Perspectives

Comment se préparer à un ALENA affaibli

Cinq questions que tout chef d’entreprise canadien devrait se poser

Nous, qui sommes au Canada, suivons avec appréhension les rebondissements des négociations de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), dont les résultats pourraient avoir une portée considérable sur l’économie canadienne et la place du Canada sur le marché mondial. Quel que soit le dénouement des négociations, le mal pourrait déjà avoir été fait.

Tout comme la monnaie de papier, un accord commercial n’a de la valeur que si les gens croient qu’il en a et qu’il sera respecté dans le futur. Sans cette conviction, un accord a aussi peu de valeur que le papier sur lequel il est écrit. Maintenant que les États-Unis remettent énergiquement en cause les modalités de l’ALENA et menacent même de s’en retirer complètement, il faudra un certain temps aux investisseurs et autres parties prenantes influentes pour restaurer leur confiance en l’Accord, même si les négociations se passent bien.

Cela paraît de mauvais augure pour le Canada; malgré sa forte croissance économique des dernières années, la réalité est que l’attrait du Canada en tant que lieu d’affaires et marché propice aux fusions et acquisitions (F&A) tient pour une large part au fait que notre pays est une voie d’accès facile au marché américain. Notre position favorable a été officialisée par l’ALENA et a contribué à notre croissance économique. Cependant, à l’heure actuelle, cette position paraît incertaine.

Il se peut que de nombreux Canadiens espèrent tranquillement un renversement de la situation politique américaine au cours des prochaines années. Mais même si cela devait arriver, la tendance protectionniste des États-Unis semble se prolonger. Le parti actuel au pouvoir – qui a longtemps défendu le libre-échange et l’ouverture des marchés – affiche un protectionnisme plus inflexible de jour en jour. Qui plus est, de nombreuses récentes réformes de la fiscalité américaine dénotent un penchant protectionniste évident, et incarnent maintenant la loi du pays.

Il est temps que les entreprises et les investisseurs canadiens commencent à envisager sérieusement les incertitudes de l’avenir, notamment la perspective d’un protectionnisme américain accru et d’un affaiblissement de l’ALENA. Dans cette optique, voici cinq questions cruciales que tous les chefs d’entreprise devraient se poser :

  • Quelles décisions puis-je prendre en toute sécurité malgré les incertitudes, et quelles décisions devrais-je reporter? En période d’incertitude, il est tentant de mettre en attente toutes les décisions – par exemple, la fusion ou l’acquisition d’une entreprise – jusqu’à ce que les incertitudes se soient dissipées. Dans les faits, ce n’est pas une option envisageable pour vous, qui êtes chef d’entreprise. Avant de prendre une décision importante, vous devez plutôt vous demander lucidement : est-il prudent de prendre cette décision en raison de l’incidence relativement faible que l’ALENA aura sur elle, ou devrais-je la reporter parce qu’elle est trop dépendante de l’ALENA?
  • Quelle sera l’incidence sur ma chaîne d’approvisionnement? Au Canada, aux États-Unis et au Mexique, les chaînes d’approvisionnement reposent entièrement sur l’hypothèse que les frontières sont ouvertes et que les barrières commerciales sont minimales. Si cette hypothèse est remise en question, l’effet domino sera important, en particulier dans les secteurs d’activité comme celui de l’automobile, où les composants sont complexes, où un nombre incalculable de pièces proviennent du monde entier et où les exigences locales en matière de contenu sont strictes. Comprendre la mesure dans laquelle votre chaîne d’approvisionnement sera touchée par l’affaiblissement de l’ALENA est la première étape de la conception d’un plan d’intervention efficace.
  • Quelle sera l’incidence sur mes investissements en capital? Les accords commerciaux et les barrières commerciales ont une forte incidence sur le choix des pays dans lesquels votre entreprise décide d’investir et les investissements étrangers que vous êtes capable d’attirer. Dans un contexte commercial fortement protectionniste, l’argent et les ressources auront probablement tendance à affluer vers les États-Unis. En fait, de nombreuses entreprises canadiennes repensent déjà leurs programmes d’investissement en capital en raison des effets protectionnistes des nouvelles lois fiscales américaines. Si la portée de l’ALENA est réduite ou si l’Accord est révoqué, l’effet sera encore plus fort et le flux des F&A pourrait se tarir.
  • Quels secteurs de mon entreprise seront touchés le plus rapidement, et suis-je prêt? Pour établir des plans d’intervention stratégique, il est essentiel de définir des priorités. Au fur et à mesure que les changements apportés à l’ALENA commencent à se préciser, vous devez comprendre quels secteurs de votre entreprise seront le plus durement et le plus rapidement touchés, et planifier en conséquence. Dans certains secteurs, vous aurez tout le temps voulu pour planifier minutieusement les prochaines mesures à prendre. Dans d’autres, vous serez appelé à agir rapidement pour éviter d’être écrasé dans la foulée; vous devez donc vous préparer.
  • Comment mes concurrents seront-ils touchés? Les répercussions du changement diffèrent selon les entreprises. Si les entreprises concurrentes sont plus perturbées que la vôtre, il se pourrait que vous en sortiez gagnant, et peut-être avoir des occasions de faire des acquisitions et de stimuler l’expansion de votre entreprise en tirant parti de la concurrence. Pour prendre de bonnes décisions stratégiques, vous devez comprendre en quoi consiste votre atout concurrentiel, et quel est celui de vos concurrents.

En plus d’assurer la solidité de leur propre entreprise, les dirigeants et les spécialistes des F&A du Canada doivent collaborer avec leurs homologues gouvernementaux pour élaborer des stratégies et des objectifs liés aux négociations en cours de l’ALENA – dans l’intérêt de toutes les entreprises qui participent à l’économie canadienne.

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