Colonisation Traités Changements climatiques

Toujours des promesses

Le Canada peut-il respecter ses engagements de réconciliation et d’action pour le climat? Pour le déterminer, nous avons discuté avec Jason Rasevych, associé et leader national des Services aux clients autochtones

Décembre 2020 – Le gouvernement du Canada publie un nouveau plan climatique amélioré, intitulé Un environnement sain et une économie saine, qui établit un cadre pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2030. 

Juin 2021 – Le projet de loi C-15, Loi concernant la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones⁠, reçoit la sanction royale. Cela signifie essentiellement que les lois canadiennes s’aligneront sur la déclaration de l’ONU, qui établit une norme minimale pour la survie, la dignité et le bien-être des peuples autochtones, et couvre des questions telles que l’autodétermination et les droits à l’égard de leurs terres traditionnelles.

 

Deux moments dans le temps. Deux engagements solennels qui auront une incidence importante sur l’avenir de notre pays. 

Beaucoup de Canadiens ne se rendent cependant pas compte qu’avant de tenir ces deux promesses, nous devons d’abord reconnaître l’intersection unique qui existe entre la réconciliation avec les Autochtones et l’action pour le climat. Et c’est justement ce que fait le rapport de Deloitte, intitulé Promesses, promesses : respecter les engagements climatiques du Canada et la réconciliation avec les Autochtones.

Jason Rasevych, associé et leader national des Services aux Autochtones, nous aide à comprendre et à explorer pourquoi l’avancement de la réconciliation constitue, pour le Canada, une excellente occasion de s’attaquer en même temps aux changements climatiques. 

Question : Pourquoi la réconciliation avec les Autochtones et les changements climatiques sont-ils intrinsèquement liés?

Jason : Les membres des Premières Nations, des Métis et des Inuits vivent sur l’Île de la Tortue depuis des temps immémoriaux. Comme les Autochtones en sont les premiers habitants et les premiers peuples, nous avons la responsabilité ancestrale et inhérente de protéger ce territoire. Nous avons une relation intime, spirituelle et culturelle avec la terre, l’air, l’eau et les personnes qui y habitent.

Les peuples autochtones possèdent un savoir traditionnel et une sagesse culturelle. Nous avons géré les terres et les ressources dans une optique qui considère les générations futures, la nature, les humains et les économies comme étant un tout. La réconciliation et les changements climatiques sont liés parce que le consentement éclairé des peuples autochtones et une acceptabilité sociale seront nécessaires pour l’approbation de la mise en valeur des richesses naturelles (pétrole et gaz, foresterie, exploitation minière), du développement d’infrastructures sur des territoires traditionnels et du développement des énergies renouvelables.

Q : Que se passera-t-il demain si nous n’agissons pas aujourd’hui? 

J : Le réchauffement climatique va empirer, les catastrophes naturelles vont évoluer et les terres et les ressources vont rapidement être détruites. Les peuples autochtones seront les premiers à ressentir les effets des changements climatiques et ils seront plus durement touchés, car beaucoup continuent de dépendre étroitement de ce que fournit la terre pour se nourrir et s’abriter, et pour maintenir leur culture et leur spiritualité.

« Chacun de nous a un rôle à jouer dans l’atteinte de nos objectifs de carboneutralité. »

Q : En préparant ce rapport, avez-vous trouvé quelque chose de particulièrement surprenant dont les lecteurs devraient être au courant?

J : Il existe un large éventail de perspectives, mais chacun d’entre nous a un rôle à jouer dans l’atteinte de nos objectifs de carboneutralité. Beaucoup de solutions et d’outils climatiques s’inspirant de la nature peuvent être utilisés, et nous devons tous aller dans la même direction. La diversité dans de nombreux conseils d’administration n’est pas suffisante pour comprendre les aspects autochtones des principes ESG.

Le principal défi relatif aux cadres de présentation de l’information des facteurs ESG est qu’ils ne respectent pas les exigences de divulgation des sociétés envers leurs actionnaires, leurs investisseurs et leurs organismes de réglementation à l’égard de leurs relations avec les autochtones. L’importance des aspects autochtones ne se limite pas à l’aspect social des facteurs ESG. Ces facteurs sont intégrés à tous les aspects autochtones, ces derniers ayant un rôle inhérent à jouer en tant que gardiens du territoire et en raison de leur lien sacré et spirituel avec celui-ci. Nous devons en faire plus pour favoriser l’éducation au sein des conseils d’administration, décoloniser leur mentalité et comprendre les points de vue autochtones pour orienter les valeurs et les décisions qui ont une incidence sur les terres et les ressources des peuples autochtones.

« Les leaders sectoriels prennent des décisions fondées sur une analyse de rentabilité et des évaluations des répercussions réglementaires et environnementales. Cependant, ils négligent souvent de tenir compte des effets cumulatifs ou à long terme du développement. »

Q : Pouvez-vous donner un exemple concret qui met en lumière ce type d’action? Comment réagissent certaines communautés touchées?

J : Le projet de la forêt pluviale de Great Bear, en Colombie-Britannique, où les Premières Nations côtières participent à la compensation des émissions de carbone, est un excellent exemple de solutions climatiques fondées sur la nature. Ce projet aide les Premières Nations à contribuer à l’atténuation des changements climatiques grâce à une entente de partage des bénéfices atmosphériques avec le gouvernement de la Colombie-Britannique.

Il s’agit d’une nouvelle voie pour ces communautés souhaitant participer à la gestion adaptative des forêts et à la création d’un système pour réinvestir dans la surveillance et la supervision de l’environnement, et protéger la biodiversité, leurs valeurs culturelles et leurs pratiques ancestrales.

Q : Le rapport aborde brièvement le principe de la septième génération. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce courant de pensée et sur la façon dont il pourrait aider les secteurs canadiens à prendre des décisions qui ont une incidence négative sur le climat?

J : Ce concept consiste à protéger la terre, l’eau, l’air, la faune et l’écosystème en réfléchissant aux répercussions de nos décisions sur les sept prochaines générations. De nombreux leaders sectoriels prennent des décisions fondées sur une analyse de rentabilité et la recherche de profits. Les évaluations des répercussions réglementaires et environnementales négligent souvent de tenir compte des effets cumulatifs ou à long terme du développement. L’intégration d’une vision à long terme et des connaissances ancestrales des peuples autochtones dans les processus décisionnels les aideront à tenir compte des répercussions à court, à moyen et à long terme. La pensée générationnelle contribuera grandement à limiter notre empreinte sur la Terre mère.

Q : Le rapport indique clairement que la promotion de la réconciliation et la réduction des changements climatiques doivent se faire en tandem. Si je suis un dirigeant d’entreprise canadien, par quoi dois-je commencer pour atteindre ces deux objectifs?

J : L’éducation et la sensibilisation aux peuples autochtones, aux communautés, aux traditions, à la culture, aux coutumes, à l’histoire et à l’héritage seront essentielles. Il faudra élaborer des stratégies pour que l’entreprise et les gens puissent en savoir plus sur la Commission de vérité et réconciliation : appels à l’action, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, la politique du système des pensionnats, la Loi sur les Indiens, les répercussions du colonialisme, les traités ainsi que la sensibilisation aux réalités culturelles et les préjugés. Nous sommes tous visés par les traités et nous avons tous un rôle à jouer.

Q : Qu’est-ce qui rend la collaboration avec Deloitte unique dans le contexte de la réconciliation et de l’action pour le climat?

J : Comme toutes les organisations, Deloitte a amorcé un parcours. Nous tentons d’avoir une incidence dans les deux domaines — l’action pour le climat et la réconciliation — puisqu’ils sont alignés et non partisans. Ces deux enjeux sont importants pour notre réseau, nos clients, nos fournisseurs et nos employés. Nous nous considérons comme des intégrateurs et nous aidons le gouvernement, les peuples autochtones et les entreprises du Canada à faire progresser la prise de décisions sur ces questions clés.

Q : Quels sont les domaines d’investissement et d’innovation qui pourraient le plus intéresser les organisations?

 

J : Il y en a beaucoup : la comptabilisation de la compensation des émissions de carbone, la décarbonation des secteurs, le développement d’infrastructures d’énergie propre, le développement de carburant durable, la planification du développement durable, l’établissement d’objectifs de relations avec les Autochtones et de prise en compte des facteurs ESG, et le développement d’énergies renouvelables.

Q : Quel est, d’après vous, le point le plus important à retenir de ce rapport?

J : Unir nos efforts pour prendre des mesures durables est la voie à suivre. Cela nécessitera 1 000 tasses de thé, un concept que j’ai appris des anciens des Premières Nations. Les 1 000 tasses de thé représentent le temps que les entreprises doivent consacrer à la discussion et à la collaboration avec les communautés autochtones pour établir des relations solides et durables. Nous devons commencer maintenant.

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