Point de vue

3 questions à Benjamin Castaldo

Directeur des Ressources Humaines, Groupe Partouche








Leader européen dans le secteur des jeux avec 42 casinos en France, en Suisse, en Belgique et en Tunisie, le Groupe Partouche est également présent dans l'hôtellerie, la restauration, le golf ou encore l'informatique. Coté en bourse, ce groupe familial fondé en 1973 s'apprête à fêter ses 50 ans cette année. Entretien avec son DRH, Benjamin Castaldo, qui a rejoint le groupe il y a 25 ans.


 

Alors que les entreprises familiales s'interrogent de plus en plus sur l'opportunité d'ouvrir leur capital aux cadres ou, plus largement aux salariés, le groupe Partouche a choisi une voie radicalement différente. Quel a été le point de départ de votre réflexion ?

Distribuer des actions à l'ensemble des salariés dans un groupe de plus de 4 000 personnes, dont un grand nombre travaille dans le divertissement, les jeux, la restauration et l'hôtellerie, secteurs à turnover plus élevé que la moyenne nationale, n'aurait aucun sens. Les réserver aux seuls cadres irait à l'encontre même de l'ADN du groupe Partouche, un groupe familial à la hiérarchie très horizontale, avec une culture basée sur l'exemple et sur la proximité, où le fondateur et son fils viennent régulièrement à la rencontre des collaborateurs. L’une des principales caractéristiques des groupes familiaux est l'attachement profond des salariés à l'entreprise, un lien fondé sur des valeurs communes. 100 % de nos directeurs ont commencé à travailler chez nous très jeunes, généralement entre 18 et 20 ans, et sans avoir le bac, ils ont gravi les échelons de façon exceptionnelle. Cette possibilité d'évoluer, notre marque de fabrique, est ancrée dans la valeur travail. Créer de l’incentive autour du travail s'est donc imposé comme une évidence. Quel que soit le métier, nous voulons tous que notre travail soit vu, apprécié et reconnu. Nous avons donc décidé de faire développer une application pour smartphones dénommée SCOREFUN qui permet aux managers d'attribuer des points pour un travail particulièrement bien réalisé. Un clin d'œil aux points de fidélité que le Groupe distribue aux clients, qui donnent lieu dans ce cas précis à des primes individuelles ou des cadeaux. Cette approche innovante permet à la fois d'impliquer et de motiver le salarié, le nerf de la guerre dans toute entreprise, l'aspect ludique en prime.

 

Quels sont les avantages de ce dispositif pour le Groupe ?

Grâce à ce système simple basé sur le principe des bornes de satisfaction, avec des points à la place de smileys, nous pouvons voir des aspects du travail sur le terrain qui jusque-là nous échappaient, principalement par manque de temps. En invitant chaque manager à déterminer la pertinence des critères donnant accès aux points, il nous est tout d’un coup aussi possible d'identifier tous les mini-dysfonctionnements dans un workflow, des choses qui gagneraient à être améliorées. Aborder ce sujet avec le salarié dans ce contexte de gratification potentielle rend les échanges plus fluides et plus agréables : les points qui n’ont pas été acquis ce mois-ci peuvent l’être le mois suivant. En ce sens, l'acte de verser une prime et les explications qui l'entourent deviennent un véritable acte de management.
Le système nous a également permis de mettre en place des revues de personnel régulières, ce qui auparavant était impossible puisque certains de nos établissements fonctionnent 24h/24 et 7j/7 et qu’un même salarié peut avoir jusqu'à 6 managers dans une même semaine. Grâce à la collecte de data, nous pouvons passer en revue une centaine d'employés en une heure, dans le cadre de réunions managériales, en nous concentrant sur les points clés. Certains de nos casinos utilisent d’ailleurs l’application comme un marqueur préalable aux entretiens annuels.
Comme nous sommes un groupe qui aime tester de nouvelles choses, l'application va délivrer des open badges. En plus des primes, l’appli délivre des certificats électroniques validant les connaissances et les compétences acquises sur le terrain. Une manière d'augmenter l'attractivité du groupe Partouche, notamment auprès des jeunes qui n’ont plus envie d’attendre des années la reconnaissance de leur travail et les marques d'intérêt de l'employeur. En empruntant les codes du gaming, nous valorisons les performances de nos collaborateurs tout en leur offrant des perspectives d'évolution concrètes, puisqu'en accumulant ces badges, ils peuvent prétendre aux formations dont ils ont besoin.

 

Vous avez commencé à déployer ce système dans vos filiales l'année dernière. Quel est le bilan après un an ?

La première filiale à avoir adopté ce système d'incentive a vu son turnover diminuer de manière significative, à 1 % au lieu de 17 % dans le Groupe (hors effet post Covid). Ce résultat particulièrement satisfaisant, à mon avis, a moins à voir avec l'aspect technologique ou monétaire du dispositif qu'avec l'aspect humain qu'il implique, le fait que nous nous intéressons davantage au travail de nos collaborateurs. Ce qui est encore plus remarquable, c'est que la filiale a également connu une augmentation significative de son revenu. C'est un cercle vertueux : une meilleure reconnaissance du travail incite les employés à s'engager davantage, ce qui entraîne une plus grande satisfaction des clients et se traduit par une hausse du chiffre d’affaires. Difficile de revenir en arrière !