Point de vue

Les stress tests climatiques 2022 de la BCE

Dans le cadre du processus de surveillance prudentiel et d’évaluation des risques (SREP), la BCE va mener, en 2022, un exercice de stress test portant sur le risque climatique. Un document intitulé « Climate risk stress test » a été publié en octobre 2021. Il décrit les principales caractéristiques des stress tests envisagés, les éléments de documentation et de calcul devant être communiqués par les banques et fournit des tableaux modèles Excel à remplir entre mars à juillet 2022. La publication des résultats devrait avoir lieu fin juillet.

Accès rapide

La demande de la BCE comporte trois parties :


La première est un questionnaire qualitatif de 78 questions, réparties en 11 blocs portant sur des sujets méthodologiques, de données, de gouvernance, de stratégie commerciale. L’objectif est, pour la BCE, de comprendre le cadre général des stress-tests climatiques des banques, leurs pratiques de gestion et de modélisation.



La seconde partie est un ensemble de métriques que les banques doivent calculer afin d’évaluer leur exposition et la sensibilité de leur stratégie commerciale vis-à-vis des industries de gaz à effet de serre.



Enfin, la troisième partie consiste à projeter les paramètres de risques sur différents horizons et selon plusieurs scenarios.


 

Pour le risque de transition, deux types de scénarios sont prévus : l’un court terme (horizon 3 ans) vise à mesurer la réponse de la banque à un choc inattendu et brutal du prix du carbone. Il concerne le risque de crédit et le risque de marché. Le second type de simulation, à horizon 30 ans, cherche à comprendre comment les banques, au moyen d’hypothèses sur l’évolution de leur bilan, adaptent leur stratégie commerciale pour faire face au risque de transition. Il ne concerne que le risque de crédit.

Le risque physique est pour sa part appréhendé à travers le risque de sécheresse et de vague de chaleur, et le risque d’inondation. Les projections des banques portent sur le risque de crédit et sont limitées à un horizon de 1 an. Seules les contreparties de l’Union Européenne sont prises en compte.

Des simplifications pour ce premier exercice

Consciente de la difficulté et de la nouveauté d’un tel exercice, la BCE a procédé à certaines simplifications : le périmètre des portefeuilles et des classes d’actifs est réduit, le risque physique est limité à la sécheresse et aux fortes chaleurs, ainsi qu’aux inondations, les contreparties étant celles de l’Union Européenne uniquement. Le nombre de pays est limité à 5, les scénarios court-terme sont simplifiés, le risque de marché n’est pas considéré dans les scenarios long terme, etc.

Des analogies avec les stress-tests de l’EBA mais des différences essentielles

Bien que dédié au risque climatique, cet exercice de stress tests comporte de nombreuses similarités avec les stress tests de l’Autorité bancaire européenne (EBA), comme la prévision des dépréciations de crédit sur la base d'IFRS 9 résultant de la matérialisation de scénarios distincts. La conception des tableaux modèles est par ailleurs semblable, avec des paramètres de risque de crédit identiques (PD, LGD, probabilité de transition entre différentes phases IFRS 9, etc.). Tous ces éléments de similarité devraient faciliter la réalisation des stress tests par les banques.


Les principales différences avec les stress tests de l’EBA portent évidemment sur l’intégration du facteur de risque climatique, représenté par les émissions carbone. Les scénarios sont donc conçus de manière très différente, en faisant intervenir comme variable le prix des émissions, en plus des variables macroéconomiques classiques, ce qui a priori devrait impacter les modèles des banques. Par ailleurs, pour le scénario de transition long terme, l’horizon considéré est de 30 ans, donc très largement supérieur à celui de l’EBA.

La nécessité de faire évoluer le bilan de façon dynamique est un élément clé et différentiant de cet exercice de stress tests, indispensable selon nous en vue d’assurer une cohérence avec l’horizon long terme du risque de transition. La BCE suit en cela la démarche de l’ACPR dans son exercice pilote de 2020. A noter que dans cet exercice pilote, les hypothèses de réallocation de bilan dynamique avaient en bonne partie contribué à neutraliser les impacts des stress-tests à long terme, ce qui souligne le caractère a priori très significatif d’un cadre d’hypothèses lié à l’évolution prospectif du bilan.

Comme l’indique la BCE, l’objectif n’est pas tant d’avoir une estimation précise des paramètres de risque de crédit projetés à long terme que de comprendre les stratégies adoptées par les banques face à la transition climatique. Celles-ci devront donc mener un véritable exercice de réflexion, afin d’aboutir à une réallocation dynamique d’actifs propre à chaque scénario, réflexion qui devra être documentée. Compte tenu du caractère propre à chaque banque de ces hypothèses, on peut s’attendre à des difficultés d’interprétation lors de la comparaison par la BCE des résultats.

Méthodologies : très peu d’indications sur les modèles de projections

Globalement, la BCE ne fournit que peu d’indications quant aux méthodologies à suivre, si l’on excepte le module 2 où les métriques sont clairement définies et où l’enjeu se situe davantage dans la capacité des banques à réunir les informations et données nécessaires au calcul des métriques1.


La BCE n’est guère prescriptive non plus, laissant le soin aux banques d’utiliser leurs modèles internes. Instruction leur est cependant donnée en ce qui concerne la projection des paramètres de risque de crédit, où elles doivent considérer l’impact direct du choc du prix du carbone sur les contreparties, ainsi que l’impact des variations des variables macro (exemple : baisse de la demande) concomitantes au choc sur le prix du carbone. Il n’est donc pas fait l’hypothèse a priori que les effets du prix du carbone soient intégralement contenus dans les variables.

En conséquence, les modèles de projections des paramètres de risque classiques utilisés dans les stress tests et qui ne feraient pas intervenir explicitement le prix du carbone devraient être modifiés en ce sens, sauf à démontrer une très forte corrélation entre le prix du carbone et les autres variables. De manière générale, les modèles font face à des enjeux spécifiques du fait de l’existence du facteur de risque carbone, comme la prise en compte d’une granularité sectorielle pour les projections des paramètres de risque de crédit, granularité d’autant plus nécessaire que l’on demande aux banques des hypothèses sur la réallocation dynamique d’actifs entre secteurs, ou encore, la stabilité de la relation entre le prix du carbone, les variables macro et les paramètres de risque de crédit.

Enjeu limité sur les données climatiques

L’exercice de stress-tests nécessitera pour les banques de rassembler un nombre conséquent de données, comme les émissions des scopes 1, 2 et 3 pour le module 2, ou pour le module 3, l’adresse physique des collatéraux pour le risque d’inondation afin de les affecter aux régions NUTS 3, les notes du certificat de performance énergétique, informations sur les couvertures assurantielles affectables aux risques physiques2.

D’un autre côté, la BCE, sans doute soucieuse de voir l’exercice mené à bien, fournit des données essentielles, ce qui de fait limite un enjeu qui aurait donc pu être bien plus élevé : projections des variables économiques et climatiques pour chacun des scénarios, qualification des risques d’inondations selon les régions NUTS 3, choc sur le prix de l’immobilier par région. Enfin, dans le cas où certaines données devant être fournies par la banque ne seraient pas disponibles, la BCE donne des exemples permettant de contourner la difficulté en définissant des proxys3.

: La difficulté de trouver les données d’émission du scope 3 est réelle, mais la BCE fournit des exemples de calculs de proxys.
2 : Nous nous limitons ici aux données ‘climatiques’. En plus de ces données, les banques doivent réunir des informations plus classiques, liées à leurs portefeuilles, actifs et activités
(exemple : revenus d’intérêts, montants d’expositions, données liées aux provisions IFRS 9)

3 : Exemples : proxys pour calculer les émissions du scope 3, proxys pour évaluer les notes de performance énergétiques 

Stress tests climatiques de la BCE

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Évaluer le degré de maturité des banques

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