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Point de vue

Plans de rétablissement et de résolution des entreprises d’assurance

Les plans préventifs de rétablissement et de résolution des entreprises d’assurance ont été présentés le 27 novembre 2017 au Conseil des Ministres. L’ordonnance discutée concerne la création en France d’un mécanisme de rétablissement et de résolution des entreprises d’assurance en cas de risque de faillite anticipé, à l’image de ce qui est déjà imposé aux établissements bancaires. L’objectif étant d’éviter, en cas de risque de défaillance d’un assureur, de procéder à une liquidation et de protéger au mieux les assurés.

Le dispositif doit permettre au Collège de Résolution de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) de disposer de pouvoirs rapides et accrus auprès des assureurs en difficulté, de manière à prévenir les conséquences négatives pour les assurés tout en sauvegardant la stabilité financière, la continuité des fonctions critiques pour l’économie ou les finances publiques.

Le Plan de rétablissement

L’ordonnance prévoit que les 13 grands groupes d’assurance français, définis par la taille de leur bilan (Art. L. 311-5), élaborent et mettent à jour des plans préventifs de rétablissement validés par leur Conseil d’Administration. Sur cette base, l’ACPR établira des plans préventifs de résolution qu’elle pourra déployer en cas de crise.

Le déploiement du plan se fait sur la base d’un éventail d'options et de scénarios incluant notamment la possibilité que la défaillance de la compagnie concernée soit circonscrite et individuelle ou qu'elle survienne dans le cadre d'une situation défavorable exceptionnelle, affectant une part significative du marché de l'assurance ou de la réassurance (Art. L. 311-8). Il est attendu de ce plan l’établissement de plusieurs indicateurs permettant de déclencher la mise en œuvre des mesures de rétablissement. Ces indicateurs doivent être produits régulièrement (Art. L. 311-5).

Conformément au plan de prévention mis en place pour les établissements bancaires, les plans préventifs de rétablissement demandés pour les assureurs ne tiennent pas compte d’un financement éventuel de l’Etat, et sont soumis à l’approbation du Conseil d’Administration ou du Conseil de Surveillance de la compagnie avant transmission au Collège de Supervision (Art. L. 311-5-V).

Après sa présentation à l’ACPR, si celle-ci estime que le plan de rétablissement présente des lacunes importantes, il est demandé à la compagnie d’assurance d’y remédier dans les deux mois (Art. L. 311-6). Passé ce délai, si le plan est toujours insuffisant, la compagnie peut être enjointe à : réduire son profil de risque, adopter des mesures rapides de recapitalisation pour couvrir les exigences prudentielles ou accroître sa capacité de rétablissement des fonctions critiques.

Ce régime s’inspire des plans de rétablissement prévus pour les établissements de crédit et les entreprises d’investissement, tout en tenant compte des spécificités de l’activité d’assurance.

Plan de rétablissement pour les banques

Dans le plan de rétablissement bancaire (Recovery Plan), il était attendu de la banque concernée :

  • une bonne appréciation de la spécificité de l’activité de l’établissement (y compris des activités secondaires) ;
  • le choix motivé d’un certain nombre d’indicateurs et de leurs seuils de déclenchement (par exemple le ratio CET1*) ;
  • la définition et la quantification des scénarii de crise, et de leur périmètre d’impacts, incluant une évolution dans le temps, par exemple chute des marchés, faillite d’une contrepartie, etc. ;
  • la mise en œuvre des options de rétablissement retenues y compris recapitalisation, et d’y expliciter la gouvernance, le plan stratégique, et le plan de communication (interne & externe) à mettre en place en cas de déclenchement du plan de rétablissement ;

La méthodologie du choix et de la calibration des indicateurs de rétablissement ainsi que les scenarii de crise doit être adaptés au plus près de la typologie d’établissement et prendre en compte les risques/activités/secteur économiques & géographiques sur lesquels opère l’établissement.

*ratio CET1 ou Common Equity Tier1 ratio au rapport entre le CET 1 (fonds propres tier 1) par les risques associés ; les risques concernent notamment les risques de crédit, de marché et risque opérationnel

Le Plan de résolution

Les compagnies sujettes au plan préventif de rétablissement, au nombre de 13, sont concernées par le plan résolution. Tout comme les plans de rétablissement, les mesures de résolution se fondent sur un éventail d'options et de scénarios et ne tiennent pas compte d'un soutien éventuel de l’Etat.

L’ACPR pourra déclencher la procédure de résolution dans certains cas spécifiés dans l’article L. 311-18 et plus particulièrement en cas de défaut de paiement des engagements vis-à-vis de l’assuré, dans le cas où la compagnie est en cessation de paiement ou si elle ne couvre plus son ratio de solvabilité.

Si une compagnie d’assurance est concernée par le plan de résolution, le Collège de Résolution pourra intervenir pour demander à la compagnie concernée : la nomination d’un administrateur, une réduction de la rémunération variable des dirigeants et preneurs de risque y compris une baisse des dividendes versés aux actionnaires, des moratoires éventuels sur certains contrats financiers. Par ailleurs, le Collège pourra décider de prononcer le retrait total ou partiel de l'agrément le cas échéant après mise en œuvre de mesures de résolution (Art. L. 311-19), avec le but de ne pas faire porter les pertes aux assurés.

L’Autorité pourra également décider, si nécessaire, et pour porter la partie saine du bilan, la création d’un établissement-relais qui pourra être autonome ou adossé à un autre assureur, voire même absorbé. Les portefeuilles déficitaires ayant une fonction critique pour l’économie et les assurés pourront être mis en « run off » avec un traitement prudentiel allégé et adossés à un assureur « fiduciaire » qui en sera le gestionnaire (Art. L. 311-41).

Les plans de rétablissement et de résolution, suite logique de Solvabilité 2

Tel que présenté, l’intérêt d’établir un plan de rétablissement est de combler les lacunes de Solvabilité 2 quand les fonds propres éligibles de l’entreprise ou du groupe mère se trouvent entre le minimum de capital requis (MCR) et le capital de solvabilité requis (SCR).

Les plans de rétablissement et de résolution viennent compléter le contrôle imposé par la règlementation Solvabilité 2. En effet, dans son Consultation Paper, EIOPA interroge une potentielle harmonisation des schémas de rétablissement et de résolution pour l’assurance, car bien que Solvabilité 2 pose les bases d’une évaluation de la solvabilité d’une compagnie d’assurance à un moment donné via le SCR ou dans la projection du plan (ORSA), la règlementation européenne entrée en vigueur en 2016 ne traite pas de situation de crise avérée, d’où certaines disparités dans la gestion de la liquidation dans les pays de l’UE.

Implications pour les assureurs

Les 13 assureurs français concernés devront mettre en place des indicateurs et des scénarios de crise relatifs au plan de rétablissement. Ces scénarios ne sont pas précisés dans l’ordonnance. Nous anticipons que de nombreux assureurs disposent déjà de procédure de rétablissement dans le cadre de leur gestion des risques.

Certains de ces scénarios seront liés aux exercices déjà effectués dans le cadre Solvabilité 2 ou aux conclusions des plans de rétablissement adoptés pour les établissements bancaires en 2017. Par ailleurs, le régulateur anglais imposant à ses assureurs un plan de rétablissement/résolution similaire, leurs conclusions serviront aussi de base pour le régime français/européen.

Le niveau de détail du plan devra respecter la nature, l’échelle et la complexité des risques inhérents aux activités de la compagnie d’assurance. Nous estimons que les assureurs s’appuieront sur Solvabilité 2, cependant, alors que Solvabilité 2 est tournée vers des estimations quantitatives des risques inhérents à la compagnie d’assurance, le plan de rétablissement/résolution s’intéresse aux modalités opérationnelles et à la mise en place des procédures en cas de risque aggravé.  

Le plan de rétablissement/résolution au UK (UK Stress Scenarios testing)

Prudential Regulation Authority (PRA), le régulateur bancaire et assurantiel au UK a mis en place une règle liée aux procédures de résolution des assureurs appelée FR8 (Fundamental Rule 8) en 2014 : ”A firm must prepare for resolution in the event of failure so, if the need arises, it can be resolved in an orderly manner with a minimum disruption of critical services”.

  • 5 états ont été définis pour le plan de rétablissement : (1) faible risque de défaut, (2) risque modéré, (3) risque de défaut pour l’assureur, (4) risque de défaut imminent et (5) assureur en état de résolution.
  • Il est mentionné que 3 ou 4 scenarios extrêmes sont demandés dans le cadre du plan de rétablissement :
    - systémique/Idiosyncratique : par exemple Crise de l’Euro, ou un risque opérationnel majeur pour l’assureur ;
    - liquidité/capital : concerne un scenario de solvabilité de l’assureur ;
    - fast/Slow : s’intéresse à des évènements extrêmes qui peuvent se présenter de manière brusque ou très lente ;
    - cross border contagion : dans le cas d’un groupe ;
    - défaillance d’une large contrepartie ;
    - pertes opérationnelles. 

Ces scenarii s’inspirent de ceux imposés aux banques dans le cadre de leurs plans de rétablissement.

Article co-écrit par Imène Seghouani, Claude Chassain et Nicolas Fleuret

Sources :
EIOPA’s Discussion Paper  -  Texte de la réglementation  -  Stress Solvency Test UK