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Point de vue

La transition vers la durabilité

Adopter une vision prospective, interne et périphérique

Crise d’une ampleur sans précédent, le changement climatique menace de provoquer une multitude de risques liés à la durabilité. Les entreprises subissent une pression croissante pour y faire face. Nombre d’entre elles devront transformer durablement leur modèle économique afin de trouver de nouvelles opportunités et sources de croissance et garantir leur avenir.

En examinant les entreprises qui ont déjà suivi cette voie, nous avons identifié trois actions de base qui leur ont permis de transformer les risques liés à la durabilité en opportunités. Tout d’abord, adopter une vision prospective pour comprendre comment saisir de nouvelles opportunités de croissance issues du développement durable. Puis, adopter une vision interne, au sein même de leur entité, pour trouver des possibilités de reconfigurer leurs opérations et ainsi accélérer leur transformation vers une meilleure durabilité. Et enfin, une vision périphérique des possibilités de capitaliser sur leur écosystème d’affaires afin de créer un avantage concurrentiel dans ce monde axé sur la durabilité. Au fil de cet article, nous explorons ce qu’implique chacune de ces actions, en tirant des enseignements de ces entreprises axées sur la durabilité.

Atteindre le point de non-retour

Sur ces dix dernières années, l’expérience d’Unilever révèle, malgré les turbulences financières, qu’entreprendre une transformation centrée sur la durabilité peut générer une valeur significative pour les entreprises. Durant la crise financière mondiale, lorsque Paul Polman a pris la présidence d’Unilever, le groupe traversait l’un des épisodes les plus tumultueux de ses 150 ans d’histoire. Dès la première année de son mandat, Polman a créé le Plan Unilever pour un Mode de Vie Durable, un programme sur dix ans visant à doubler le chiffre d’affaires de la société tout en réduisant son empreinte environnementale et en améliorant son impact social. Mais ce Plan n’était pas « uniquement » un plan pour la durabilité. Il s’agissait d’un programme destiné à développer les marques durables d’Unilever, à innover et à attirer et fidéliser les talents.1 Sous la présidence de Polman (2009-2019), la société a affiché une croissance constante de ses revenus et de ses résultats. Son engagement à transformer durablement Unilever a généré d’excellents rendements pour ses actionnaires, avec un rendement total à hauteur de 290 %.2 Polman est depuis longtemps convaincu que les attentes changent, que les dirigeants d’entreprises doivent jouer un rôle plus actif pour s’attaquer au programme de développement durable et protéger l’avenir de leurs entreprises.3 Ce programme de développement durable, tel qu’il s’articule autour des 17 Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies (NU), reconnaît que les entreprises sont des partenaires essentiels pour relever les ODD, qu’il s’agisse de leur contribution financière ou de la fourniture de biens et de services qui répondent à la durabilité (Illustration 1).4







Les 17 ODD des Nations unies sont interdépendants et interconnectés. La crise climatique menace de perturber l’approvisionnement en eau, la production alimentaire, la sécurité énergétique, tout en impactant les moyens de subsistance et les revenus du plus grand nombre.5 Fin 2019, Antonio Guterres, le Secrétaire général des NU a prévenu que « le point de non-retour » concernant le changement climatique « est en vue et se rapproche de nous à toute vitesse ».6 Cependant, les crises peuvent également être d’importants catalyseurs de changements, en créant des opportunités d’ouvrir de nouvelles perspectives. Les entreprises qui voient le changement climatique et la durabilité pas uniquement comme une menace mais comme une opportunité, pourraient être mieux placées pour libérer de nouveaux potentiels d’innovation et susciter des collaborations inespérées. Les entreprises pourraient devoir se transformer pour prospérer à l’heure où il est impératif de relever le défi de la durabilité.


Les flux financiers sont redirigés vers des pratiques durables. L’évolution du comportement des entreprises a été largement motivée par la redirection des flux financiers à l’heure où les investisseurs, prêteurs et assureurs réalisent de plus en plus que les risques liés à la durabilité génèrent des risques financiers. Les investisseurs, notamment, jouent un rôle crucial dans l’accélération des flux de capitaux vers des fonds durables. En 2019, aux Etats-Unis, les fonds durables attiraient plus de 4 milliards de dollars par trimestre. Avant cette date, les flux n’avaient jamais atteint les 2 milliards de dollars par trimestre.7 Pour les investisseurs, le changement climatique est au centre de toutes les attentions. Lors de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques de 2019, plus de 630 investisseurs, gérant collectivement plus de 37 trillions de dollars d’actifs, ont signé une déclaration exhortant les entreprises à prendre des mesures plus énergiques pour lutter contre le changement climatique, dont l’élimination progressive du carbone et l’accompagnement de la transition vers un avenir à plus faible empreinte carbone.8 Larry Fink, PDG de BlackRock, le plus grand investisseur institutionnel au monde avec ses 7,4 trillions de dollars d’AUM, a été un fervent défenseur de ce changement, en déclarant en janvier 2020 que le changement climatique a amené les entreprises « au bord d’un remaniement fondamental de la finance ».9

La législation soutient de plus en plus l’adoption de pratiques commerciales durables.

Les pouvoirs publics disposent de tout un arsenal d’outils réglementaires pour définir les pratiques commerciales, et ils utilisent de plus en plus leur autorité réglementaire pour exhorter les entreprises à adopter des pratiques professionnelles durables. En 2017, par exemple, le gouvernement français a promulgué de nouvelles réglementations exigeant que les multinationales françaises identifient et préviennent les impacts négatifs sur la durabilité de leurs propres activités et de celles de leurs sous-traitants ou fournisseurs.10 Par ailleurs, des instances supranationales, telles que la Banque mondiale, exhortent les gouvernements à adopter des plans de relance Covid-19 qui favoriseront une croissance durable.11

Le militantisme croissant des travailleurs pousse les employeurs vers la durabilité.
Les travailleurs incarnent l'émergence d'un nouveau groupe, doté de pouvoirs et de moyens d'expression, capable d'influencer matériellement la stratégie et la réputation d'une entreprise. Plus que jamais, ils dénoncent l’hypocrisie perçue chez leurs employeurs, à l’instar des dons de fonds aux actions climatiques alors qu’ils continuent d’investir dans des secteurs à forte intensité de carbone.



Les entreprises subissent une recrudescence de pétitions, grèves et débrayages de leurs employés au motif de leur inaction en matière de durabilité. Les entreprises qui ne parviennent pas à répondre aux attentes de leurs employés en matière de durabilité s’exposent à des pénuries de talents ou des difficultés en termes d’engagement : l’étude mondiale Millennial Survey 2019 de Deloitte a révélé que les Millenials et les membres de la Génération Z sont beaucoup plus fidèles à des employeurs qui s’attaquent avec audace aux questions environnementales et sociales qui leur sont chères.12

Les préférences des clients s’orientent vers des produits et services durables.
L’évolution constante des modes de consommation et d’achat témoigne de l’importance accrue accordée aux produits et services durables. Cette tendance est particulièrement visible parmi les Millenials et les membres de la Génération Z. Selon l’étude susmentionnée de Deloitte, 42 % des Millenials décident d’acheter les produits ou services d’une marque du fait de son impact positif sur la société ou l’environnement.13 Ces évolutions dans le comportement des consommateurs ouvrent aux alternatives durables des opportunités sur le marché. D’ici 2028 par exemple, le marché des vêtements d’occasion devrait voir sa valeur exploser et atteindre 64 milliards de dollars aux Etats-Unis, alors que la « fast fashion » devrait uniquement atteindre les 44 milliards de dollars.14 De même, les substituts de viande -à base de plantes- devraient représenter un marché mondial de 140 milliards de dollars au cours des dix prochaines années.15
Ces pressions hissent la durabilité au rang des priorités des dirigeants d’entreprises et de leur conseil. Face à ces changements de comportements, il est impératif pour les entreprises de mettre la durabilité au cœur même de leurs stratégies. En effet, la déclaration sur le rôle des entreprises du Business Roundtable en 2019.16 souligne que les entreprises ont obligation de créer de la valeur pour leurs clients, employés, fournisseurs et communautés en plus de la valeur actionnariale.
Récemment, un certain nombre de grands dirigeants d’entreprise s’est publiquement engagé à s’attaquer aux questions de durabilité, et plus précisément de changement climatique. En février 2020, Jeff Bezos, PDG d’Amazon, a consacré 10 milliards de dollars à la lutte contre le changement climatique en lançant le Bezos Earth Fund17 ; Yvon Chouinard, PDG de Patagonia, a quant à lui annoncé en novembre 2018, qu’il consacrerait les 10 millions de dollars de réduction d’impôts perçue par sa société à la protection de l’air, de la terre et de l’eau et à la recherche de solutions à la crise climatique.18 Ces exemples témoignent de l’inquiétude croissante des dirigeants d’entreprise face à la crise climatique, et de la volonté de certains d’investir pour agir.

BLACKROCK, FER DE LANCE DU CHANGEMENT

En 2020, dans sa lettre annuelle aux dirigeants d’entreprise, Larry Fink, le PDG de BlackRock, a appelé les pouvoirs publics, les entreprises et actionnaires à faire face à la « nouvelle réalité climatique ». BlackRock a également annoncé qu’il n’investirait plus dans des sociétés tirant plus de 25 % de leurs revenus de la production de charbon thermique.19
Au moyen de cette lettre, Fink signale au marché que les investisseurs considèrent de plus en plus le risque climatique comme un risque d’investissement et, en conséquence, les entreprises devraient anticiper « dans un avenir proche…une réallocation significative des capitaux. »20 Il remarque que les entreprises qui ne parviennent pas à intégrer les questions de durabilité et de climat dans leurs activités risquent d’être laissées pour compte alors que les investisseurs et les entreprises se tournent vers une économie à faible intensité de carbone. Il prévient que ces entreprises pourront être rentables sur le court terme, mais que des externalités négatives les rattraperaient et détruiraient la valeur actionnariale sur long terme.21 Fink souligne la conviction de BlackRock : les portefeuilles intégrant le développement durable et les enjeux liés au climat peuvent offrir aux investisseurs une meilleure performance ajustée du risque, et en faire un élément-clé pour l’avenir de BlackRock.
En mars 2020, dans sa lettre annuelle aux actionnaires, Fink réaffirme l’engagement de BlackRock en matière de développement durable, en déclarant « la pandémie que nous subissons actuellement souligne les fragilités d'un monde globalisé et la valeur des investissements durables. » En précisant que « nous avons vu des portefeuilles durables montrer de meilleures performances que des portefeuilles traditionnels pendant cette période », Fink voit une opportunité d’accélérer la tendance des investissements durables alors que l’économie mondiale se remet de la crise de Covid-19.22

Vers une entreprise plus durable

Nous avons identifié trois stratégies susceptibles de guider la transformation durable des entreprises visionnaires :

  • - Vision prospective. Comprendre les menaces, et surtout, les opportunités que les pressions en matière de durabilité impliquent pour l’avenir de l’entreprise.
  • - Vision interne. Envisager de repenser les opérations de l’entreprise afin d’accélérer la transformation vers davantage de durabilité.
  • - Vision périphérique. Capitaliser sur l’écosystème économique environnant pour créer un avantage concurrentiel.

  • VISION PROSPECTIVE DE VOTRE AVENIR

    Pour garantir leur réussite à venir, les entreprises doivent adopter une vision prospective. Les dirigeants doivent être conscients des évolutions en cours et comprendre dans quelle mesure les attentes croissantes en matière de durabilité peuvent façonner l’avenir de leurs entreprise et secteur.

    Certains dirigeants peuvent devoir s’affranchir d’un raisonnement à court terme, généralement dicté par des pressions sur la performance trimestrielle, et ne pas perdre de vue la possibilité de créer de la valeur durable sur le long terme. Encourager ce type de réflexion peut parfois prendre des formes radicales. Chez Unilever, l’une des premières actions de Polman en qualité de PDG a été de mettre un terme aux rapports et résultats trimestriels, en invitant les actionnaires à se concentrer sur la santé à long terme de l’entreprise. Bien que cette décision ait été fortement critiquée et que les actions aient chuté de 8 %, la forte performance d’Unilever sur ces dix dernières années démontre qu’une perspective à plus long terme est un moyen efficace de gérer une entreprise.23 Un exemple de vision prospective pour identifier ces risques et opportunités nous est fourni par le secteur de l’énergie, et notamment les entreprises pétrolières, gazières et charbonnières. En 2019, à l’occasion de probablement la plus grande manifestation pour le climat de l’histoire, 6 millions de personnes (estimation) dans plus de 180 pays sont descendues dans la rue pour demander plus d’actions en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.24

    Fin 2019, plus de 450 investisseurs, représentant plus de 40 trillions de dollars d’AUM ont signé l’initiative Climate Action 100+, qui s’engage à faire pression sur les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre afin de « réduire leurs émissions, améliorer leur gouvernance, et renforcer leur communication financière liée au climat. »25

    Les dirigeants doivent être conscients des évolutions en cours et comprendre dans quelle mesure les attentes croissantes en matière de durabilité peuvent façonner l’avenir de leurs entreprise et secteur.

    Sous la pression des investisseurs, la transition vers les énergies propres investit le secteur des énergies fossiles, menaçant sa rentabilité tout en créant des pistes pour de nouveaux modèles économiques. En décembre 2019 par exemple, Goldman Sachs s’est engagé à investir 750 milliards de dollars dans le cadre de la transition climatique mondiale et de stratégies de croissance inclusive.26 En janvier 2020, BlackRock a annoncé avoir levé 1 milliard de dollars pour son fonds Global Renewable Power III, qui se consacrera à la production d’énergie renouvelable et à la distribution et stockage d’énergie.27 Les investissements en technologies pour l’énergie solaire, éolienne et autres énergies

    vertes devraient doubler sur la prochaine décennie ; les investissements mondiaux consacrés aux énergies renouvelables devraient atteindre les 2,6 trillions de dollars d’ici 2030.28 De plus en plus de startups saisissent cette opportunité et pénètrent le secteur des énergies renouvelables, afin de gagner du terrain pendant que d’autres, plus anciennes, cherchent à s’adapter.

    Un certain nombre d’entreprises énergétiques en place ont commencer à se réinventer pour répondre à ces pressions. La société danoise Ørsted, par exemple, est passée du charbon aux sources de production renouvelables pour satisfaire la demande croissante d’énergie renouvelable. Il y a dix ans de cela, Ørsted était l’une des compagnies d’énergie à plus forte intensité de charbon d’Europe. Aujourd’hui, Ørsted est en passe de se tourner entièrement vers les énergies renouvelables à forte croissance telles que l’éolien, le solaire et les solutions de stockage. Elle estime totalement renoncer au charbon d’ici 2023 et générer près de 100 % de son énergie de sources vertes d’ici 2025.29

    Comme en témoigne l’expérience du secteur de l’énergie, plus tôt une entreprise adopte une vision prospective, plus elle a de chances de transformer les perturbations à venir en nouvelles opportunités. Ces dernières peuvent soutenir toute une série de modèles économiques tout en répondant aux besoins de la société. Les entreprises circulaires, par exemple, qui s’efforcent de minimiser les déchets, les entreprises régénératives qui cherchent à restaurer l’environnement, et les entreprises inclusives qui ambitionnent de réduire la pauvreté.

    Pour identifier ces opportunités, nous vous conseillons une approche appelée « zoom arrière/zoom avant. »

    Dans cette approche, les planificateurs stratégiques procèdent à un « zoom arrière » au-delà de l’horizon à court terme classique de la planification stratégique afin d’avoir une vision à plus long terme, sur les 10 à 20 prochaines années.30 Une fois compris ce que réserve cet avenir, ils peuvent alors faire un « zoom avant » vers le futur proche pour identifier les mesures à prendre dans les 6 à 12 mois et permettre à l’entreprise d’atteindre ses objectifs futurs.

    La planification de scénarios peut s’avérer utile à l’heure de faire la lumière sur les possibles futurs auxquels se préparer. Le scénario SKY de Royal Dutch Shell développé en 2018 par exemple, illustre une trajectoire viable d’un point de vue technologique, industriel et économique, pour limiter les températures moyennes mondiales en-deçà de 2°C.31


    VISION INTERNE DES AXES D’ACCÉLÉRATION DE VOTRE TRANSITION

    Forts d’une stratégie à plus long terme, les dirigeants peuvent adopter une vision interne, au sein de leur propre entreprise, pour identifier les initiatives à lancer dès aujourd’hui afin d’accélérer la dynamique vers cet avenir. En fonction de l’ampleur des risques et opportunités liés à la durabilité auxquels elles sont confrontées, certaines entreprises peuvent constater qu’il leur faut aller au-delà des approches intégratives —qui cherchent à intégrer la durabilité dans les modèles d’affaires, les stratégies, les produits et services existants— et adopter des approches transformatives selon lesquelles les questions de durabilité déterminent la conception de modèles économiques, stratégies, produits et services nouveaux.

    Les entreprises qui suivent une approche transformative de la durabilité ont radicalement changer leur façon de penser et d’agir (Illustration 3).


En percevant la durabilité à travers le prisme de la croissance et des opportunités, les entreprises peuvent faire preuve de créativité et d’innovation pour relever certains défis de la durabilité tout en adoptant de nouveaux modèles économiques, produits et services et de nouvelles stratégies. En innovant dans ce domaine, elles peuvent également identifier des possibilités d’accélérer leur transition vers l’avenir, comme en témoignent les exemples suivants :

Source d’opportunité : Volkswagen saisit une opportunité sur le marché des véhicules électriques. D’ici 2028, Volkswagen envisage de commercialiser 70 modèles de véhicules totalement électriques (VE). Volkswagen prévoit de produire 22 millions de VE d’ici 2030, date à laquelle les VE devraient représenter 40 % des offres de ce constructeur automobile.32 Volkswagen, l’un des constructeurs les plus agressifs sur le marché des véhicules électriques, tente de capitaliser sur la demande accrue de VE, nouvelle opportunité de développement sur le marché.

Transparence : Olam International améliore la transparence de la chaîne d’approvisionnement en développant une solution de sourcing durable et traçable. Avec sa plateforme AtSource, le groupe agroalimentaire Olam International répond à la demande croissante de chaine logistique transparente et durable formulée par les consommateurs. Cette plateforme propose aux abonnés une ligne de vue sur l’empreinte sociale et environnementale des matières premières en leur donnant accès à toute une série de mesures et d’informations sur les efforts en cours pour améliorer la performance en matière de développement durable.33

Mission : Patagonia ouvre la voie aux sociétés à mission. Patagonia est la première B Corp de Californie, une certification qui désigne toute entreprise répondant « à des valeurs explicites en matière sociale et environnementale et à une obligation fiduciaire juridiquement contraignante pour prendre en compte les intérêts des travailleurs, de la communauté et de l’environnement.34

Cette stratégie axée sur la mission a permis au modèle économique différencié de la marque d’atteindre la vitesse supérieure, la société ayant acquis une solide clientèle, affichant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 1 milliard de dollars en 2018 et améliorant la légitimé des entreprises à mission.35

Axée sur l’écosystème : L’initiative Make Fashion Circular de la Fondation Ellen McArtur encourage la collaboration et l’innovation entre les principales marques de mode.Cette initiative sectorielle réunit des leaders industriels, dont Burberry, Gap Inc., le Groupe H&M, HSBC, PVH, Stella McCartney, et autres parties prenantes majeures afin de stimuler massivement la collaboration et l’innovation dans toute l’économie textile et ainsi réduire les déchets et la pollution. A titre d’exemple, un effort parrainé par cette initiative, le projet The Jeans Redesign, collabore avec les marques, les fabricants et les usines de tissus pour lancer des produits en jean renouvelables.36

Collaborative : Mars Incorporated identifie de nouveaux accès au marché via une solution d’innovation collaborative pour la gestion de son modèle économique. L’entreprise de biens de consommation Mars Incorporated a amélioré son accès au marché en pilotant une approche collaborative hybride pour travailler aux côtés de microentrepreneurs et nouer des partenariats avec des citoyens. Lancée en 2013, « Maua », l’initiative EoM de Mars, a impliqué plus de 1 000 microentrepreneurs dans des zones urbaines et rurales défavorisées et difficiles à atteindre par les canaux classique dans la distribution et la vente des produits Mars.37 Elle représente la première application pratique du modèle économique « Economics of Mutuality » (Economie de la réciprocité, EoM) de l’entreprise pour l’innovation du management, qui soutient qu’une meilleure valeur économique et sociétale est créée simultanément—sans compromis et de manière modulable—lorsqu’une entreprise et ses parties prenantes profitent mutuellement des activités d’une entreprise.


ENTREPRISE RESPONSABLE

Régénération : le Fonds Danone pour l’écosystème teste de nouveaux modèles d’affaires dans l’agriculture régénérative. Le groupe alimentaire Danone teste actuellement des modèles d’affaires régénératifs axés sur l’avenir. Avec ses 100 millions d’euros, le Fonds Danone pour l’écosystème soutient des projets co-conçus par une filiale locale de Danone et un partenaire à but non lucratif. <sup>38</sup> Les projets sont organisés en fonction de quatre domaines correspondant aux principales activités de la chaîne de valeur de Danone : approvisionnement et bassins versants, pour les ressources hydriques durables et l’approvisionnement des principales matières premières ; la distribution pour créer de nouveaux canaux de distribution de produits ; les services de soins pour renforcer les connaissances et l’accès à la nutrition et aux services de santé ; et le recyclage pour renforcer l’économie circulaire.


Circulaire : IKEA lance un nouveau modèle de location pour renforcer les liens avec les plus jeunes. Illustration de la tendance grandissante du « produit en tant que service », la marque d’ameublement IKEA envisage de lancer la location de ses articles d’ameublement en 2019, en permettant à ses clients d’acquérir, de détenir et de céder plus durablement des produits IKEA. Aux Pays-Bas, IKEA permet aux étudiants de louer lit, bureau, table et chaises pour 30 euros par mois (près de 33,68 $). Un cadre dirigeant d’IKEA signale qu’« à l’avenir, notre réussite reposera sur notre capacité à repenser et améliorer notre modèle économique … et à devenir une entreprise plus abordable, accessible et durable. »39 Cette évolution d’IKEA, vers un modèle d’économie circulaire, se produit alors que de nombreux jeunes consommateurs disent vouloir minimiser leur impact environnemental, préférant louer des produits, de l’habillement jusqu’aux véhicules.40

 

VISION PÉRIPHÉRIQUE POUR UTILISER LES RESSOURCES DE L’ÉCOSYSTÈME

Les entreprises qui adoptent une vision périphérique pour identifier les risques et opportunités de leur activité future peuvent utiliser la vision interne pour déterminer les mesures à prendre afin d’accélérer cette évolution. Elles peuvent regarder autour d’elles pour soutenir leur transition durable et tirer un avantage concurrentiel en exploitant leur écosystème commercial au sens large. Cette stratégie débute par une prise de conscience : celle que les entreprises ne doivent pas nécessairement créer les capacités —connaissances, compétences et technologies—ou l’influence nécessaires pour leur transformation interne. Si ces capacités nécessaires sont disponibles auprès de tiers dans leur écosystème, les entreprises doivent chercher à échanger avec les partenaires d’écosystèmes et à les mobiliser pour soutenir leur propre transition vers la durabilité.

Pour les dirigeants, deux possibilités pour la vision périphérique : tout d’abord, utiliser les capacités des autres pour accélérer leur transformation en matière de durabilité, puis capitaliser sur leur influence afin de créer un environnement propice à leur entreprise ainsi transformée.

Certaines entreprises pourraient ne pas disposer des connaissances, compétences ou technologies nécessaires pour atteindre l’ampleur ou le rythme attendu de cette transformation. Plutôt que de les créer ou de les acquérir, les entreprises peuvent utiliser celles de tiers au sein de leur écosystème.41 La marque Nestlé s’est, par exemple, engagée à ce que 100 % de ses emballages soient recyclables ou réutilisables d’ici 2025.42 Sachant qu’elle n’atteindrait pas cet objectif seule, elle a ouvert l’Institut de recherche sur l’emballage en 2019 pour codévelopper et tester de nouveaux matériaux et systèmes d’emballage respectueux de l’environnement avec des fournisseurs, des organismes de recherche et des startups.43  Grâce à cette approche, Nestlé est dans la capacité d’exploiter les technologies et innovations de ses partenaires d’écosystème tout en partageant les frais financiers et en accélérant le rythme des innovations nécessaires au développement des emballages recyclables.

Les dirigeants peuvent également utiliser l’influence d’entreprises partageant les mêmes idées au sein de l’écosystème. Se servir de cette influence implique la mobilisation coordonnée de plusieurs entreprises.

Cette stratégie a pour avantage de permettre aux entreprises de définir efficacement les stratégies de leurs homologues, tout en soutenant la création d’un contexte commercial favorable qui permettra à leur propre activité de prospérer dans le futur.44
Voici un exemple concret : quatre entreprises agroalimentaires majeures —Mars Incorporated, Danone, Nestlé et Unilever— se sont réunies en 2018 pour créer la Sustainable Food Policy Alliance (SFPA), dans le but d’élaborer une réglementation relative à l’alimentation pour cinq domaines-clés : l’environne¬ment, la nutrition, la transparence vis-à-vis des consommateurs, les hommes et les communautés, et la sécurité alimentaire.45  L’initiative SFPA prévoit une évolution du secteur vers une économie plus circulaire ; une collaboration pour minimiser la production de déchets ; la conception d’emballages réutilisables, recyclables ou compostables ; et l’allongement de la durée de vie utile des matériaux et produits. Ces efforts soutiennent des modèles économiques innovants qui pourraient créer de la valeur pour les agriculteurs, les éleveurs, les consommateurs et d’autres parties prenantes. Cette approche basée sur l’écosystème permet à ces entreprises de répartir et donc de réduire les risques de marché en unissant leurs efforts pour faire évoluer les politiques autour de l’alimentation durable, accélérant ainsi la transition vers la durabilité à l’échelle des entreprises et du secteur.

 

L’heure est à la transformation

Il y a fort à parier que de nombreuses entreprises devront radicalement transformer leur modèle économique pour répondre aux évolutions du marché et à une demande plus forte de durabilité. Adopter une vision prospective, interne et périphérique peut permettre aux entreprises de comprendre que les pressions pesant sur la durabilité peuvent effectivement menacer leur activité actuelle mais qu’elles peuvent également offrir des opportunités pour leur avenir. 

Notes

1. Unilever, "A new beginning ..." accessed May 17, 2020.
2. Unilever, "Unilever CEO announcement: Paul Pol- man to retire; Alan Jope appointed as successor," press release, November 29, 2018.
3. Global Opportunity Explorer, "CEOs must be activists: Paul Polman," February 5, 2019.
4. Adapted from Stockholm Resilience Centre, "Contributions to Agenda 2030," accessed April 18, 2020; United Nations, "Sustainable develop¬ment goals," accessed April 23, 2020. The content of this publication has not been approved by the United Nations and does not reflect the views of the United Nations or its officials or Member States.
5. United Nations Climate Change, "Impacts of climate change on sustainable development goals highlighted at high-level political forum," July 19, 2019.
6. Sofia Sanchez Manzanaro, "COP25 in Madrid: UN Secretary-General Guterres says planet is 'close to a point of no return,'" Euronews, March 12, 2019.
7. Jon Hale, "10 sustainable investing stories of 2019," Morning Star, December 12, 2019.
8. UN News, "COP25: Global investors urge coun¬tries to meet climate action goals," December 9, 2019.
9. Larry Fink, "A fundamental reshaping of finance," BlackRock, accessed May 17, 2020.
10. Noton Rose Fulbright, "A new duty of care for the most significant companies in France," March 2017.
11. Stephane Hallegatte and Stephen Hammer, "Thinking ahead: For a sustainable recovery from COVID-19 (Coronavirus)," World Bank Blogs, March 30, 2020.
12. Deloitte, « The Deloitte Global Millennial Survey 2019 : Optimism, trust reach troubling low levels, » 2019.
13. Ibid.
14. Lucy Handley, « Fast-fashion retailers like Zara and H&M have a new threat: The $24 billion used clothes market, » CNBC, March 19, 2019.
15. Thomas Franck, « Alternative meat to become $140 billion industry in a decade, Barclays predicts, » CNBC, May 23, 2019.
16. Business Roundtable, « Business Roundtable redefines the purpose of a corporation to promote 'an economy that serves all Americans, » August 19, 2019.
17. Karen Weise, « Jeff Bezos commits $10 billion to address climate change, » New York Times, February 17, 2020.
18. Rose Marcario, « Our urgent gift to the planet, » LinkedIn, November 28, 2018.
19. Fink, « A fundamental reshaping of finance. »
20. Ibid.
21. Mark R. Kramer, « Larry Fink isn't going to read your sustainability report, » Harvard Business Review, January 20, 2020.
22. Leslie P. Norton, "CEO Larry Fink sounds cau¬tiously optimistic note in letter to BlackRock shareholders," Barron's, March 30, 2020.
23. European CEO, "Unilever CEO Paul Polman is redefining sustainable business," April 15, 2016.
24. Matthew Taylor, Jonathan Watts, and John Bartlett, "Climate crisis: 6 million people join latest wave of global protests," Guardian, September 27, 2019.
25. Climate Action 100+, "Global investors driving business transition," accessed May 18, 2020.
26. Goldman Sachs, "Sustainable finance at Goldman Sachs," accessed May 18, 2020.
27. Taylor Kuykendall, Ashleigh Cotting, and Declan Harty, "Investment giant BlackRock marks a major milestone in coal divestment movement," S&P Global, January 22, 2020.
28. United Nations Environment Programme, "A decade of renewable energy investment, led by solar, tops USD 2.5 trillion," press release, September 5, 2019.
29. 0rsted, "The most sustainable company in the world," accessed May 18, 2020.
30. John Hagel and John Seely Brown, Zoom out/zoom in: An alternative approach to strategy in a world that defies prediction, Deloitte Insights, May 16, 2018.
31. Shell Global, "Sky scenario," accessed May 18, 2020.
32. Volkswagen, "Volkswagen plans 22 million electric vehicles in ten years," March 12, 2019.
33. AtSource, "What is AtSource?," accessed May 18, 2020.
34. LinkedIn, "LinkedIn portraits of purpose compa¬nies: Patagonia," accessed May 18, 2020.
35. C. J. Mittica, "Patagonia shifts corporate sales strategy," Advertising Specialty Institute, April 3, 2019.
36. Ellen MacArthur Foundation, "The jeans redesign," accessed May 18, 2020.
37. Economics of Mutuality, "Kenyan president expresses support for Project Maua," May 2018.
38. Danone, "Danone ecosystem fund," accessed May 18, 2020.
39. IKEA, "IKEA will test furniture leasing in 30 mar¬kets during 2020," press release, March 4, 2019.
40. Katherine White, David J. Hardisty, and Rishad Habib, "The elusive green consumer," Harvard Business Review, July-August 2019.
41. John Hagel III, "Leveraged growth: Expanding sales without sacrificing profits," Harvard Business Review, October 2002.
42. Nestle, "What is Nestle doing to tackle plastic packaging waste?," accessed May 18, 2020.
43. Nestle, "Nestle inaugurates packaging research institute, first-of-its-kind in the food industry," press release, September 12, 2019.
44. Deloitte, "Shaping strategies," 2014.
45. Sustainable Food Policy Alliance, "Environment," accessed May 18, 2020.