mifid-2-18-mois-apres

Point de vue

MiFID II, 18 mois après 

Quels sont les principaux axes de surveillance des autorités ?

Cela fait maintenant 18 mois que la directive MiFID II, pierre angulaire de la législation européenne sur les marchés de capitaux et la protection des investisseurs, est applicable. Sur quels éléments les autorités nationales compétentes (ANC) ont-elles axé leurs activités de supervision au cours de cette période, et sur quels points entendent-elles désormais porter leur attention ?

Pour répondre à ces questions, nous avons interrogé nos experts Deloitte dans 16 États membres de l'Union européenne (UE) sur la supervision de la directive MiFID II mise en œuvre par les ANC dans leur juridiction1. Cette enquête faisait suite à une étude similaire réalisée en septembre 2018. Il est important de noter que l’enquête a été réalisée sur la base des informations et connaissances des experts interrogés et peut ne pas refléter de manière exhaustive l’ensemble des activités des ANC en matière de supervision de l’application de la directive MiFID II.

Principales conclusions

  • Presque toutes les ANC couvertes par notre enquête se sont engagées dans des activités de supervision de l’application de la directive MiFID II et 75% d'entre elles ont défini leur programme de supervision sur le sujet pour l'année à venir.
  • À ce jour, l'accent a été principalement mis sur la protection des investisseurs, en matière de coûts et de frais, ainsi que sur la distribution des instruments financiers et les rétrocessions. La distribution et les rétrocessions figurent également tout en haut de la liste des priorités futures.
  • Les différentes ANC n’ont pas suivi l’application de la directive de manière homogène. L’approche initiale semble avoir été principalement axée sur la collecte d’informations et sur la compréhension des modalités d’adaptation des acteurs aux nouvelles exigences. Une démarche plus concrète est désormais probable et commence même à se matérialiser dans certains pays.

Les points d’attention jusqu’à présent

Notre enquête montre que les ANC ont entrepris un large éventail d’activités depuis l’entrée en vigueur de la directive MiFID II. Celles-ci comprennent des études/revues de marché, de secteur ou d’entreprise(s), des audits, des inspections sur site, des demandes de mise en conformité de produits et quelques cas de sanctions visant à la correcte application de la réglementation2. Nos travaux mettent en évidence qu’au moins une de ces activités a été menée dans 15 des 16 pays étudiés, ce qui montre qu'une proportion significative des ANC a suivi, d’une manière ou d’une autre, la mise en œuvre de la directive au cours des 18 derniers mois. Cependant, le degré de priorisation de MiFID II diffère selon les ANC, et beaucoup semblent se concentrer sur certains aspects de la directive plutôt que sur l’ensemble du texte.

La plupart des réponses au sondage ont précisé les points d’attention de leurs ANC concernant MiFID II au cours des 18 derniers mois. Les coûts et les frais, la distribution (y compris le conseil, la vente, l’adéquation et le caractère approprié) et les rétrocessions (à l’exclusion du paiement de la recherche) ont été placés en tête de liste avec 7 superviseurs ayant examiné la question. En deuxième place, analysés par 6 autorités de contrôle, se trouvent la gouvernance des produits et la mise en conformité générale aux dispositions de la directive MiFID II. En troisième lieu vient le paiement de la recherche, un point d’attention pour 4 autorités de contrôle, plus sous l’angle études de marché ou analyses d’impact plutôt qu’au travers d’activités de contrôle proprement dites3.

Dans l'ensemble, les résultats de nos travaux suggèrent qu'au cours des 18 derniers mois, les autorités de contrôle se sont largement concentrées sur les problématiques liées à la protection des investisseurs individuels, plutôt que sur les relations entre les producteurs et les distributeurs d’instruments financiers ou sur les infrastructures de marché. Ces résultats sont globalement conformes à ceux de notre enquête de septembre 2018, bien que les activités de contrôle des rapports sur les transactions aient été moins nombreuses que prévu, en tous cas sur la base des informations disponibles dans le domaine public. Cela pourrait indiquer que les ANC laissent aux entreprises le temps de s’adapter aux nouvelles dispositions dans certains domaines, peut-être notamment pour résoudre les problématiques liées à la collecte de données ou à la mise en place de nouveaux systèmes.

Les priorités à venir

Concernant les priorités des superviseurs pour l'année à venir, au moins 12 ANC ont annoncé leur programme de travail, ce qui représente 75% des pays étudiés4. Beaucoup de ces travaux devraient consister en des analyses d’impact, plutôt que des revues d’entreprise(s) ou des inspections sur site. Les points d’attention des superviseurs à l’avenir semblent globalement similaires à ceux qui ont été priorisés jusqu’à présent5. En premier lieu viennent la distribution et les rétrocessions, qui devraient rester les points d’attention principaux d'au moins 8 superviseurs. Les coûts et les frais, ainsi que la gouvernance des produits, occupent la deuxième place, avec au moins 5 superviseurs qui devraient s’y intéresser. En troisième lieu vient une nouvelle fois le paiement pour la recherche, les 4 mêmes superviseurs devant poursuivre leurs études de marché et leurs analyses d’impact. Un certain nombre d'autres domaines sont susceptibles d'attirer davantage l'attention des autorités de contrôle : les informations à fournir aux clients (autres que les coûts et les frais), les conflits d’intérêts, la rémunération et les compétences du personnel, la transparence du marché et des données, et le fonctionnement des systèmes multilatéraux de négociation (MTF), bien que le nombre d'ANC ayant déclaré leur intérêt pour ces sujets soit limité.

Sanctions

Jusqu'à présent, le nombre de sanctions prises semble avoir été limité ; notre enquête a révélé que seules 4 ANC ont pris de telles mesures. L'Allemagne a été particulièrement active, avec des amendes ou des procédures d'infraction relatives à la fiabilité de conseillers en investissement ou de commerciaux, à la négociation de titres, ou aux obligations des prestataires de services d’investissement en matière de règles de bonne conduite, d'organisation et de transparence. En Pologne, le régulateur local a pris des mesures à l’encontre de la fourniture de services d'investissement sans les autorisations requises (principalement concernant la vente de titres obligataires). Le Luxembourg a imposé des sanctions pour violation des exigences en matière de gouvernance des prestataires de services d’investissement. Enfin, le Portugal a connu au cours du premier trimestre de cette année une augmentation du nombre d’enquêtes pouvant donner lieu à une amende dans le domaine de l’intermédiation financière, pour lequel la réglementation issue de la directive MiFID II est la plus importante. La Financial Conduct Authority du Royaume-Uni a également infligé une amende à deux banques pour des manquements en matière de reporting des transactions. Ces amendes ont toutefois concerné des transactions effectuées dans le cadre de la directive MiFID I.

Tendances et initiatives

Il convient de souligner un certain nombre d'autres tendances et initiatives au sein de l’UE. Les résultats de l'enquête montrent un intérêt croissant des superviseurs pour le conseil en investissement robotisé (robo-advice), les nouvelles technologies appliquées aux services financiers (Fintech) et le développement durable, qui devraient tous devenir des sujets d’attention pour la nouvelle Commission européenne.

Ainsi, la Federal Financial Supervisory Authority allemande a récemment porté une attention particulière à la finance durable et a commencé à alerter les entreprises sur les futures exigences concernant les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance attendues dans le cadre de la révision de la directive MiFID II.

Les réponses à notre enquête venant d'Autriche et de Suède ont fait apparaître un intérêt des superviseurs de ces deux pays à l’égard de l'innovation et de l'utilisation des nouvelles technologies au sein des prestataires de services d'investissement, en particulier les outils de conseil en investissement robotisé.

En Irlande, la banque centrale a commencé son programme de supervision des activités de négociation et de distribution d’instruments financiers par les prestataires de services d’investissement soumis à la directive MiFID II, en publiant une Industry Expectations Letter en mars dernier qui définit les attentes de la banque centrale sur la manière dont les entreprises devraient identifier, atténuer et gérer le risque de comportement au sein de ces activités.

Le plan d'activités 2019 du régulateur espagnol comporte des visites mystères, axées en particulier sur la commercialisation de produits financiers.

Plusieurs réponses indiquent également que les délocalisations d'entreprises liées au Brexit et les procédures d’agrément au titre de la directive MiFID II devraient également faire l'objet d'une attention particulière de la part des autorités de supervision au cours des prochains mois.

Enfin, bien que la directive MiFID II ne s’applique pas directement à la Suisse, certaines banques suisses l’ont néanmoins mise en œuvre car elles disposent de clients basés dans l’Espace économique européen (EEE) et/ou ont des succursales ou des filiales dans l’EEE. L'équivalent suisse de la directive MiFID II entrera en vigueur au début de 2020 ; il devrait cependant être moins contraignant que la règlementation de l'UE. En conséquence, si des détails devaient manquer, les établissements se réfèreraient probablement aux parties équivalentes de la directive MiFID II.

La supervision de l’ESMA

Les ANC ne sont pas seules dans l’exercice de supervision de la mise en œuvre de la directive MiFID II. Il est intéressant de noter que l’Autorité européenne des Marchés financiers (ESMA) vient d’annoncer une action de supervision conjointe sur la directive MiFID II devant être menée simultanément par les ANC participantes au cours du second semestre de cette année. Les ANC participantes évalueront un échantillon de prestataires de services d'investissement placés sous leur supervision sur l'application des exigences en matière d’adéquation et de caractère approprié des instruments financiers distribués. Des initiatives similaires sur d’autres thèmes de la directive MiFID II pourraient suivre, en particulier compte tenu de la révision du Système européen de Surveillance financière (décidée plus tôt cette année) et des groupes de travail mis en place dans ce cadre visant à une meilleure coordination des autorités de supervision.

Qu'est-ce que cela signifie pour les entreprises ?

Les résultats de notre enquête confirment que la directive MiFID II a été un sujet important pour les ANC de l'UE, qui ont déployé un large éventail d'outils de supervision. Nous anticipons une poursuite de ce mouvement, avec potentiellement la couverture d’un éventail de thèmes de plus en plus étendu. Bien que les mesures de sanction aient jusqu'à présent été limitées, ceci pourrait changer à l'avenir au gré de l’augmentation de l’activité des superviseurs sur ce sujet. Les entreprises doivent donc veiller à se conformer à la règlementation, qui est en vigueur depuis 18 mois, et à procéder à des contrôles internes et à des audits de conformité, sans attendre que les superviseurs viennent frapper à leur porte.

1 Les pays étudiés étaient l'Autriche, la Croatie, Chypre, la République tchèque, la France, l'Allemagne, la Grèce, l'Irlande, l'Italie, la Pologne, le Portugal, le Luxembourg, les Pays-Bas, l'Espagne, la Suède et le Royaume-Uni. Notre enquête comprenait également des réponses de la Suisse qui, bien que ne faisant pas partie de l'UE, dispose d'un régime de surveillance reconnu par la Commission européenne comme étant équivalent (pour une période temporaire). Les réponses au sondage ont été reçues en mai 2019 et couvraient 17 ANC.

2 Veuillez noter que nous avons interprété le terme « supervision » au sens large car certaines de ces actions, bien que n'étant pas à proprement parler une activité de supervision, peuvent conduire à une surveillance plus étroite.

3 Frais et charges (Autriche, République tchèque, France, Allemagne, Espagne, Suède et Royaume-Uni) ; distribution et rétrocessions (Allemagne, Autriche, Espagne, Suède, République tchèque, République tchèque) ; gouvernance des produits (Autriche, Chypre, République tchèque, Allemagne, Irlande, Royaume-Uni) ; mise en œuvre / conformité globale de la directive MiFID II (Grèce, Irlande, Italie, Pays-Bas, Pologne, Portugal) ; et frais de recherche (Irlande, Portugal, Royaume-Uni, France). Les autres domaines étaient les suivants : règles d'organisation (Allemagne, Autriche, République tchèque) ; intervention sur les produits (Autriche, Irlande, Espagne) ; compte-rendu des transactions (Luxembourg, Espagne, Royaume-Uni) ; trading algorithmique (Espagne, Royaume-Uni) ; meilleure exécution (Espagne, Pologne) ; information des clients - hors coûts et frais (Autriche, France) ; conflits d'intérêts (Royaume-Uni) ; et rémunération et compétences du personnel (République tchèque).

4 Autriche, Chypre, République tchèque, France, Allemagne, Irlande, Italie, Pays-Bas, Portugal, Espagne, Suède et Royaume-Uni.

5 Distribution et rétrocessions (Autriche, Chypre, République tchèque, Irlande, Italie, Espagne, Suède, Portugal) ; coûts et charges (Autriche, Chypre, République tchèque, France, Royaume-Uni) ; gouvernance des produits (Chypre, Irlande, Italie, Portugal, Royaume-Uni) ; frais de recherche (Irlande, Royaume-Uni, Portugal, France) ; règles d'organisation (Autriche, France, Portugal) ; intervention sur les produits (Autriche, Pays-Bas, Espagne) ; déclarations de clients (Autriche, Chypre, Pays-Bas) ; compte-rendu des transactions (Chypre, République tchèque, Royaume-Uni) ; conflit d'intérêts (Italie, Portugal, Royaume-Uni) ; mise en œuvre / conformité globale de la directive MiFID II (Irlande, Portugal) ; meilleure exécution (Chypre, Royaume-Uni) ; rémunération et compétences du personnel (Autriche, Chypre) ; transparence du marché et des données (Irlande, Royaume-Uni) ; trading algorithmique (Royaume-Uni) ; et MTF (Pays-Bas).