Perspectives
Brillantes idées
Il n’y a pas de transition sans talents
Le présent article fait partie d’une série explorant les principaux enjeux auxquels notre secteur de l’énergie, des services publics et des énergies renouvelables doit faire face pour aider le Canada à atteindre son objectif de carboneutralité.
On aborde souvent la transition énergétique sous un angle technologique – un réseau plus intelligent, plus d’électricité générée, de meilleures batteries –, mais il faudra plus que des solutions novatrices pour faire marcher la machine. Si le secteur de l’énergie, des services publics et des énergies renouvelables veut vraiment s’adapter à l’avenir, il lui faut les bonnes personnes. Les talents évolueront à mesure qu’un bon nombre de gens occuperont des rôles très différents de ceux qui existent aujourd’hui.
Deloitte a expliqué dans son récent article Work toward net-zero: The rise of the green-collar workforce in a just transition (en anglais seulement), qu’environ 25 % des emplois dans le monde seront perturbés par la transformation énergétique. Nous nous attendons à ce que ce changement dans le secteur de l’énergie, des services publics et de l’énergie renouvelable corresponde à cette moyenne. Pour traverser la tempête, il faudra remettre en question et repenser les approches sociales et culturelles.
Comme beaucoup d’autres, ce secteur doit composer avec un vieillissement de sa main-d’œuvre et un écart de compétences grandissant. Le bassin de talents demeure majoritairement composé d’hommes blancs. En 2019, Ressources humaines, industrie électrique du Canada a constaté que les femmes constituaient le quart des employés, et les minorités visibles, seulement le dixième1 . Au vu de ces chiffres, le secteur ne connaît pas encore les avantages d’une ouverture à la diversité.
Pour se préparer efficacement à cette transformation, le secteur doit élargir son bassin de main-d’œuvre potentielle en attirant un plus grand éventail de personnes. Concrètement, les décideurs des services publics devront revoir leurs manières d’attirer un volume important d’employés dotés de compétences numériques et techniques qui peuvent adopter une approche collaborative, agile et axée sur les données pour analyser des problèmes et élaborer des solutions novatrices.
L’industrie doit attirer les jeunes travailleurs, qui sont très recherchés dans d’autres pans de l’économie. La génération Y et la génération Z ne se laisseront pas nécessairement convaincre par la stabilité qu’offre le secteur de l’électricité, car elles recherchent autre chose au travail. La diversité, l’équité, l’inclusion et l’engagement ne sont pas que des mots pour les jeunes professionnels; ils veulent travailler au sein d’organisations qui font un réel effort pour mettre ces valeurs en œuvre.
La bonne nouvelle est que, si le secteur déploie ses efforts correctement, sa contribution dans la lutte contre les changements climatiques pourrait être sans égale. À lui de se donner une mission claire et convaincante, telle que protéger la planète. C’est ainsi qu’il pourra espérer attirer une gamme variée de talents nécessaires pour faire de la décarbonation une réalité. Tout nouveau diplômé devrait pouvoir bâtir une carrière d’au moins 30 ans dans ce secteur bientôt dynamique et en croissance.
Adopter un modèle axé sur les compétences
Le secteur de l’énergie, des services publics et de l’énergie renouvelable doit repenser la gestion en adoptant un espace de travail numérique, en favorisant une culture de soutien et de collaboration et en privilégiant une approche axée sur les compétences.
Quand on limite le travail des employés à des tâches normalisées selon leurs postes, cela entrave la capacité d’innover et d’être agile de l’entreprise. Pour ne pas encarcaner les employés dans des rôles trop définis, on peut adopter une approche axée sur les compétences, où le travail est divisé en tâches qui sont assignées aux personnes les plus aptes à les réaliser. Ainsi, on accorde les promotions en fonction du mérite plutôt que de l’ancienneté – une approche vue d’un bon œil par les jeunes générations.
Les organisations qui adoptent une approche axée sur les compétences ont près de deux tiers de chances de plus de réussir que leurs pairs conventionnels2. De plus, elles sont reconnues comme des organisations qui favorisent l’avancement et le perfectionnement, des atouts essentiels pour attirer la prochaine génération de leaders.
En outre, les entreprises devront explorer des moyens de rendre le travail plus flexible. Selon une étude Gallup de 2022 , plus de la moitié des employés du sous-secteur envisageront une transition vers le travail hybride d’ici 2023 afin de réduire leurs déplacements quotidiens, concilier leurs responsabilités familiales et améliorer leur bien-être général.
Pour offrir un milieu de travail plus souple dans un secteur qui privilégie le travail sur place, les entreprises pourront envisager d’autres solutions, comme la robotique, les mégadonnées, l’apprentissage machine et les réalités augmentée et virtuelle, des solutions qui s’inscriront dans une stratégie bien coordonnée et facilement intégrable par leurs fournisseurs dans l’ensemble de l’écosystème. Ces technologies pourront d’ailleurs aider à réduire les tâches répétitives et rendront ainsi de nombreux rôles plus attrayants.
Faciliter le transfert des compétences
Bien que le secteur ait besoin de jeunes employés, il doit aussi trouver des moyens de mobiliser les employés âgés qui sont près de la retraite. Ces travailleurs chevronnés jouent un rôle important dans la formation des nouveaux employés et ils pourraient continuer à travailler à temps partiel sur des projets qui font appel à leurs compétences et à leurs expériences uniques. Une option serait l’apprentissage virtuel, qui permettrait aux jeunes employés d’obtenir l’aide de professionnels aguerris pour résoudre des problèmes sur le terrain plutôt que dans une salle de classe. Les technologies qui permettent d’offrir un soutien sécuritaire en direct à des emplacements éloignés ont fait leurs preuves et sont déjà déployées pour réduire les trajets en camion dans l’ensemble du secteur. D’autres pays ont aussi entièrement modernisé leurs programmes d’apprentissage afin d’attirer les meilleurs talents.
À l’extérieur du secteur de l’énergie, des services publics et de l’énergie renouvelable, les entreprises ont trouvé des moyens de harnacher la technologie pour favoriser la participation des employés plus âgés. Par exemple, en 2020, Unilever a ouvert un marché interne des talents. Les projets sont affichés pour les employés qui souhaitent eux-mêmes assumer des tâches et mettre à profit leurs compétences dans différents types de travail3. Cette approche pourrait faciliter le partage des compétences dans une organisation et le retour en poste d’employés nouvellement retraités.
Attirer et retenir une main-d’œuvre diversifiée
Il faudra du temps pour attirer de nouveaux talents. Toutefois, les entreprises peuvent adopter des mesures simples dès maintenant pour améliorer leurs pratiques d’embauche. Oui, elles peuvent rehausser leur marque en tirant parti de la transition énergétique, mais elles peuvent aussi s’efforcer d’éliminer les préjugés sexistes et raciaux du processus d’embauche en supprimant des curriculum vitae les noms, les pronoms, les noms d’universités et d’autres données susceptibles de biaiser les résultats à la première sélection. Pour encore réduire l’écart de compétences, les gestionnaires doivent repenser le recrutement de talents en se concentrant davantage sur les compétences des candidats plutôt que sur la manière dont ils peuvent remplir un rôle spécifique.particulier. Il sera difficile d'obtenir l'adhésion à cette de approche dans les milieux de travail syndiqués, mais ce sera nécessaire. Il est peut-être également temps de faire preuve d’une plus grande ouverture d’esprit à l’égard des diplômes étrangers.
Attirer les employés est une chose; les garder en est une autre. Pour retenir une main-d’œuvre plus diversifiée, il faut réfléchir davantage aux difficultés rencontrées par les employés au-delà du travail. Par exemple, y a-t-il des garderies pour aider les parents qui ont un horaire de travail atypique? Des services de santé mentale sont-ils offerts aux personnes qui en ont besoin? Les entreprises doivent également offrir du coaching aux gestionnaires pour les aider à favoriser une culture de la confiance afin que les gens se sentent soutenus et en sécurité. Bien sûr, il sera essentiel d’adhérer à la mission de l’organisation – de plus en plus d’employés ressentent le besoin de faire partie intégrante d’une entreprise authentique avant d’envisager d’y occuper un emploi à long terme.
Afin de construire un avenir durable pour la planète, le secteur de l’énergie, des services publics et des énergies renouvelables doit accorder une importance prioritaire à ses travailleurs lors de la transition. Il y aura sans doute une période d’adaptation, mais les chefs d’entreprise doivent prendre des mesures intelligentes dès maintenant s’ils veulent gagner la course aux talents.
Contributeurs et contributrices
Kathy Woods
Associée, Leader national de l'avenir de l'organisation
kawoods@deloitte.ca
Line Duranleau
Associée, Capital humain, Énergie, ressources et produits industriels
Leader canadienne de la transformation des ressources humaines, Énergie, services publics et énergies renouvelables
lduranleau@deloitte.ca
Andrea Bastin,
Associée, groupe SAP, Énergie, ressources et produits industriels
Leader canadienne de la Consultation en Énergie, services publics et énergies renouvelables
anbastin@deloitte.ca
Markus Kalina
Directeur principal, Capital humain, Énergie, ressources et produits industriels
mkalina@deloitte.ca
1Mia Rabson. Canada needs 20,000 new electricity workers by 2022 to keep power flowing, La Presse canadienne, 11 avril 2019.
2Sue Cantrell, Michael Griffiths, Robin Jones et Julie Hipakka. The skills-based organization: A new operating model for work and the workplace, Deloitte, septembre 2022.
3Ina Gantcheva, Robin Jones et Diana Kearns-Manolatos. Activating the internal talent marketplace, Deloitte, 19 septembre 2020.
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