À un moment où les événements économiques dramatiques et inédits se succèdent, la chute des prix du pétrole d’aujourd’hui passera à son tour à l’histoire. Le prix du contrat à terme du pétrole brut du West Texas Intermediate qui sera livré en mai est devenu négatif, plongeant à -37,63 $ US.
Ce phénomène s’explique par le fait que, même si une certaine activité économique persiste, la demande de produits et services non essentiels s’est effondrée, provoquant la baisse des prix du pétrole. Comme nous l’avons indiqué la semaine dernière, la réduction de production de 9,7 millions de barils par jour par l’OPEP et d’autres pays qui coordonnent leur offre avec le cartel ne sera pas suffisante pour freiner l’augmentation des stocks nord-américains. Les réserves de pétrole brut à Cushing, où l’on trouve la plupart des stocks de pétrole brut WTI, ont augmenté de 48 % depuis février.
Les prix du pétrole qui sera livré en mai sont devenus négatifs pour la simple et bonne raison qu’il n’y a pas de demande. En revanche, les prix du contrat à terme du pétrole qui doit être livré en juin demeurent en territoire positif, ayant clôturé la journée à un cours de 20,43 $ US par baril. Cela signifie que les marchés ne veulent plus de pétrole en mai, mais qu’ils s’attendent à une certaine reprise de l’activité économique en juin.
Le secteur canadien de l’énergie se retrouve dans une situation désastreuse. La volatilité des prix du pétrole brut et la faiblesse des prix en vigueur créent des défis sans précédent. Cela entraîne une réduction considérable des dépenses d’investissement, d’importantes pertes d’emploi et une diminution de la production, comme en témoignent les innombrables communiqués publiés dernièrement par des entreprises.
La politique budgétaire mise en place au Canada en réaction à la COVID‑19 prévoit des mesures qui aideront le secteur de l’énergie, telles que les subventions salariales, l’accès à un financement supplémentaire, de faibles taux d’intérêt, et un nouveau programme fédéral de 2,4 milliards de dollars destiné au nettoyage de puits abandonnés et au colmatage des fuites de méthane (un programme qui a été annoncé pas plus tard que la semaine dernière).
Quoi qu’il en soit, à ce moment-ci, l’aide accordée n’est pas du tout à la hauteur des difficultés financières éprouvées par les producteurs de pétrole et de gaz. Fait à noter, le secteur de l’énergie joue un rôle de premier plan dans l’économie canadienne et est concentré dans certaines régions, ce qui exerce des pressions sur les provinces riches en énergie. Durant la pandémie et le choc pétrolier, on s’attend à ce que les provinces de l’Alberta, de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Saskatchewan s’en tirent moins bien que l’économie nationale (qui, selon nos prévisions, devrait connaître une contraction de près de 10 % en 2020). Par ailleurs, malgré l’assouplissement des mesures de confinement et l’amélioration de l’activité économique, le secteur de l’énergie continuera de composer avec des stocks excédentaires qui freineront sa relance.
En ce qui a trait au secteur de l’immobilier, les prix des habitations au Canada augmentaient à un rythme soutenu avant l’interruption de l’activité économique non essentielle en mars. L’indice composé du prix des maisons Teranet-Banque Nationale a augmenté de 0,6 % le mois dernier et était en hausse de 3,8 % sur 12 mois, mais cette vigueur du marché subira inévitablement les contrecoups de l’arrêt complet de l’activité économique.
L’une des questions clés est de savoir comment se porteront les prix des habitations au cours des prochains mois. Pendant le confinement, les inscriptions et les ventes diminueront, et peu de transactions seront réalisées. Puis, lorsque les mesures de confinement seront assouplies, l’activité immobilière s’accélérera, mais elle sera néanmoins soumise aux répercussions économiques découlant de la diminution du revenu des ménages et de la hausse du chômage. Cela dit, comme le virus demeurera en circulation jusqu’à l’arrivée d’un vaccin, le nombre de nouvelles inscriptions pourrait demeurer faible. Par conséquent, la combinaison d’une moindre demande et d’une offre limitée pourrait atténuer les effets de la récession actuelle sur les prix des habitations. Il reste à savoir si l’offre pourrait s’accroître au sein du marché, alors que certains investisseurs vendent des propriétés dont le but était de générer des revenus de location (par exemple, les propriétés à louer sur Airbnb). Tout compte fait, il y a de fortes chances que les prix des maisons reculent d’au moins 5 à 10 %. Par contre, un facteur clé ralentira cette chute : le niveau extrêmement faible des taux d’intérêt en vigueur.
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