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Point de vue

Le sens est-il l’Alpha et l’Oméga du Futur du travail ?

L’importance du sens dans le monde du travail !

La quête de sens est une préoccupation qui prend de plus en plus d’espace dans le monde du travail, pour les salariés, les managers, et les entreprises. Tout le monde s’y met. Mais de quel sens parle-t-on ? Ce mot polysémique n’est-il pas en train de devenir un mot globalisant, que chacun peut saisir et comprendre, mais sur lequel personne ne s’entend ?

Dans le monde du travail, il peut être utile de décomposer ce mot, pour pouvoir ensuite l’approcher de manière plus simple, plus accessible, plus séquencée. On peut par exemple distinguer quatre niveaux de sens !

L’institution est cet ensemble à même de stabiliser les rapports sociaux. Elle instaure des règlements, partage ses valeurs. Elle cultive une dimension historique forte, malgré ses transformations. Elle se transmet aux générations successives, traverse le temps par le biais de structures organisationnelles singulières. Lié à sa nature, le sens institutionnel relève du « pour quoi », pour quelles finalités.

Dans l’entreprise, il vient de la gouvernance, fait référence aux axes stratégiques. Il imprègne, par conséquent, les actes de travail des collectifs et des salariés.

L’organisation est la partie visible et fonctionnelle de l’institution, sa modalité concrète. Elle s’incarne par la coopération, entre les équipes et entre les collaborateurs. Elle est tournée vers la réalisation de mêmes objectifs.

Le sens organisationnel est alors celui qui relève du « comment », c’est le sens porté dans l’organisation du travail au quotidien. Ce sens se construit principalement dans l’adéquation entre les finalités et les moyens mis à la disposition des salariés.

Le sens collectif est celui que les équipes de travail, un site de production, un établissement, un département construisent et ajustent au quotidien, au contact du travail, au contact des difficultés et des succès, en fonction de leurs histoires et de leurs trajectoires.

Chacun le façonne aux détours de ses propres trajectoires (personnelle, sociale ou encore professionnelle). Le sens individuel est un processus qui revêt une part d’intimité. Il est ainsi difficilement accessible à l’organisation et au management.

Ce sens individuel oscille entre signification, orientation et cohérence, il est fragile. Il peut s’échapper en une seconde dans un espace où émerge, par exemple, un conflit de valeur. Il peut transcender comme annihiler toutes capacités à agir ou à penser. Il puise sa force dans l’articulation des autres sens. Ce sens individuel est celui qui a un impact direct sur la productivité et sur l’engagement.

L’entreprise pourrait tout à fait enjoindre ses salariés à trouver dans leur travail leur propre sens individuel. Toutefois, charge à elle de veiller à ce que ses propositions du sens institutionnel et du sens organisationnel soient cohérentes.

Si des contradictions s’invitent entre les finalités et les moyens, alors cette demande deviendra paradoxale, et elle aura un impact exactement inverse à celui souhaité.

Le sens ne se donne pas. Il n’est ni un cadeau, ni une « trouvaille », ni une pratique managériale, ni une récompense, encore moins une compétence. Il se construit jour après jour, dans une négociation permanente où chacun est à la fois acteur et témoin.

Le plus grand défi des organisations et des institutions réside peut-être dans le fait de proposer, dans un monde de plus en plus complexe, les éléments constitutifs du sens.

Il n’est pas certain que les parties prenantes s’en emparent toujours en retour. Mais le fait d’essayer, individuellement et collectivement, les accompagnera dans leurs phases d’apprentissage, dans les périodes d’échecs comme de réussites, et participera à des rapports sociaux de qualité.

Il est utopique de penser que tout devrait avoir un sens, en permanence. L’Histoire nous montre combien l’insensé fait aussi partie de notre monde, et combien il faudrait peut-être accepter une dimension cyclique du sens. Les jeunes générations qui viennent rejoindre les salariés dans le monde du travail ont une exigence particulière sur cette quête mais ils ne sont pas seuls, et c’est sans doute un mouvement sociétal plus large auquel nous assistons.

Comptons sur elles ces générations pour construire et trouver un équilibre qui ne soit ni une injonction à un monde du « plein sens », ni un monde vide de sens. La réalité s’invite dans cette quête en y imposant de nombreuses nuances nécessaires dans un monde plus volatil et changeant. Au travers de tous ces bouleversements du Futur du Travail, il convient à tous de maintenir cette cohérence entre les quatre dimensions du Sens.

Article écrit en collaboration avec Charlotte Buisson.