Point de vue

La gouvernance dans les entreprises familiales

Les piliers d’une bonne gouvernance familiale et corporate

Après l’analyse vient le temps des actes. La famille a défini le modèle de gouvernance qu’elle souhaite mettre en place après avoir réalisé le diagnostic complet et précis de la manière dont l’entreprise est contrôlée et dirigée. Il lui faut désormais prendre les mesures qui lui permettront d’atteindre ses objectifs. Une fois la décision prise de travailler sur la gouvernance, il n’y a aucune raison de ne pas lancer rapidement le processus.

La charte familiale comme point de départ   

La première étape consiste à préparer une Charte Familiale. Cette pratique est de plus en plus courante depuis une dizaine d’années mais la complexité réside dans la définition du contenu de ce document ainsi que son objectif. Une charte doit définir en premier lieu l’ambition et la vision de la famille. Pour ce faire, les membres de la famille doivent explorer leur histoire, s’accorder sur leurs valeurs communes et comprendre ce qui les rassemblent. L’ambition qui est exposée dans la Charte pour les décennies à venir doit inscrire la prolongation de tout le travail qui a été effectué par les générations précédentes. Cette charte doit établir des règles fixes et précises. Elle permet de réfléchir et de gérer les questions liées à l’affectio ainsi qu’à la formation et à l’information des actionnaires dans son format et dans son contenu. Elle doit notamment déterminer les rôles de chacun, les instances de gouvernance de l'entreprise familiale et leur composition. Définir les conditions d’accès à des postes à responsabilité dans la société, au capital et aux organes de décision permet de clarifier les choses dans la durée. Et ne jamais éviter les sujets qui fâchent... Beaucoup trop de chartes ressemblent aujourd’hui encore à des consensus mous qui éludent les sujets les plus sensibles alors qu’un texte servira de point de référence quand les passions s’enflammeront lors d’éventuels conflits familiaux.
Pour être efficace, ce « code » doit, par ailleurs, être signé et ratifié par chaque membre de la famille dès qu’il atteint sa majorité. Les conjoints des signataires peuvent aussi être amenés à parapher ce document. La charte n’est pas un simple morceau de papier mais la traduction de la cohésion familiale dans la durée. Le cheminement pour aboutir à ce texte, qui donne lieu à de nombreuses discussions, est d’ailleurs tout aussi important que le document en lui-même.

 

Le Conseil de Famille, un organe de gouvernance dédié 

Après que la famille a défini ses règles de fonctionnement, l’étape suivante consiste à mettre en place un Conseil de Famille qui sera l’organe de gouvernance dédié de la famille. Véritable gardien de la charte et trait d’union entre la famille et l’entreprise, il doit créer du lien entre les deux pour s’assurer quotidiennement de l’alignement entre l’entreprise et la famille propriétaire. La création du lien passe notamment par le partage d’informations sur l’entreprise, des visites d’usine qui permettent de rencontrer les opérationnels…  Les membres du Conseil de Famille doivent représenter toutes les générations, les sexes, les sensibilités et les conjoints. Les personnes qui siègent au conseil doivent être élues pour un mandat dont le contenu est clair et pour une durée déterminée. Il est en effet important d'avoir une procédure en place qui permet de gérer le renouvellement du conseil. En effet, le niveau d’engagement et d’implication de chaque membre du Conseil, ainsi que le temps que cela suppose, nécessite de limiter leur mandat dans le temps

La nomination de tiers externes dans le conseil familial est une solution à envisager pour professionnaliser son fonctionnement.

La présence d’un membre indépendant, sans affect ni implication capitalistique, au sein du Conseil de Famille permet de dépassionner les débats, de pousser les sujets prioritaires et d’accompagner la nouvelle génération pour bien préparer la succession. Elle aide les membres de la famille à prendre du recul et à pacifier leurs relations.

 

L’administrateur indépendant, un acteur clé de la gouvernance corporate

Comme pour le Conseil de Famille, l’administrateur indépendant est à la fois une soupape de sécurité et un « poil à gratter » qui challenge les dirigeants en place. L'administrateur indépendant apporte aussi un regard externe dans les principales missions du Conseil d’administration (définition de la stratégie et suivi de sa mise en œuvre). Au-delà de challenger les dirigeants, il aura aussi pour rôle de challenger les administrateurs familiaux pour éviter certaines dérives.

Son profil peut être très varié mais l’intérêt de la famille est d’aller chercher des compétences qui ne sont pas présentes autour de la table du Conseil (expertise technique, réseau, dimension internationale, etc.). Vous pouvez décider d’en nommer plusieurs au sein de votre conseil d’administration ou de votre conseil de surveillance afin d’élargir au maximum les compétences de cet organe de gouvernance.
Pour trouver ces pépites, privilégier votre réseau professionnel et personnel est souvent la méthode la plus efficace. Vous pouvez également faire appel à des experts, à des fédérations sectorielles ou à des associations. Il est important de s’assurer pendant le processus de recrutement - qui est parfois assez long et compliqué - que ces experts vont être alignés avec les valeurs de la famille telles qu’elles figurent dans la charte familiale. La boucle est alors bouclée.

Une charte, un Conseil de Famille et des administrateurs indépendants, expérimentés et respectés : voilà les trois piliers d’une gouvernance professionnelle et efficace qui répondent à vos enjeux spécifiques…



Un pacte d’actionnaires peut vous éviter bien des soucis

De quoi parle-t-on ? Un pacte d’actionnaires est une convention qualifiée d’« extra-statutaire » qui fixe certaines règles relatives au fonctionnement de la société et aux relations entre actionnaires. Ce texte peut être signé par tous les actionnaires ou seulement par une partie d’entre eux. L’un de ses principaux avantages est sa discrétion. Non publié, il peut contenir des clauses que l’on souhaite conserver secrètes. Cet acte étant confidentiel, ni les tiers ni même les actionnaires non signataires ne peuvent en connaître son contenu. Il peut aussi contenir des clauses qui s’appliquent pour une durée limitée, ce que ne permettent pas les statuts d’une société.

A quoi sert-il ? Un pacte d’actionnaires permet de régler certaines questions afin d’éviter les mésententes et d’anticiper les conflits. Il peut notamment établir des règles concernant la gestion de la société, détailler les modalités de cessions de titres, définir des clauses relatives à la sortie d’un actionnaire ou les mesures à prendre lors la rupture du pacte.

Si le pacte d’actionnaires définit l’aspect juridique des relations entre actionnaires, la charte comprend tout le reste. Ces deux textes sont donc complémentaires mais ils ne peuvent pas se substituer l’un à l’autre. Le pacte a en effet une valeur juridique alors que la charte a une valeur morale.

Un pacte d’associés peut aussi avoir pour objectif d’assurer la liquidité des associés.