Point de vue

Repositionner l’humain au centre de la transmission de votre patrimoine

La passation de flambeau est un moment capital dans une entreprise familiale. Le passage d’une génération à la suivante est un défi à la fois compliqué et enrichissant qui implique un travail de longue haleine et une planification rigoureuse. Une bonne transmission assurera la pérennité de la société. Une relève mal préparée et des tensions entre les dirigeants en place et la Next Gen sont des écueils sur lesquels le navire familial peut venir s’échouer au risque de couler.

Patience et longueur de temps...

Au-delà des aspects légaux et financiers qui peuvent être gérés par des prestataires extérieurs (notaires, experts comptables, cabinets de conseil...), la transmission intergénérationnelle est aussi celle des valeurs et de l’ADN familial mais aussi des savoir-faire et des savoir-être. L’humain est au centre de tout ce processus qui ne se fait pas en un claquement de doigt. Une bonne transition générationnelle demande entre sept et dix ans de travail. Elle requiert surtout une implication directe et importante des dirigeants en place et de leurs successeurs désignés.

 

Passer la main ? Une chance...

Le « patriarche » aux commandes joue un rôle important pour ne pas dire primordial dans ce passage de relai. Il doit considérer sa succession comme une chance et une occasion d'insuffler une pensée nouvelle au sein de sa société. Un dirigeant qui a largement dépassé l’âge légal de la retraite doit accepter qu’il n’est plus le mieux placé pour préparer des projets pour les quinze ou vingt prochaines années. Il doit également comprendre que le rôle de son ou de ses successeurs n’est pas de perpétuer des pratiques opérationnelles établies mais bien d’appliquer des méthodes qui permettront de renforcer la croissance et l'innovation de l'entreprise tout en préservant l'héritage familial. Ce difficile équilibre peut être trouvé grâce à des échanges réguliers et approfondis entre les dirigeants à la barre du navire et leurs proches qui prendront leur relève.

 

Les coulisses de l'apprentissage : le shadow cabinet

Si les enfants apprennent beaucoup en regardant leurs parents, les NextGen peuvent aussi se préparer à leurs futures responsabilités en observant leurs aînés. Dans certaines entreprises, les membres de la famille montante sont invités à assister aux réunions du conseil d'administration en tant qu'observateurs afin qu’ils puissent se familiariser avec la stratégie et les méthodes de management en place. Ce niveau d'inclusion peut les aider à développer leurs capacités de prise de décision avant qu'ils n'assument des rôles de direction. Pour impliquer davantage les NextGen dans la vie de la société et tester leurs qualités de manager, des groupes n’hésitent plus aujourd’hui à former un « shadow cabinet ». Durant leurs réunions, les membres de cette structure peuvent discuter de sujets abordés lors de précédents conseils d’administration et comparer leurs travaux à ceux de leurs « ainés ». Ce modèle permet aux successeurs potentiels de se construire en tant que décideur et de prendre du recul sur certains dossiers afin de développer une vision plus globale. Ces conseils peuvent aussi encourager des proches à parler de thèmes qu’ils pourraient hésiter à aborder devant leurs parents ou devant les administrateurs.

 

Se faire accompagner, une nécessité

Il est, par ailleurs, très important de trouver des personnes capables d’accompagner et d’épauler les futurs dirigeants avant leur prise de fonction mais aussi dans la foulée de celle-ci. Ces mentors peuvent être des cadres en place, des membres du conseil d’administration ou des conseillers externes dès lors qu’ils ont une bonne connaissance de l’entreprise et de son fonctionnement. La clé de la réussite de cet accompagnement réside dans l’établissement d’une véritable relation de confiance entre mentor et mentoré. A charge également pour le mentor d’accepter de partager son savoir et ses connaissances mais aussi de favoriser l’émergence d’idées nouvelles. Ces mentors aident les futurs dirigeants à développer leurs compétences en leadership, en gestion d'équipe, en prise de décision stratégique et à affirmer leurs différences par rapport à leurs aînés. Le fait d'avoir un mentor permet aux futurs dirigeants de se sentir plus en confiance et mieux préparés à prendre en charge leur nouveau rôle, réduisant le stress et favorisant une transition en douceur. En somme, se faire accompagner est une nécessité pour assurer une succession réussie et une continuité de la réussite de l'entreprise.

 

Assurer une transition harmonieuse 

Même si le leadership peut se travailler, une personne doit avoir des capacités naturelles pour diriger et susciter l’engagement de ses équipes. Lorsque plusieurs personnes souhaitent reprendre les rênes de la société, un choix doit forcément être fait et les postulants les moins aptes à s’emparer des commandes doivent être, eux aussi, accompagnés sur la durée afin qu’ils réalisent eux-mêmes qu’ils n’ont pas les qualités requises pour piloter l’entreprise familiale. Tous les candidats doivent comprendre les qualifications et les exigences du poste qu’ils convoitent et avoir leur mot à dire dans le processus de sélection. Une transparence totale dans les décisions relatives à la succession des dirigeants permet d'éviter les malentendus et de s'assurer de l'adhésion des principales parties prenantes.Si les patrons en place doivent accepter de passer la main, leurs successeurs doivent aussi comprendre qu’ils peuvent bénéficier de l’expérience et des réseaux de leurs aînés. Les nommer au conseil de surveillance, leur confier une mission dans un domaine où leur expertise est reconnue par tous ou leur demander leur avis sur des sujets bien précis permet d’assurer une transition en douceur profitable à tous. Les « anciens » doivent accepter de lâcher les commandes et les « jeunes » accepter d’écouter leurs conseils. Le dirigeant d’une entreprise familiale est certes un bâtisseur mais il doit être aussi un  passeur. Ceux qui l’oublient mettent en péril l’avenir de la société que les générations précédentes ont parfois eu tant de mal à construire.