Points de vue
Prenez garde aux prophètes de l’échec de l’innovation
Comment reconnaître un prophète de fin du monde?
Quels sont les motifs des « prophètes de fin du monde » à prédire l’échec d’une nouvelle technologie? Pour le savoir, lisez notre billet.
Par Duncan Stewart
Qu’il s’agisse de technologies existant depuis des décennies comme la télé ou le PC, ou de nouveaux venus comme les médias sociaux ou la messagerie SMS ou encore un produit qui en est à ses débuts comme la tablettophone (un croisement entre le téléphone intelligent et la tablette), il y a toujours quelqu’un pour en prédire la fin imminente ou l’échec retentissant. Ces types de personnes sont tout simplement des prophètes de fin du monde : leur degré de scepticisme et de mise en garde funeste se rapproche davantage de celui des personnages de bandes dessinées proclamant que la « fin du monde approche », d’où l’expression « prophète de fin du monde ».
Dans une série de billets de blogue, je tenterai d’analyser les motifs sous-jacents à ce genre de comportement. Ces individus ont souvent tort et il est essentiel de comprendre cette attirance à vouloir être plus juste à augurer la disparition de quelque chose, et quand. De nos jours, nous sommes tous des adeptes du futurisme : les technologies, médias et télécommunications évoluent rapidement et la capacité de prédire les gagnants et les perdants est très importante pour les leaders à tous les échelons et dans tous les secteurs.
La prochaine fois qu’une personne vous dira qu’une industrie de 100 milliards comme celle du message texte ou de la télévision est chose du passé, portez attention au secteur profitant à cette personne.
Conflit d’intérêts
Le premier motif le plus répandu pour prédire l’échec d’une nouvelle technologie ou d’un nouveau média est lorsque la survie de quelqu’un en dépend directement; pour citer les avocats, cui bono (qui en profite?). Ce phénomène est souvent observé dans le milieu financier lorsque les gestionnaires de portefeuille détenant un million d’actions de l’entreprise concurrente s’en départissent publiquement. Dans le jargon de la bourse, on dit alors que le gestionnaire laisse parler son portefeuille (talking their book), soit tout ce qu’ils diront reflétera leur volume d’actions détenues. On trouve un exemple similaire dans les réunions gouvernementales. Par exemple, les opinions des représentants de l’armée et des forces marines et aériennes sont totalement prévisibles selon la perception des intérêts propres à chacun des services. L’expression alors utilisée est « prendre position dépend de votre emplacement à la table »!
D’un point de vue similaire, on peut aisément imaginer pourquoi les forgerons ou les palefreniers ont parlé en mal de ces voitures sans chevaux ni attelage, il y a 120 ans. Ceux-ci tiraient leurs revenus d’une économie reposant sur l’utilisation des chevaux, dès lors la menace économique provenant de l’automobile et du moteur à combustion était réelle. Leur perception négative n’aurait dû alors surprendre personne. De même, on comprend pourquoi les musiciens jazz de l’époque du swing ont redouté l’avènement du rock and roll à la fin des années 1950. Cette réaction aurait pu être une question de goût, mais cela était certainement une question d’argent.
Par conséquent, les concepteurs de tablettes ou de téléphones intelligents – mais non de PC – sont probablement les plus grands prophètes de la fin de l’ère de l’ordinateur personnel. Les producteurs des vidéos en ligne y sont pour quelque chose dans la prédiction populaire annonçant la fin de la télévision. Les fabricants de logiciels de messagerie instantanée meurent d’envie de vous dire que le nombre de messages instantanés envoyés par téléphones mobiles (Mobile Instant Messages: MIM) est de 50 milliards par jour alors que le nombre de messages texte (SMS : Short Message Service) « n’est que de » 20 milliards par jour et que les deux formats étaient déjà à égalité en 2012. Toutefois, ils passeront étrangement sous silence la hausse de la valeur en argent pour les deux services; le marché de 100 milliards de dollars par année de SMS est 50 fois plus important que tous les revenus combinés de la messagerie mobile instantanée.
Alors, la prochaine fois qu’une personne vous dira que l’industrie de 100 milliards de dollars comme celle du message texte ou de la télévision est chose du passé, portez attention au secteur profitant à cette personne. Notre prochain billet portera sur les traditionalistes alors que le suivant portera sur les jeunes branchés (hipsters).