Il semble que le programme de subventions salariales de 75 % du gouvernement fédéral pourrait être ajusté pour que davantage d’entreprises y soient admissibles. Au départ, le critère d’admissibilité était une baisse de revenus de 30 % d’un exercice à l’autre. Toutefois, le Globe & Mail rapporte l’existence d’un avant-projet de loi qui viendrait élargir le programme pour permettre aux organisations d’utiliser janvier et février comme élément de référence pour la baisse des revenus. Selon moi, cela est logique puisque certaines entreprises ont connu une forte baisse de revenus dès le début de la pandémie, entraînant ainsi un ralentissement à l’échelle mondiale.
Lorsque je pense à la possibilité que nationalisme et protectionnisme puissent refaire surface dans l’après-COVID-19, l’économiste que je suis s’inquiète un peu. Que l’on repense les chaînes d’approvisionnement au lendemain de la crise, cela est inévitable, selon moi. Ces dernières années, en effet, plusieurs entreprises ont dû remplacer certains maillages de leur réseau mondial en raison du protectionnisme des États-Unis. Au Canada, la pandémie et la perturbation des échanges commerciaux ont aussi mis en évidence la fragilité de la chaîne d’approvisionnement du pays. Force est d’admettre que certains changements vont de soi.
Devant la menace que certaines fournitures médicales essentielles ne puissent pas traverser librement les frontières, les observateurs sont de plus en plus nombreux à croire que plusieurs pays devraient revoir leur façon de s’approvisionner en biens de première importance. Selon le chef de la direction de RBC, par exemple, les gouvernements, les leaders du monde des affaires et les institutions du Canada doivent réfléchir à ce qui devra être fait pour que le pays se dote de chaînes d’approvisionnement résilientes et qu’il les protège. De son côté, le premier ministre du Québec a indiqué lundi que son gouvernement avait commencé à dresser des plans pour que la province soit plus autonome en ce qui concerne l’équipement médical et les produits alimentaires. Il a exprimé le souhait qu’une plus grande part de l’équipement médical, des médicaments et d’autres biens médicaux utilisés au Québec soit fabriquée localement afin que la population ait accès au nécessaire si jamais une autre crise venait à se produire.
Soyons clairs, je conviens que le Canada peut souhaiter garantir son accès à des biens et services essentiels. C’est tout à fait compréhensible, mais il ne faudrait pas que ce désir d’autonomie se généralise, finisse par englober un vaste éventail de biens ou de secteurs, et qu’il se transforme en mouvement de démantèlement des chaînes d’approvisionnement mondiales, puis de démondialisation.
L’économie mondiale, ses entreprises et ses gens ont grandement bénéficié de chaînes d’approvisionnement mondiales qui ont augmenté l’efficience et la productivité, et fait baisser les prix. La mondialisation a sans doute entraîné une plus grande inégalité, mais il ne faudrait pas tenter de régler ce problème au moyen de la démondialisation. Il sera important de surveiller ce risque, car le protectionnisme et le nationalisme pourraient nuire à la reprise économique canadienne. D’ailleurs, le protectionnisme avait été un élément clé de la Grande Dépression.
Par ailleurs, pour ce qui est des emplois, 3,18 millions de Canadiens ont demandé des prestations d’assurance emploi ou la Prestation canadienne d’urgence depuis le 16 mars dernier. Au moins 795 000 Canadiens se sont inscrits à la Prestation canadienne d’urgence ce lundi, soit le jour du lancement du programme. Statistique Canada publiera jeudi l’Enquête sur la population active, et les manchettes seront désastreuses. L’enquête a été menée entre le 15 et le 21 mars dernier. Elle ne pourra donc pas montrer toutes les répercussions des pertes d’emploi, mais je ne serais pas surpris que le rapport fasse mention d’une nouvelle perte nette de quelque 600 000 emplois.
Parmi d’autres mises à jour importantes : l’Alberta fait passer la durée maximale d’une mise à pied temporaire de 60 à 120 jours pour s’assurer que les employés qui sont mis à pied pourront conserver un lien à leur emploi plus longtemps. Ce changement est rétroactif pour toute mise à pied temporaire liée à la COVID-19 qui s’est produite le ou après le 17 mars. Le gouvernement de l’Ontario reporte aussi le paiement de 15 millions de dollars en impôt foncier pour les personnes et les entreprises de territoires du nord de l’Ontario situés à l’extérieur des limites municipales.