Point de vue
Brexit : le début d’une course contre la montre
Le gouvernement Britannique a formellement engagé le processus conduisant au retrait du Royaume-Uni de l’Union Européenne. Les implications pour le secteur financier sont particulièrement significatives et les entreprises concernées disposent désormais d’un temps limité à 2 ans pour prendre les décisions nécessaires et les mettre en œuvre.
Dans ce contexte, il faut distinguer 2 catégories d’établissements :
- les entreprises du secteur financier qui bénéficient du passeport européen pour proposer depuis le Royaume-Uni des services financiers dans l’Union Européenne
- les établissements financiers établis sur le continent qui exercent des activités au Royaume-Uni, que ce soit sous forme de succursales ou de filiales, doivent également s’interroger sur les impacts pour ces activités d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne.
Des implications multiples en matière de réglementation et de supervision
Les incertitudes relatives au calendrier du Brexit et aux futures relations entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne posent aux établissements concernés de sérieuses difficultés pour déterminer le scénario optimal leur permettant de transférer des activités du Royaume-Uni vers la France de manière à assurer la continuité de services à leurs clients. Un grand nombre de questions doivent être examinéés et leurs intrications peuvent être complexes.
Définir le modèle d’activité cible
Des décisions seront à prendre sur des sujets aussi fondamentaux que le modèle d’activité cible, la gouvernance et les dispositifs de contrôle et de gestion des risques applicables aux activités concernées, ainsi que sur leurs modalités de comptabilisation.
Par exemple, les établissements concernés peuvent envisager de transférer les activités qu’ils exercent actuellement depuis le Royaume-Uni vers différentes entités distinctes dans l’Union Européenne. Une entité agréée en tant qu’établissement de crédit et prestataire de services d’investissement au Royaume-Uni peut tout à fait envisager de créer deux entités distinctes dans l’Union Européenne.
Les établissements concernés doivent aussi se poser la question de savoir comment optimiser globalement leurs différentes activités au Royaume-Uni et dans l’Union Européenne et quelles sont les conséquences du Brexit sur les relations intra-groupes, notamment en termes de prestations de services, entre les activités maintenues au Royaume-Uni et celles transférées sur le continent.
Sur ces différents sujets, il convient d’examiner très rapidement les options possibles, d’en étudier les implications prudentielles, et d’engager sans délai, les échanges avec les superviseurs concernés, de manière à éliminer celles qui, de leur point de vue, ne sont pas envisageables.
A cet égard, certains Superviseurs se sont récemment fait entendre sur ce que pourraient être leurs attentes vis-à-vis des activités transférées. Sabine Lautenschläger, Vice Chair of the Supervisory Board of the ECB, a ainsi récemment déclaré que: “Banks which plan to permanently book all exposures back-to-back with another entity in London might be in for a disappointment. This is not about a full ban of back-to-back booking. Needless to say that I would certainly not accept banks’ booking all exposures with the euro area entity while having their risk management and internal control systems outside the euro area”1 .
De façon générale, cependant, les superviseurs sont attentifs aux difficultés posées par un transfert vers la France d’activités en provenance du Royaume-Uni. Ils sont ainsi disposés, en particulier en France, à échanger avec les établissements sur les modalités permettant d’assurer la création ou le transfert d’activités viables en France.
1The European banking sector – growing together and growing apart - Speech by Sabine Lautenschläger, Member of the Executive Board of the ECB and Vice-Chair of the Supervisory Board of the ECB, at the LSE German Symposium, London, 2 March 2017
La procédure d’agrément auprès des Autorités en France
L’une des questions essentielles que les établissements peuvent se poser est celle de définir la nature de l’agrément à solliciter auprès des Autorités en France, en tenant compte des activités transférées et du modèle d’activité envisagé. Les entreprises financières actives sur les marchés de capitaux peuvent opter, soit pour un agrément en tant qu’établissement de crédit, soit pour un agrément en tant qu’entreprise d’investissement.
Tandis que la décision d’agréer un établissement de crédit est in fine prise par la BCE (Banque Centrale Européenne), les entreprises d’investissement sont agrées par l’ACPR ou par l’AMF, dès lors qu’il s’agit d’une société de gestion. Les établissements de paiement, les établissements de monnaie électronique et les entreprises d’assurance sont eux agréés par l’ACPR.
La durée de la procédure d’agrément dépend en principe de la nature de l’agrément demandé. Pour réduire les délais nécessaires à l’obtention de l’agrément des entreprises d’investissement, des établissements de paiement, des établissements de monnaie électronique et des entreprises d’assurance, les Autorités Françaises mettront en place des procédures accélérées permettant notamment d’instruire les dossiers d’agrément sur la base des documents qui avaient été préparés pour les Autorités du Royaume-Uni, dès lors qu’il s’agit d’un transfert d’activités existantes et supervisées par les Autorités Britanniques. S’agissant des sociétés de gestion, l’AMF a mis en place une procédure accélérée d’agrément. En outre, pour faciliter la transition, la procédure d’agrément en France pourra être réalisée en langue anglaise.
Le cas des modèles internes approuvés par les Autorités britanniques
Un autre sujet d’inquiétude récurrent porte sur le sort des modèles internes déjà approuvés par les Autorités Britanniques pour le calcul des exigences de fonds propres et notamment le point de savoir quelle est la procédure d’agrément que les autorités du pays d’accueil vont appliquer.
Dès lors que le modèle a été approuvé pour le calcul des exigences de capital par une ou des Autorités appliquant des critères d’homologation similaires à ceux de l’ACPR, il est vraisemblable que les Autorités Françaises n’examinent, lors de la phase d’agrément, que certains aspects du modèle pertinents au regard du transfert d’activités.
Un environnement réglementaire non stabilisé
L’environnement réglementaire, européen et international, créer des incertitudes supplémentaires, qui doivent être intégrées dans les analyses. Deux points méritent, en particulier, d’être soulignés :
- le premier résulte de la proposition de la Commission Européenne, dans le cadre du paquet CRDV/CRR2), de demander à certaines entités de mettre en place une compagnie holding mère dans l’Union Européenne (Intermediate EU Parent Undertaking)
- la seconde concerne les exigences prudentielles applicables aux entreprises d’investissement non systémiques, pour lesquelles une proposition de la Commission est attendue plus tard dans l’année.
Un rétro-planning particulièrement serré et complexe
Peu de programmes dans le secteur financier présentent une telle complexité dans la gestion du calendrier. La gestion du temps constitue ainsi un élément essentiel d’un programme Brexit. Pour déterminer le scénario de mise en œuvre le plus approprié, les établissements doivent tenir compte en particulier des dépendances qui peuvent exister entre différentes actions qui ne peuvent être réalisées que de façon séquentielle.
A titre d’exemple, la procédure de candidature en tant que membre d’infrastructures de marché pour réaliser des opérations de compensation, de paiement ou de règlement pour le compte de clients de la nouvelle entité (nécessitant généralement un délai de l’ordre de 6 mois environ), ne peut s’engager réellement que lorsque les agréments nécessaires à la nouvelle entité ont été délivrés par les autorités concernées. Si certains éléments peuvent être préparés à l’avance, il y a nécessairement des limites aux avancées qui peuvent être obtenues tant que la nouvelle entité n’a pas été agréée.
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