Aujourd’hui, la plus grande annonce relative à l’économie canadienne est l’indice des prix à la consommation de mars. L’inflation, calculée en fonction de l’évolution de l’indice d’une année à l’autre, a diminué fortement de 2,2 pour cent en février à 0,9 pour cent en mars en raison de la pandémie de la COVID-19. Sans tenir compte des effets saisonniers, l’indice a diminué de 0,9 pour cent au mois de mars—la plus importante diminution mensuelle à ce jour.
La faiblesse des prix de l’énergie a joué un rôle important dans ce contexte. Ces prix ont diminué de 11,6 pour cent d’une année à l’autre, y compris une diminution de 21,2 pour cent du prix de l’essence—sans surprise pour ceux et celles qui ont fait le plein le mois dernier.
L’incidence de la pandémie et des mesures de distanciation sociale est évidente. Les prix de l’hébergement des voyageurs et de la location de véhicules de tourisme et de transport interurbain (train, autobus, etc.) ont grandement diminué. Les prix relatifs aux voyages organisés et au transport aérien sont demeurés supérieurs à ceux de l’année précédente, mais ils ont augmenté plus lentement sur une base mensuelle.
En ce qui a trait aux perspectives d’avenir, on me demande souvent si toutes les politiques monétaires et fiscales adoptées entraîneront un problème d’inflation. Selon moi, le plus grand risque est plutôt la possibilité d’une déflation.
Malgré les politiques déployées, le taux de chômage augmentera considérablement et les revenus de nombreux Canadiens subiront un choc négatif. En outre, la richesse des foyers sera touchée négativement par le déclin du cours des actions. Une analyse statistique suggère que pour chaque dollar perdu en bourse, les dépenses chuteront de 2 ou 3 cents. En raison de la diminution des dépenses des consommateurs, il est possible que les entreprises fournissent des rabais afin d’accroître leurs recettes et d’atténuer les pressions sur leurs flux de trésorerie.
Tous ces facteurs pourraient entraîner la baisse de l’inflation, voire un risque de déflation. Or, la déflation doit être évitée à tout prix, car une fois installée, elle est très difficile à déloger. De plus, elle est toxique pour l’économie, puisque les consommateurs reportent leurs achats à plus tard, sachant qu’ils paieront alors moins cher. Voilà pourquoi les gouvernements prennent des mesures de stimulation fiscales et monétaires jamais vues auparavant et voilà pourquoi l’inflation ne devrait pas poser problème en 2020 et en 2021.
C’est à beaucoup plus long terme que le risque d’inflation pourrait s’accroître. En effet, si la reprise est forte et si l’on maintient les mesures de stimulation, ces deux facteurs combinés pourraient exercer des pressions inflationnistes. Il y a toutefois peu de chances que cela se produise, car la reprise économique sera selon moi très lente. Bon nombre des séquelles que laissera la COVID-19 auront l’effet d’un frein sur la croissance économique. Pensons par exemple aux ménages et aux entreprises qui se seront endettés, ainsi qu’à la dette énorme que les États auront accumulée.
Les répercussions du confinement commencent à se faire sentir sur le marché immobilier. À Toronto, les ventes de propriétés ont dégringolé – de 69 % – pendant la première moitié d’avril et la rareté de l’offre (recul de 64 % des nouvelles inscriptions) est venue tempérer les prix, qui affichent une baisse de 1,5 % par rapport à la même période l’an dernier.
Aujourd’hui, les cours des actions ont repris du poil de la bête après l’adoption, par le Sénat des États-Unis, d’un nouveau financement de 484 milliards de dollars visant à soutenir les PME, le système hospitalier et les efforts de dépistage de la COVID-19. En principe, le plan sera soumis au vote de la Chambre des représentants plus tard cette semaine. À ce sujet, le président Trump a d'ailleurs fait savoir qu’il pourrait promulguer la loi aussitôt qu’elle lui sera soumise. Ces 484 milliards de dollars s’ajoutent aux 2,2 trillions de dollars du plan de sauvetage voté par le Congrès à la fin de mars.
Comme il a été mentionné dans un numéro précédent du Point de vue économique, dans les dernières semaines, après avoir débattu de la manière de répondre à la crise, nos dirigeants politiques se penchent désormais sur différentes approches afin de rouvrir l’économie. En effet, alors que les statistiques montrent une amélioration sur le plan de la santé publique, certaines provinces commencent à définir leurs plans de reprise. L’Île-du-Prince-Édouard a annoncé son plan intitulé « Re-opening PEI, together » qui mise sur une approche graduelle pour lever les mesures mises en place afin de protéger la santé publique. Le gouvernement de cette province prévoit lancer son plan dès le 1er mai. Le premier ministre de la Saskatchewan, M. Scott Moe, devrait également se prononcer sur le plan de réouverture de sa province demain. Encore une fois, il s’agit d’une réouverture graduelle appelée le « Re-open Saskatchewan Plan ».
À Ottawa, le gouvernement du Canada a annoncé une nouvelle prestation de 1 250 $ par mois pour les étudiants et les nouveaux diplômés, qui sera disponible de mai à août 2020, afin de pallier le manque d’emplois d’été en raison de la COVID-19. En outre, les étudiants qui choisissent d’aider le pays et de prêter main‑forte à leur communauté pourront bénéficier d’une nouvelle bourse canadienne pour le bénévolat étudiant en recevant jusqu’à 5 000 $ pour poursuivre leurs études.
Les mesures prises pour aider les étudiants sont les bienvenues, mais il sera important de se pencher sur le chômage des jeunes une fois la crise passée. En effet, de nombreux éléments montrent que les jeunes qui quittent les bancs d’école et font leur entrée sur le marché du travail au cours d’une récession voient leurs trajectoires professionnelles freinées et, dans de nombreux cas, ils en ressentent toujours les conséquences des décennies après la reprise économique.