) à des expertises réglementaires (CSRD).

 

Ce que la CSRD est :

Ce que la CSRD n'est pas :

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