Point de vue

Transformation Management Office 

Les changements s’accélèrent, les projets se multiplient créant des impacts croisés


Article co-écrit avec Imen Ayadi, Senior Manger, Financial Services Industry and Fintech et Chloé Dreher, Consultante, Financial Services Industry and Fintech

Au sein des banques et assurances, le rythme de la disruption digitale et organisationnelle ne cesse de s’accélérer. Il est notamment marqué par des objectifs croisés entre, d’une part une réduction des coûts et une augmentation de l’efficacité opérationnelle et d’autre part une nécessité de satisfaire des clients de plus en plus exigeants souhaitant « tout, tout de suite ». La crise économique et sanitaire actuelle exacerbe ces disruptions, en mettant notamment en évidence la nécessaire résilience et agilité des organisations.

De ce fait, la Transformation – et non seulement « l’évolution » – est nécessaire pour permettre aux Services Financiers de garder leur avantage compétitif. Les modes de travail évoluent, les changements s’accélèrent, les projets se multiplient et pourtant, 70% des grands programme de transformation échouent. D’après l’étude « Delivering with confidence » Deloitte 2018, les plans de transformation échouent principalement à cause d’un manque d’alignement avec la stratégie et à cause d’une gestion de projet insuffisante (50% des cas).

Dans ce contexte, plusieurs rôles sont apparus au sein de la plupart des entreprises de services financiers : le Chief Digital Officer (DGO), le Chief Data Officer (CDO) ou le « Chief Transformation Officer » (CTO). C’est le cas par exemple de BNP Paribas qui a créé BNP Paribas Transformation en 2017 ou de AXA Partners qui a créé un Transformation Office en 2019. Ce Chief Transformation Officer est à la tête d’une structure centrale en charge de piloter, outiller et impulser la Transformation, en développant une agilité et une aptitude à changer : un Transformation Management Office (TMO).

Un Chief Transformation Officer, un accélérateur de la transformation qui assure plusieurs types de missions venant le plus souvent se combiner

Le Chief Transformation Officer à la tête d’un Transformation Management Office (TMO) est donc un levier majeur pour réussir la Transformation et assurer un « momentum » autour d’un objectif commun. Il assure 5 Missions principales, qui viennent se combiner :

  • Mission 1 : Alignement avec la stratégie : la 1ère mission d’un CTO c’est de s’assurer que le plan de transformation est aligné avec une vision stratégique et que les livraisons à venir vont aider l’entreprise à atteindre ses objectifs de croissance ou de réduction de coûts. Un des outils qui peut être utilisé est le SWOT combinatoire. En combinant les différents axes d’un SWOT, le TMO peut assurer la déclinaison opérationnelle des axes stratégiques. Cet exercice est primordial pour donner du sens au plan de transformation et générer l’engagement de tous les collaborateurs. Au-delà du SWOT combinatoire, le TMO doit s’assurer que le chemin de la Transformation est bien jalonné d’étapes clés permettant d’avoir des résultats tangibles et mesurables. Ces résultats intermédiaires doivent permettre de s’assurer du bon avancement vers la vision stratégique.
  • Mission 2 : Pilotage de la transformation : le deuxième enjeu du TMO est de sécuriser l’exécution du plan de transformation, de réaliser le pilotage transverse, en tenant compte des impacts croisés des projets sur les collaborateurs. Cela passe notamment par l’instauration d’un langage et de rituels communs avec les équipes projets et une vision commune qui mènera au succès du programme. Dans le cadre de cette mission, le TMO identifie par exemple les interdépendances ou adhérences entre les projets et s’assure de leur bonne gestion, déterminant ainsi le chemin critique de la feuille de route de la Transformation. Il mobilise également l’intelligence collective pour faire naître des idées nouvelles, en responsabilisant les collaborateurs et en décelant toute opportunité de gain d’efficacité. Le TMO doit utiliser des outils innovants et efficace pour le pilotage du portefeuille de projet. Au-delà de faire réussir l’exécution des projets, il s’agit aussi d’assurer la réalisation des bénéfices attendus de la Transformation (adoption des nouveaux outils par les clients ou les collaborateurs, amélioration du NPS, réduction du time to market…).
  • Mission 3 : Déploiement de méthodologie de gestion de projets : le Transformation Officer est également le garant du déploiement de méthodologies de gestion de projet innovantes, favorisant l’agilité, la collaboration et la professionnalisation du métier de chef de projet. L’objectif principal est d’accompagner et coacher les chefs de projet pour leur permettre de sécuriser l’exécution de leurs projets, en se focalisant sur les tâches à plus forte valeur ajoutée. Plusieurs méthodes de gestion de projet existent sur le marché (IPMA ou PMI par exemple). L’enjeu du TMO est de conseiller une gestion de projet efficace, s’adaptant à chaque projet permettant de sécuriser l’exécution, sans pourtant avoir un pilotage et un reporting lourds. Les chefs de projet doivent être des facilitateurs, garantissant toutes les conditions nécessaires pour la réussite de leurs projets.

    En sus, l’intelligence artificielle pourrait être un accélérateur à cette mission du TMO, en épaulant le chef de projet à gérer et identifier ses risques, en lui mettant à disposition des outils de gestion de planning, en le libérant des tâches de reporting à faible valeur ajoutée et en s’appuyant sur des opportunités d’automatisation.

    Certains logiciels du marché permettent de développer cette intelligence d’affaires. Deloitte a notamment benchmarker les solutions telles que One2Team, Asana, application web et mobile conçue pour permettre le travail d’équipe sans e-mail, Gladys, l’outil collaboratif qui allie communication, veille collaborative, challenge des idées des collaborateurs et gestion de projet, Slack, la plateforme collaborative de communication et de réalisation de tâches, ou encore SKRIV qui permet l’automatisation des tâches répétitives (lectures d’e-mails, …) et une affectation automatique des différentes tâches des projets aux bons contributeurs.

    L’utilisation de tels outils entraîne de nouvelles méthodes de travail, qui se traduisent par plus de collaboration entre les collaborateurs et une dynamique d’idéation et de co-construction sur les projets. L’état d’esprit du chef de projet évolue alors vers plus d’analyse et de réflexion et ce dernier se voit libérer des tâches à faible valeur ajoutée (consolidation de documents, mise en forme d’indicateurs, …). Toutefois, ces outils reposent sur les informations remontées par collaborateurs, l’enjeu pour le Chief Transformation Officer est donc également de s’assurer que les saisies des données, les mises à jour des outils et l’apport de correction soient faits régulièrement.
  • Mission 4 : Communication et conduite du changement : Les changements à venir sont perçus souvent comme une contrainte, comme surlignés dans les pourcentages présentés en introduction. L’objectif du TMO est de transformer cette contrainte en objectif incontournable et cette difficulté en opportunité. Une communication régulière, transparente, un discours de vérité lucide et clair est une condition fondamentale à un processus de changement d’ampleur. Il faut absolument éviter une sur communication sur des prévisions bâties avec des hypothèses peu réalistes, finissant par décrédibiliser le management qui les portent. Les messages doivent faire le lien avec la vision stratégique et créer un sentiment d’urgence pour changer. Ces messages seront par exemple construits à l’aide d’une analyse d’impacts globale de toutes les populations impactées ou encore d’un profilage pour déterminer le potentiel écart entre les compétences existantes au sein de l’entreprise et les compétences de demain.
  • Mission 5 : Support à l’implémentation du modèle opérationnel : La plupart des services financiers ont entamé des plans de transformation digitaux. Il est important de ne pas limiter ces transformations à leurs aspects techniques. Un TMO doit s’assurer que les projets de changements de technologies s’accompagnent bien de projets de revues de modèles opérationnels sur les différents axes (segmentation clientèle, canaux de distribution, produits et services, chaine de valeur…). En effet, déployer un nouvel outil de gestion ou une nouvelle application digitale, peut apporter de vrais bénéfices seulement s’il est suivi par un changement de l’organisation, une revue des process et un accompagnement des collaborateurs vers de nouvelles compétences.

En Conclusion, un Transformation Management Office est une structure vitale pour la réussite des plans de transformation, pouvant avoir plusieurs modèles d’intégration

Concernant sa mise en place, en fonction de l’ambition portée sur le rôle de la TMO, de la culture et de l’organisation, plusieurs scenarii sont possibles :

  • Un positionnement de coordination : le TMO assure un rôle de coordination entre les différentes équipes projet sans avoir de lien hiérarchique ou fonctionnel avec les chefs de projets. Cela a pour avantage de déployer une méthode de projet standardisée sans bousculer l’organisation, mais il sera difficilement possible de tirer profit de l’ensemble des synergies entre les différentes équipes
  • Un positionnement de « partiellement intégré », le TMO a un « lien fonctionnel » avec les chefs de projet. Il contribue à l’établissement et l’évaluation de leurs objectifs. Cela a pour avantage de renforcer le positionnement du TMO pour mieux sécuriser l’avancement et l’exécution des projets mais peut nécessite un effort de conduite de changement
  • Un positionnement d’« Intégré », le TMO est complètement intégré à l’organisation et a un lien hiérarchique avec les équipes projet à part entière, en assurant à la fois un rôle de coordination et un lien hiérarchique avec les responsables de la transformation, en étant en charge de l’établissement et de l’évaluation des différents responsables. Cela permettra de développer des compétences homogènes en gestion de projets et de bénéficier d’une vision transverse complète mais risque de faire en sorte que les projets soient vus comme isolés des équipes métiers