Point de vue

M&A et dialogue social

Bien que les M&A tendent à devenir un instrument coutumier de création de valeur pour les directions générales et les actionnaires, les fusions-acquisitions sont des événements extraordinaires dans la vie d’une organisation. Du côté de l’acheteur, comme du vendeur, quelle que soit la stratégie de transaction, l’opération génère immanquablement des bouleversements dans les relations avec les parties prenantes, tant au sein des entreprises et de leurs acteurs qu’au niveau de leur écosystème commercial et administratif.

Co-rédigé avec Christian Barthelemy, Directeur Capital Humain, stratégie sociale/M&A

Les RH peuvent faire la différence dans le M&A

L’étude Deloitte M&A Trends « Year-end Report 2016 » a démontré que 60% des échecs sont liés à l’insuffisante prise en compte des facteurs humains, voire sa non prise en compte. C’est un fait que la majorité des projets de M&A se concentre d’abord sur l’aspect financier de l’opération. Ceci est certes indispensable pour réussir la transaction, mais demeure insuffisant pour répondre aux préoccupations légitimes des salariés : quelle est la vision pour la Newco ? Quelle sera l'organisation et qui sera mon chef ? Vais-je devoir déménager ? Quelle est la pérennité de l'emploi dans mon métier ? Comment vont être traités les doublons ?

Apporter des réponses à ces questions est un facteur clé de succès. En ce sens, se projeter au-delà des seules prescriptions légales pour intégrer les enjeux humains, opérationnels et sociaux permet de soutenir la réussite de l’opération.

Exploiter la dynamique RH et sociale générée par une opération de M&A pour catalyser la transformation durant l’intégration

Si l'on admet que la majorité des opérations de M&A qui échouent doit cet échec à des facteurs humains, il faut savamment articuler le volet RH et social avec la dimension stratégique et industrielle sous-tendue par l’opération. Quelques bonnes pratiques, issues de nos expériences, nous semblent essentielles à cet effet :

  • Communiquer sur une vision, une projection de la stratégie de l’entreprise à 3 à 5 ans.
  • Il est souvent préférable (quand cela est possible) de présenter le projet comme une fusion entre égaux. Légalement les procédures se déroulent en parallèle dans les deux entités sans porosité. Cependant, rien n'interdit, bien au contraire, de mettre en œuvre une certaine porosité des procédures.
  • Mettre en place un groupe projet pendant la phase d'information-consultation avec une organisation projet qui préfigure ce que sera la future organisation de la Newco, et présenter cette organisation projet aux représentants du personnel.
  • Faire en sorte que chaque stream leader de l'organisation projet vienne présenter et discuter son projet détaillé d'organisation pour le futur de sa fonction devant les représentants du personnel (soit des deux entités soit devant un corps constitué ad hoc mixant les représentants des deux entités).
  • Nommer un représentant permanent de chaque entité dans l'autre entité pour répondre en temps réel aux interrogations des uns et des autres y compris les représentants du personnel. Ceci est un enjeu fort en ce que la crainte souvent observée est de ne pas avoir l'opportunité d'exprimer son point de vue.
  • Tâcher de caler les calendriers d'information-consultation sur des dates et horaires identiques.
  • Faire en sorte que le patron de chacune des deux entités soit présent devant les représentants du personnel de l'autre entité en CSE lors des séances d'information-consultation (a minima lors de la seconde réunion de procédure).
  • Être parfaitement transparent sur les doublons et leur traitement social. Si des suppressions d'emplois sont nécessaires, mieux vaut dès le départ reconnaître les conséquences sociales et proposer des premières pistes de solution : ne rien dire décrédibilise la parole de l’actionnaire, vis-à-vis des acteurs comme des parties prenantes externes ; la défiance constitue le pire point de départ d’une telle opération. A contrario, le soutien des salariés à un projet est un atout, en particulier dans le cadre d'un processus concurrentiel et lors d'opérations distressed, où les tribunaux sont très attentifs à l'avis des représentants du personnel.
     

Structurer le volet RH et social dès la phase de due diligence pour préparer le Day 0, et entamer les discussions avec les équipes managériales et les représentants du personnel sur le Day 1, est un facteur clé de succès pour une bonne intégration post-deal.