Points de vue
L’optimisme net chute au Canada alors qu’il bondit aux É.-U. : T1 de 2015
Les É.-U. moteurs de l’économie mondiale
Notre sondage CFO Signals pour la période T1 2015 révèle que les ventes et bénéfices prévus chutent au Canada et haussent aux É.-U. L’apparente vigueur de l’économie américaine est perçue comme un moteur économique mondial pour l’année à venir. Pour en savoir plus, lisez le rapport.
Par William A. Cunningham, associé, Deloitte
La plus récente enquête trimestrielle CFO Signals réalisée par Deloitte auprès de chefs des finances en Amérique du Nord dresse le portrait de deux pays qui entrevoient de façon divergente l’évolution de leurs entreprises au cours des 12 prochains mois, de deux continents dont les perspectives économiques sont très différentes et de deux types d’entreprise dont la structure de propriété influe sur la façon dont les chefs des finances exercent leur travail et sur les pressions qui pèsent sur leurs entreprises.
Au Canada, les données économiques sont pour le moins décevantes. Selon les chefs des finances canadiens, la croissance prévue des ventes et des bénéfices pour l’année qui vient est à son plus bas depuis presque quatre ans, celle des dépenses en immobilisations, de ‑3,3 %, est à son deuxième niveau le plus bas depuis plus de trois ans, et les prévisions d’embauche au pays ont atteint un creux par rapport à la même période il y a un an. En revanche, les prévisions d’embauche à l’étranger sont en hausse pour un troisième trimestre de suite et atteignent un sommet inégalé au cours des trois dernières années, car un plus grand nombre d’entreprises envisagent de délocaliser une grande partie de leurs activités en raison des tendances économiques plus lourdes.
La situation est complètement différente au sud de la frontière. Les chefs des finances américains prévoient une croissance des ventes de 6,1 %, soit trois fois le taux prévu par les chefs des finances canadiens, et une croissance des bénéfices de plus de 12 %, soit presque quatre fois le taux prévu au Canada. Les chefs des finances américains prévoient accroître de plus de 5 % leurs dépenses en immobilisations, et leurs prévisions d’embauche au pays sont à leur plus haut niveau depuis près de quatre ans.
Il est donc facile de comprendre pourquoi l’optimisme net – c’est-à-dire la différence entre la proportion de chefs des finances qui sont plus optimistes à l’égard de leur entreprise et celle de chefs des finances qui sont moins optimistes – des chefs des finances canadiens a chuté considérablement au premier trimestre de 2015 alors que l’optimisme net de leurs homologues américains se situe à son deuxième plus haut niveau en près de quatre ans. Les facteurs probables à l’origine de ces divergences d’opinions sont tout aussi faciles à cerner, à commencer par la chute du prix du pétrole. Le baril de pétrole, qui valait plus de 79 $ lors de notre enquête CFO Signals précédente en novembre 2014, est passé sous la barre des 50 $ en février 2015, date de notre dernière enquête. Ce recul est une bonne nouvelle pour l’économie américaine, mais une moins bonne chez nous.
Parmi les autres changements survenus depuis la dernière enquête CFO Signals, mentionnons le ralentissement de l’économie chinoise et la récession ou la quasi-récession au Japon et en Russie. Il en résulte un affaiblissement de la demande de nombreux produits de base qui soutiennent l’économie canadienne pendant que le dollar américain (monnaie dans laquelle sont libellés bon nombre de ces produits de base) s’apprécie sensiblement.
Compte tenu de toutes ces mauvaises nouvelles, on pourrait imaginer que les chefs des finances canadiens n’afficheraient pas un optimisme net, mais c’est le cas, quoiqu’à un niveau inférieur à la normale. Cela tient dans une large mesure à la vigueur perçue de l’économie américaine et à sa capacité de remettre l’économie mondiale sur les rails, même si l’Europe continue de s’enfoncer, de l’avis des chefs des finances. En Amérique du Nord, 59 % des chefs des finances estiment que l’économie nord-américaine se porte bien, voire très bien, tandis que près de 80 % jugent que l’économie européenne va mal. La majorité d’entre eux affirment que leur entreprise effectue, pour cette raison, au moins un changement dans leurs priorités régionales; 40 % prévoient accroître leurs activités en Amérique du Nord tandis que 28 % prévoient réduire celles en Europe. Même si les perceptions de l’économie chinoise n’ont jamais été aussi négatives depuis les débuts de l’enquête, les chefs des finances qui disent que leur entreprise intensifiera ses activités en Chine sont plus nombreux que ceux qui envisagent de les réduire, et plus de 25 % des entreprises sondées prévoient accroître leur capacité opérationnelle dans ce pays.
C’est ce genre de données que CFO Signals recueille depuis cinq ans auprès des chefs des finances nord-américains. Nous avons constitué avec le temps une précieuse base de données qui nous permet d’effectuer des analyses trimestrielles et de cerner les tendances qui se dégagent à long terme. De plus, chaque trimestre, nous demandons aux chefs des finances leur opinion sur un sujet spécial afin de mettre leurs connaissances et leur expertise au service d’autres entreprises qui font face à des problèmes similaires.
Lors de notre dernière enquête, nous nous sommes interrogés sur la façon dont les entreprises appartenant à des intérêts privés et celles inscrites en Bourse abordaient les relations avec les investisseurs, et nous avons demandé aux chefs des finances de sociétés fermées quels étaient les inconvénients de leur structure de propriété et s’ils envisageaient d’inscrire leur entreprise en Bourse. Nous avons obtenu des résultats quelque peu étonnants.
Il est généralement admis que les sociétés fermées sont avantagées du fait qu’elles peuvent avoir une vision à plus long terme et que les exigences de conformité auxquelles elles sont assujetties sont moins nombreuses, ce que confirme notre enquête. Par ailleurs, il est généralement admis que les sociétés fermées sont désavantagées par l’éventail limité des options de financement à leur disposition, ce qui réduit les possibilités de croissance, mais notre enquête a démontré que relativement peu de chefs des finances de sociétés fermées se plaignent de cette situation. De fait, la grande majorité d’entre eux ne croient pas que leur entreprise ait été désavantagée ces dernières années du seul fait qu’elle appartient à des intérêts privés, et près de 80 % d’entre eux ont déclaré qu’ils envisagent rarement ou jamais d’autres formes de propriété privée ou d’inscrire leur entreprise en Bourse.
Bien entendu, les sociétés fermées n’ont pas à se préoccuper de l’activisme des investisseurs, ce qui est de plus en plus le cas des sociétés ouvertes. Plus de 60 % des chefs des finances de sociétés ouvertes disent que les actionnaires activistes ont communiqué directement avec la direction de leur entreprise et plus de 25 % l’ont fait au moyen d’une lettre au conseil d’administration. Environ la moitié d’entre eux affirment que leur entreprise a pris au moins une décision importante à la suite de l’activisme des actionnaires, les rachats d’actions arrivant en tête de liste, suivis des changements au sein du conseil d’administration ou de la direction.
Même si notre enquête a révélé des différences dans la façon dont les chefs des finances analysent, prennent des décisions et communiquent les renseignements sur leur entreprise, elle a également permis de constater que les priorités opérationnelles des sociétés fermées ne sont pas très différentes de celles des sociétés ouvertes, ce qui explique sans doute pourquoi l’optimisme affiché par les chefs des finances des deux types d’entreprise ne présente pas de nettes différences. Ouvertes ou fermées, les sociétés continuent d’afficher un optimisme net positif.
L’optimisme net sera-t-il encore positif lors de notre prochaine enquête en mai? Tout dépendra des facteurs qui ont influé sur les résultats du présent trimestre, notamment les prix de l’énergie, les taux de change, les préoccupations liées aux produits de base et, peut-être le plus important, l’opinion des chefs des finances sur l’état de l’économie mondiale.
Les opinions des chefs des finances qui ont participé à notre enquête depuis cinq ans se sont révélées être de bons indicateurs avancés de ce qui nous attend sur le plan économique. Voilà pourquoi CFO Signals constitue un outil important pour quiconque s’intéresse à l’évolution de l’économie au Canada et en Amérique du Nord au cours des 12 prochains mois.