reglementation-infrastructure-marches-europeens-et-maintenant

Point de vue

Réglementation sur l'infrastructure des marchés européens (EMIR)

Et maintenant ? 

Après Goldman Sachs ou Regis TR, la récente sanction publiée par l’AMF à l’encontre d’un établissement pour des défauts d’application du règlement EMIR est symptomatique de l’importance de ce texte pour les régulateurs, notamment via l’utilisation des données de reporting comme outil de surveillance. Il est temps pour les établissements de revoir, d’ajuster et d’optimiser un reporting coûteux pour gagner en qualité et en sécurité.

EMIR ?

L’ European Market Infrastructure Regulation (EMIR) est l’une des premières règlementations européennes post crise financière. Elle a vocation à réduire le risque de contrepartie sur les instruments dérivés (via la compensation ou les appels de marge) et à accroître la transparence (via les reportings).
Entrée en vigueur en mars 2013, l’application de ce texte a toujours été jugée comme coûteuse pour les acteurs (suivi des confirmations, reporting quotidien, suivi des seuils, etc.) notamment non financiers. Le texte a subi un lifting en 2019 (EMIR Refit1) afin d’avoir une application proportionnée à la taille des sociétés sur le marché des instruments dérivés.

La qualité de données est un sujet de préoccupation

L’une des utilisations les plus connues d’EMIR pour le grand public est la publication par l’ESMA de son rapport annuel sur le marché Européen des instruments dérivés². Ce rapport présente la structure du marché des instruments dérivés en Europe et un grand nombre de statistiques sur le volume d’opérations, les sous-jacents, les contreparties, etc. Il est aussi et surtout un outil de suivi des risques pour identifier les interconnexions entre les acteurs par exemple.

L’ensemble des données est alimenté par les reportings EMIR que chaque contrepartie doit soumettre pour chaque nouvelle transaction (ou modification) aux référentiels centraux agrées.

L’ESMA a souligné à de nombreuses reprises qu’il y avait une insuffisance de la qualité des données et parfois dans les procédures de contrôle mises en œuvre par certains régulateurs3.

En février 2019, la Banque Centrale d’Irlande avait également publié une lettre indiquant que les résultats de ses contrôles soulignaient la faiblesse de la qualité de données, faiblesse qui pouvait nuire à l’objectif d’EMIR.

Mais une gageure pour les établissements

L’amélioration des reportings EMIR se heurte néanmoins à plusieurs écueils. 

Il n’y a pas à ce jour de réel intérêt ou de valeur ajoutée pour les établissements dans la production de ce reporting. Ils ont dans leurs systèmes, l’ensemble des transactions et réalisent par ailleurs l’analyse du risque de contrepartie. Dès lors, la tentation est grande d’investir a minima voire de sous-traiter à moindre coût la production de ces reportings. 

La seconde difficulté est qu’il s’agit souvent d’un processus ad hoc alimenté par de nombreuses applications back offices de manière manuelle ou automatique. Ce processus n’a pas été encore complétement intégré dans le processus usuel de traitement des instruments dérivés. Les rustines utilisées fragilisent considérablement la qualité de la production et peuvent nécessiter de démultiplier les contrôles ou les corrections manuelles. 

Il est difficile enfin de se fier aux contrôles des référentiels centraux pour piloter la qualité des reportings. Ces contrôles s’assurent principalement que les champs obligatoires sont alimentés et avec une prise en considération très limitée des champs conditionnels. Il n’y a pas de contrôles de cohérence entre la nature des produits et les informations renseignées. Par exemple, il est tout à fait possible de renseigner dans le reporting des options sans prime ou strike. Dès lors, et compte tenu de la complexité des règles d’alimentation à appliquer selon les instruments, il est nécessaire de mettre en place des contrôles ad hoc qui s’assurent de la cohérence de l’ensemble de la déclaration au regard de la nature de l’instrument.

Une fois les règles d’alimentation des reportings maîtrisées, le processus EMIR est un candidat idéal pour l’automatisation (via RPA par exemple) et la mise en place de contrôles automatiques intelligents sur les reportings (rapprochement entre les stocks d’opération dans les outils, vérification de la qualité par produit, etc.) avec à la clé des gains de productivité et de qualité.

https://www2.deloitte.com/fr/fr/pages/risque-compliance-et-controle-interne/articles/reglementation-infrastructure-marches-europeens.html
² https://www.esma.europa.eu/press-news/esma-news/esma-values-eu-derivatives-markets-€735tn
3 https://www.esma.europa.eu/press-news/esma-news/esma-sees-significant-room-improvement-in-national-regulators’-supervision