Point de vue
Entreprises familiales et fidélisation des salariés clés : les atouts de l’actionnariat salarié
Les entreprises sont confrontées à des enjeux plus forts en matière de responsabilité sociale et environnementale, ce qui a conduit à des changements en profondeur dans leur gouvernance. L’association des salariés au capital est un sujet d’attention de plus en plus présent, et les sociétés familiales ont commencé à développer de nouvelles stratégies actionnariales pour y répondre.
L’actionnariat salarié : une opportunité pour la société familiale
La mise en place au sein d’une société familiale d’un plan d’actionnariat salarié répond à l’objectif visé par la Loi Pacte d’atteindre et de pérenniser une détention du capital des entreprises françaises par leurs salariés à hauteur de 10% à l’horizon 2030.
Si le législateur incite les sociétés françaises à recourir à l’actionnariat salarié c’est parce qu’il recèle d’innombrables atouts tant pour l’employeur que pour le salarié. C’est un outil qui joue un rôle de plus en plus important pour le recrutement et la fidélisation des collaborateurs à fort potentiel.
Il permet d’associer les salariés à la gouvernance de leur entreprise en assurant un meilleur partage de la valeur créée grâce à leur travail. Il s’agit de répondre à un enjeu de cohésion sociale en surmontant les clivages patronat-salarié et capital-travail. Un véritable partage des valeurs s’opère, à la fois un partage de la valeur économique mais également de la gouvernance.
L’actionnariat salarié est partie intégrante de la politique de responsabilité sociétale des entreprises et accroit l’attractivité de la société vis-à-vis des talents.
Comment attirer et conserver les talents dans les entreprises familiales ?
Les sociétés familiales n’ont pas toujours la notoriété ni les moyens des grands groupes pour recruter les talents dont elles ont besoin. Mais leurs atouts sont nombreux et « parlent » de plus en plus aux personnes à la recherche de valeurs. Encore faut-il qu’elles parviennent à les mettre en avant…
Les dirigeants d’entreprise le constatent un peu plus chaque mois. Recruter et conserver des talents sont devenus de véritables challenges. Les tensions sur le marché du travail sont au plus haut depuis 2011, selon une récente étude de Pôle Emploi et de la Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques (DARES). Près de 7 métiers sur 10 sont concernés par cette pénurie de main d’œuvre. Certains collaborateurs en poste profitent de cette situation pour changer régulièrement d’employeurs. Des solutions toutefois existent pour séduire des talents et les convaincre de rester dans votre société.
L’argent est loin d’être la seule réponse à leur apporter. Si proposer une rémunération attractive est nécessaire pour convaincre un candidat, les entreprises familiales doivent davantage valoriser leur marque employeur. Mettre en avant son identité, ses valeurs, son histoire et brandir ses origines patrimoniales comme un étendard représentent de véritables atouts lors d’une phase de recrutement. Trop de sociétés ont eu tendance à l’oublier. Travailler pour une marque éponyme peut également développer un sentiment de fierté des employés.
Aujourd’hui, les grosses structures font moins rêver aussi bien les cadres chevronnés que les jeunes diplômés. Les récentes crises sanitaires et économiques ont remis sur le devant de la scène les entreprises familiales qui offrent un cadre de travail plus serein et plus propice à des relations pérennes.
Quelle gouvernance pour organiser l’actionnariat salarié ?
L’accession des salariés de l’entreprise au capital les incite à participer à la création de valeur de la société au moyen de conditions de performance attachées aux instruments qui leur sont attribués.
Les actionnaires familiaux peuvent ainsi décider d’émettre des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) et des stock-options (SOP) ou encore de réaliser des attributions gratuites d’actions (AGA). Les actionnaires disposent du choix d’intéresser l’ensemble de leurs salariés ou seulement une partie d’entre eux. Les actions attribuées peuvent être soit des actions ordinaires soit des actions de préférence assorties de droits politiques différenciés. Ainsi les dirigeants familiaux conservent des moyens pour préserver leur pouvoir de décision et leur accès aux informations stratégiques de l’entreprise.
Le recrutement
Pour les fonctions de direction et de management, la mise en place d’un « contrat moral » entre le salarié et les actionnaires-dirigeants a pour objectif de faire entrer le nouveau collaborateur dans l'histoire de l'entreprise comme s’il était, lui-même, un membre de la famille. La société doit, là aussi, mettre en avant ses principes fondateurs, son savoir-faire, sa marque, son blason et ses « héros » et construire ainsi un storytelling attractif mais réaliste. Si certains postes de direction sont réservés aux membres de la famille, ces règles du jeu doivent être clairement précisées lors des entretiens d’embauche.
Une fois recruté, le membre du CODIR ou le cadre à fort potentiel doit suivre un parcours d'intégration afin de créer un véritable lien social avec l'entreprise familiale. Il lui faut, pour cela, travailler dans différents services pour nouer des liens avec ses collègues et mieux comprendre le fonctionnement de la structure. Ces pratiques sont courantes dans les entreprises familiales mais elles doivent être institutionnalisées car ce lien social permet aux cadres d’être plus pertinents vis-à-vis des collaborateurs qui sont à la recherche de sens dans leur travail.
La fidélisation des talents
Pour conserver les employés à fort potentiel ou les membres de la direction qui ne sont pas issus de la famille, il est également primordial de suivre et valoriser leurs performances et de leur offrir des perspectives d’évolution. Ce suivi va au-delà de la réalisation d’objectifs chiffrés liés au développement des activités dont ils ont la charge. La famille doit vérifier si les valeurs de ces cadres, qui sont membres du CODIR ou prêts à le devenir, sont bien alignées avec les siennes. Elle doit, pour cela, fixer et exprimer très clairement ses projets à long terme.
Accepter qu’il incarne la famille lors de certaines manifestations est un levier supplémentaire de fidélisation. L’associer aux décisions stratégiques majeures et au capital sont aussi très efficaces. Il est également important que les collaborateurs puissent rencontrer assez régulièrement les membres de la famille au sens le plus large du terme. Ces échanges sont valorisants pour les salariés et ils permettent de renforcer des liens de confiances durables. Les formules gagnant-gagnant sont toujours celles qui rencontrent le plus fort succès.
Ces objectifs de recrutement et de fidélisation des collaborateurs à fort potentiel ou dirigeants peuvent être facilités par la mise en place d’un actionnariat salarié.
La société familiale face aux enjeux de liquidité : un sujet à anticiper
La mise en place d’un actionnariat salarié comme outil d’attractivité des talents peut sembler ardue pour de nombreux actionnaires familiaux qui ont notamment comme principales préoccupations de s’assurer une vision long terme de leur actionnariat. S’ajoute à ces préoccupations, celle de la valorisation des titres qui est un enjeu crucial pour les sociétés non-cotées.
L’actionnariat salarié est souvent envisagé par les dirigeants des entreprises familiales dans deux cas de figure suivants : (i) soit en vue d’une transmission plus ou moins progressive de la société à certains salariés clés (ii) soit comme outil de rémunération fiscalement incitatif. Dans ce dernier cas, il ressort d’une bonne gestion financière de la société qu’elle préserve des liquidités suffisantes pour faire face notamment au rachat des titres des salariés qui souhaiteront en céder. Ces enjeux de liquidité peuvent être maîtrisés notamment par la mise en place de bourses entre les salariés qui leur offre la possibilité de céder les titres de la société entre eux.
A cette fin, il est primordial pour la société de constituer une documentation juridique en amont. Cela passe par la rédaction du pacte d’actionnaires qui permet d’organiser en toute confidentialité les relations entre actionnaires. Il est possible d’anticiper l’évolution de l’actionnariat de la société via le pacte d’actionnaire en prévoyant notamment des clauses de drag along obligeant les actionnaires minoritaires à céder leurs titres avec ceux des majoritaires et de tag along qui offrent aux minoritaires la possibilité de se joindre aux majoritaires pour la vente de leurs titres.
Enfin, la société peut également utiliser les avoirs dans le plan d’épargne d’entreprise (PEE). Il conviendra de valider en amont le coût de gestion de tels dispositifs. Par exemple, le fait pour l’entreprise de permettre à ses salariés d’utiliser les liquidités disponibles en PEE pour payer le prix d’exercice des stock-options, qui leur auront été attribués, permet à l’entreprise de donner accès au capital à certains salariés clés tout en bénéficiant du régime encadré et incitatif du PFE.
Exemple illustratif de l’atout fiscal que peut représenter l’actionnariat salarié* :
Dans le cas où la société souhaite qu’un de ses dirigeants dispose d’un gain net de 100K€ :
En octroyant un bonus soumis au régime des traitements et salaires le coût pour la société serait de l’ordre de 250k€ ; en optant pour des AGA soumis à un régime fiscal spécifique le coût pour la société serait de l’ordre de 175k€, soit une variation du coût pour l’employeur de +30%.
En effet, les charges patronales seraient comprises entre 45% et 30% sur les salaires alors qu’elles ne sont plus que de 20% pour les AGA, permettant ainsi aux groupes en France de rester compétitifs et attractifs.
En devenant détenteur de titres de la société, le salarié peut percevoir des dividendes et bénéficier de plus-values qui sont soumis au taux avantageux de la flat tax et non au barème progressif de l’impôt sur le revenu (sauf option pour celui-ci). Par la même, le salarié actionnaire souffre moins des conséquences de l’inflation que le salarié ne bénéficiant pas de plan d’actionnariat.
*Les montants figurant dans cet exemple sont donnés à titre purement illustratif afin d’appréhender les ordres de grandeur des régimes d’impositions présentés et n’ont pas de valeur contractuelle. Cet exemple n’a pas vocation à s’appliquer à des cas particuliers et ne constitue pas une promesse de gains ou de prévision de la fiscalité applicable pour les années à venir.