applications-blockchain-secteur-public

Point de vue

Mesurer les applications de la blockchain pour le secteur public

Les bases de la blockchain pour l’Etat

Les organisations gouvernementales peuvent réellement transformer et améliorer leur collaboration au travers de la technologie blockchain. Cependant, bien que la technologie informatique soit un facteur clé de réussite, la prise en compte des partie-prenantes, des opérations, de la stratégie, des ressources humaines et de la compliance sont tout aussi importants.

L’engouement pour la blockchain est compréhensible – après tout, cela sera probablement la prochaine plus importante « technologie fonctionnelle », tels qu’internet et les smartphones avant elle. Et le fait de constituer une « nouvelle » technologie, toute discussion au sujet de ses applications soulève plus de questions que de réponses. Toutefois, avec un nombre croissant de réussites ayant émergé du secteur financier (d’où provient la plupart de la publicité actuelle pour la technologie), il semblerait que la blockchain puisse valoir son pesant d’or.

Les gouvernements explorent eux aussi des dizaines d’applications pour la blockchain. Cependant, avant de plonger dans la révolution blockchain, les agences et organisations gouvernementales pourraient prendre en compte plusieurs facteurs, nous mettrons en lumière les plus importants d’entre eux.

La technologie doit être le facteur déterminant, mais il ne s’agit certainement pas du seul. C’est tout aussi important de prendre en compte l’écosystème unique que représente la blockchain et les facteurs clés de succès pour la conception d’une solution. Nous avons identifié six facteurs clés à prendre en compte dans l’évaluation de la maturité d’un service public à l’application de la blockchain :

  • Consortium : s’associer avec les acteurs appropriés pour assurer l’effet réseau
  • Opérations : designer les responsabilités d’entretien
  • Impacts économiques : comprendre les impacts sur les processus métiers
  • Ressources humaines : recruter les bonnes personnes pour mener l’implémentation 
  • Compliance : adapter dans le respect des lois et de la réglementation
  • Technologie : s’adapter aux transformations technologiques en perpétuelle mutation

Les enjeux et approches spécifiques devant être pris en compte avec chacun de ces facteurs dépendront du cas d’usage du service public à évaluer. Bien évidemment, avant de mesurer ces six facteurs, il faut déterminer en premier si la blockchain est adaptée à la problématique donnée.

Pour mieux comprendre comment mesurer les potentiels de la blockchain dans le secteur public, il est intéressant d’étudier un cas d’usage concret. Les transactions intergouvernementales réalisées par le gouvernement fédéral américain (TIG, « intergovernmental transactions » en anglais) en constituent un bon exemple. Les TIG désignent des transactions économiques conduites entre deux entités gouvernementales. Pour les enregistrer correctement et présenter les balances dans le Rapport financier du Gouvernement des Etats-Unis, les TIG doivent être supprimés pendant le processus de préparation, pour éviter toute erreur de solde1. En d’autres termes, lorsqu’elles préparent les états financiers consolidés, les agences fédérales devraient équilibrer l’activité et les balances intergouvernementales, et devraient les supprimer des états financiers. Si les deux agences fédérales impliquées dans une transaction intragouvernementale n’enregistrent pas la même opération la même année et pour le même montant, les transactions intragouvernementales ne seront pas accordées, du fait des erreurs dans les états financiers consolidés².

Selon les audits financiers des années fiscales 2017 et 2016 du Government Accountability Office, le gouvernement fédéral américain continue d’être dans l’incapacité de comparer et d’harmoniser les activités et les soldes intragouvernementaux des agences fédérales. Cette incapacité peut représenter différents enjeux comme la perte de milliards de dollars d’opérations non réconciliées ; une déclaration erronée d’actifs, de dettes, de coûts, ou de toutes autres informations ; des erreurs et un manque de confiance dans l’élaboration des rapports financiers.  

Les TIG apparaissent clairement comme étant un problème, mais la blockchain constitue-t-elle pour autant la meilleure solution ? Pour évaluer la bonne adéquation entre un problème et une solution blockchain, nous recommandons de considérer ce problème selon trois angles :

  • La désirabilité : la blockchain représente un challenge ou une opportunité souhaitable pour une agence gouvernementale si elle s’aligne ou fait avancer les objectifs, les opérations, ainsi que les parties prenantes de l’agence. Les TIG constituent une problématique commune à presque l’ensemble des agences. La quête de partenaires commerciaux dans le règlement en temps réel et l’enregistrement exact des transactions serait souhaitable pour tous les acteurs impliqués. Selon une perspective business, cela pourrait aider à minimiser les erreurs et à accroître la confiance managériale dans les relevés d’opérations. D’après l’expérience utilisateur, cela pourrait minimiser le temps nécessaire à la complétude des tâches administratives et permettrait aux employés de réallouer leur temps dans des tâches à forte valeur ajoutée3.

  • Faisabilité : la blockchain représente un challenge ou une opportunité faisable pour une agence gouvernementale s’il n’y a pas d’obstacles techniques et organisationnels insurmontables à son succès. Une TIG est, par définition, une opération économique entre deux partenaires commerciaux hétérogènes (agences). Par leur organisation, les agences peuvent se différentier par leur culture ainsi que par leur politique. Des questions complexes concernent les points d’intégration entre les partenaires commerciaux et les systèmes, les évolutions des processus et la gouvernance du réseau. La sécurité des données et des infrastructures sont importantes pour les leaders gouvernementaux et peuvent être les éléments clés dans le design des interfaces usagers. Tout cela constitue l’ensemble des problèmes que la blockchain pourrait permettre à résoudre.

  • Viabilité : lorsqu’une agence a décidé qu’un cas d’usage est souhaitable et a déterminé qu’il était faisable, il est enfin impératif d’évaluer si le cas d’usage blockchain est viable, c’est-à-dire que la blockchain offrirait d’importants avantages et apporterait plus de valeur que les autres solutions. Les TIG ont les quatre grandes caractéristiques qui en font un cas d’usage viable pour la blockchain : « plusieurs auteurs » qui ont un besoin d’accès à des « données partagées », dans le cadre d’un processus caractérisé par « un manque de confiance » entre les acteurs et qui requiert de « l’immuabilité » pour adresser les problèmes actuels. La blockchain a aussi un potentiel de valeur ajoutée pour les TIG au travers de la désintermédiation via un rapprochement automatisé et une transparence en temps réel, ainsi que la possibilité de codifier les termes et conditions de l’accord interagences (IAA) dans un « smart contract » sur la blockchain. 

Même les supporters les plus enthousiastes de la blockchain ne devraient pas en faire la panacée. La désirabilité, la faisabilité et la viabilité de chaque cas d’usage devraient être considérées, et par la suite, les six facteurs de mesure de la maturité devraient être appliqués. Bien que les considérations pour l’implémentation de solutions blockchain sont nombreuses, les bénéfices deviennent de plus en plus visibles. La blockchain offre aux organisations gouvernementales une opportunité pour une vraie collaboration et transformation. Les premiers utilisateurs peuvent s’attendre à voir les bénéfices plus tôt que les autres, alors qu’ils se positionnent eux-mêmes leaders dans des domaines appelés à prendre de l’expansion dans le temps.

1Department of the Treasury, Intergovernmental transaction (IGT) guide, accessed August 21, 2018. View in article
2US Government Accountability Office, “Financial audit: Fiscal years 2017 and 2016 consolidated financial statements of the US Government,” February 15, 2018. View in article
3Joe Gerber, “How to prototype a new business,” IDEO CoLab, accessed August 21, 2018. View in article