Point de vue

Environnement et Espace #1 : L'industrie spatiale : usages, évolutions et enjeux

Article co-rédigé par Natacha Wonneberger, Romain Radziminski et Romain Tison, respectivement Senior Consultante, Directeur et Manager dans les équipes Sustainability de Deloitte France.


Incontournable dans notre vie moderne d’innovation et de connexion, le secteur spatial est en pleine croissance économique et technologique (environ +100% de croissance économique entre 2010 et 2023 ​1), et fait l’objet d’une attention médiatique grandissante. Dans un contexte de prise de conscience environnementale, certains acteurs se questionnent sur les enjeux environnementaux des activités spatiales. 

Une dépendance quotidienne à l’espace ?


Même si les satellites sont en orbite à plusieurs milliers de kilomètres au-dessus de la Terre, ils sont devenus indissociables de la civilisation moderne. Cette dernière les utilise pour plusieurs typologies de missions que nous pouvons classer en 5 catégories : 

  • Télécommunications : les satellites utilisés au quotidien pour la diffusion de la télévision, la téléphonie en zones à faible densité de population ou en zones sinistrées, et l’accès à internet dans des zones isolées. Des satellites dédiés sont également utilisés pour les communications militaires.
  • Navigation : les satellites de positionnement global tel que le GPS (Global Positioning System) américain et le système Galileo européen. Ces systèmes sont indispensables pour tous les services civiles et militaires s’appuyant sur la géolocalisation, notamment pour les appareils connectés.
  • Observation de la Terre : les satellites qui collectent constamment des données sur l’état de la Terre. Ces données servent notamment de base pour toutes les prévisions météorologiques, et sont essentielles pour les indicateurs de suivi du dérèglement climatique. L’observation de la Terre sert également pour des missions militaires telles que l’espionnage, la collecte de renseignements et la détection de menaces et d’attaques armées.
  • Missions scientifiques : les sondes et satellites qui ont pour objectif d’améliorer notre compréhension de l’Univers, tel que les télescopes Hubble et James Webb.
  • Exploration spatiale : les missions d'exploration spatiale humaines envoient des spationautes dans l'espace pour y étudier et y vivre, tandis que les missions robotiques utilisent des sondes et des robots (rovers) pour collecter des données sans risquer de vies humaines.

  • Les Humains dans l’Espace : de Spoutnik à Starlink


    Les origines du secteur spatial prennent leurs racines dans un contexte essentiellement militaire. Les lanceurs, technologies dérivées des missiles, sont développés par l’URSS et les États-Unis après la Seconde Guerre Mondiale. Le premier objet placé en orbite par l’URSS est le satellite de communication Spoutnik, et par la suite les applications militaires sont rapidement développées par l’URSS et les États-Unis : communication, reconnaissance, espionnage, météorologie, géolocalisation, etc.  

    Au fil des décennies, l’activité spatiale a évolué vers l’intégration d’un usage commercial de l’espace grâce aux satellites de télécommunications et vers l’exploration scientifique des planètes ou de l’Univers par des sondes, des satellites et des humains. 

    Aujourd’hui, l’activité spatiale (civile et militaire) dans le monde est principalement commerciale et portée par le New Space, une nouvelle ère de l'industrie spatiale avec une multiplication des acteurs, et l'apparition d'un grand nombre de startups et d‘acteurs privés. Le New Space a rendu l'espace économiquement plus attractif et accessible grâce à des avancées technologiques telles que les nanosatellites et les lanceurs réutilisables. L’entreprise SpaceX est aujourd’hui la plus connue du New Space, mais il en existe des centaines d’autres à travers le monde. Le schéma ci-dessous montre la cartographie européenne des acteurs du New Space. 



    Figure 1 : Cartographie européenne du New Space.
    Source : Secteur spatial rapport complet, collectif Pour un réveil écologique, 2024 ​[2]​ 

     

    L’ère du New Space marque la croissance exponentielle du nombre de lancements et de satellites placés en orbite, notamment liée aux « méga-constellations » de satellites pour fournir un service internet : en 1965, 86 satellites ont été mis en orbite, contre 2 242 en 2022 ​2. Sur les 10 000 satellites fonctionnels en orbite aujourd’hui, environ 5 000 appartiennent à la méga-constellation Starlink de SpaceX, et environ 600 appartiennent à celle de OneWeb.  

    Comment assurer la réussite d'une mission spatiale ?


    Au sein d’une mission spatiale plusieurs éléments sont nécessaires pour assurer le bon fonctionnement de satellites en orbite.  Celle-ci est en général divisée en 3 segments principaux qui, ensemble, permettent d’assurer le succès de cette mission :  

    1. Le segment « espace » comprend l’engin spatial lui-même, qui peut être un satellite, une sonde, ou un vaisseau spatial habité. 

    2. Le segment « lancement » est composé du lanceur qui transporte l’engin spatial du sol à l’espace, ainsi que les infrastructures de lancement et les opérations associées. 

    3. Le segment « sol » comporte l'ensemble des moyens et équipements au sol nécessaires à la réalisation d'une mission spatiale. Il s’agit notamment du réseau de stations au sol qui permettent de communiquer avec l'engin spatial, du centre de contrôle chargé de suivre et contrôler le déroulement de la mission et pour certaines missions du centre de collecte et de traitement des données collectées par la charge utile de l’engin spatial. 

    De plus, il est courant d’ajouter un 4e segment : 

    4. Le segment utilisateur, qui comprend les équipements qui exploitent les données pour répondre aux besoins finaux de l'utilisateur. 

    Des activités importantes de Recherche et Développement (R&D) et de conception de mission ont également lieu pendant plusieurs années avant le déploiement de la mission. Ceci est particulièrement le cas pour les segments espace et lancement, où des technologies complexes et de pointe sont développées pour répondre aux multiples contraintes de l’environnement spatial. 

    Les 2 environnements distincts du secteur spatial


    Les activités de chaque segment d’une mission spatiale engendrent des impacts environnementaux, sur deux types d’environnements distincts :   

    • L'environnement terrestre, qui correspond à toutes les émissions et extractions de substances qui ont lieu sur Terre. Notamment : les émissions dans l’air, dans les sols et dans les eaux, la production de déchets, ainsi que l’extraction de ressources énergétiques et matières. 
    • L'environnement spatial, qui correspond quant à lui à toutes les émissions d’objets humains et les extractions de substances dans l’espace et sur des corps célestes. Cela comprend notamment la production de débris spatiaux, les restes de sondes abandonnés sur les corps célestes, et éventuellement l’extraction de ressources sur la Lune, sur Mars ou sur des astéroïdes.  

    Au-delà de ces impacts, les systèmes spatiaux sont également à l’origine de bénéfices environnementaux, par exemple les missions d’observation de la Terre permettant de mesurer les phénomènes du dérèglement climatique. 

    À l’heure d’une prise de conscience des impacts environnementaux liés aux activités humaines, comment quantifier et réduire les impacts du secteur spatial ? Comment tenir compte des éventuels bénéfices environnementaux du secteur ? Cela sera dévoilé dans le 2e article de cette série. Restez connectés ! 

    Sources 

    1 ​McKinsey, «A giant leap for the space industry,» 2023. [En ligne]. Available: https://www.mckinsey.com/featured-insights/sustainable-inclusive-growth/chart-of-the-day/a-giant-leap-for-the-space-industry. 

    ​Collectif Pour un réveil écologique, «Secteur spatial : rapport complet» 2024. 

    ​Our World in Data, «Cumulative number of objects launched into space,» 2024. [En ligne]. Available: https://ourworldindata.org/grapher/cumulative-number-of-objects-launched-into-outer-space.