Perspectives
Les femmes au volant
Principales conclusions de l’étude de 2020 sur la diversité, l’équité et l’inclusion dans le secteur de l’automobile
Les femmes représentent environ la moitié de la population active globale, mais seulement le quart de la main-d’œuvre dans le secteur de l’automobile. Il est évident que les constructeurs automobiles doivent en faire plus pour attirer les femmes et leur permettre d’accéder à des postes de direction. Alors, comment s’y prendre?
Conformément à notre engagement de longue date consistant à améliorer la diversité, l’équité et l’inclusion, nous avons réalisé en collaboration avec Automotive News un sondage auprès de centaines de professionnels du secteur, hommes et femmes, afin d’obtenir une meilleure idée de la situation actuelle et de cibler les améliorations requises. Les conclusions de ce sondage, publiées ans Les femmes au volant, constituent un point de départ important pour amorcer un dialogue éclairé et dresser une liste des principales étapes en vue d’entreprendre un changement positif.
Principales conclusions :
- Près de la moitié des femmes dans le secteur de l’automobile ont déclaré qu’elles choisiraient un secteur d’activité différent si c’était à refaire; l’absence de diversité et d’inclusion figure parmi les trois raisons les plus fréquemment citées.
- Les principales différences entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les aspects les plus importants de leur carrière sont les suivantes : culture d’entreprise positive dans le cas des femmes et possibilités d’avancement dans le cas des hommes.
- Les femmes pensent dans une plus large mesure que les minorités visibles sont sous-représentées au sein de la direction de leur entreprise.
- Ce sont 82 % des femmes qui estiment que le secteur favorise les hommes et que cette situation contribue à l’absence de diversité au sein de la direction.
- Au total, 25 % des hommes ne voient aucun avantage à la diversité au sein de la direction, alors que seulement 3 % des femmes sont de cet avis.
Balado : conversation avec les femmes les plus influentes au Canada
Le programme 100 Leading Women, dirigé par Automotive News, reconnaît les leaders féminines dans le secteur de l’automobile en Amérique du Nord qui font avancer la diversité, l’équité et l’inclusion dans le secteur. En lien avec ce programme, nous avons élaboré le rapport Women at the wheel (en anglais seulement) pour présenter les constatations de notre sondage réalisé auprès de professionnels dans le secteur afin de brosser un portrait du secteur de l’automobile d’aujourd’hui et de dégager les occasions d’amélioration.
Nous avons accueilli des Canadiennes reconnues dans le cadre du programme lors de ce balado pour discuter de leurs expériences dans le secteur et recueillir leurs perspectives pour améliorer la diversité, l’équité et l’inclusion à l’avenir.
Balado : conversation avec les femmes les plus influentes au Canada
Le programme 100 Leading Women, dirigé par Automotive News, reconnaît les leaders féminines dans le secteur de l’automobile en Amérique du Nord qui font avancer la diversité, l’équité et l’inclusion dans le secteur. En lien avec ce programme, nous avons élaboré le rapport Women at the wheel (en anglais seulement) pour présenter les constatations de notre sondage réalisé auprès de professionnels dans le secteur afin de brosser un portrait du secteur de l’automobile d’aujourd’hui et de dégager les occasions d’amélioration.
Nous avons accueilli des Canadiennes reconnues dans le cadre du programme lors de ce balado pour discuter de leurs expériences dans le secteur et recueillir leurs perspectives pour améliorer la diversité, l’équité et l’inclusion à l’avenir.
Episode 2 : Conversation avec Megan Hunter, vice présidente directrice des achats et des opérations de la chaîne d’approvisionnement chez Martinrea
Transcription
Lorrie King: Bonjour. Je m’appelle Lorrie King et je suis associée principale chez Deloitte Canada. J’ai aujourd’hui le plaisir de m’entretenir avec Megan Hunter, vice présidente directrice des achats et des opérations de la chaîne d’approvisionnement chez Martinrea. Elle a récemment été nommée au nombre des 100 femmes les plus influentes au sein du secteur de l’automobile en Amérique du Nord par Automotive News. Cette liste a pour objet de souligner la contribution des femmes du secteur de l’automobile qui font progresser les concepts de diversité, d’équité et d’inclusion. En parallèle, Deloitte a mené une enquête auprès des professionnels de l’industrie afin d’esquisser un portrait plus précis de ce secteur d’activité et d’en définir les possibilités d’améliorations. Les constatations de cette enquête sont présentées dans notre rapport intitulé Les femmes au volant. Dans notre entretien d’aujourd’hui avec Megan, il sera question de ses succès dans un secteur qui n’est pas réputé pour son rendement en matière de diversité, d’équité et d’inclusion et de sa perception de l’avenir de ce secteur. Merci, Megan, d’avoir accepté notre invitation et maintenant, entrons dans le vif du sujet.
Megan Hunter: Très bien, merci, Lorrie.
Lorrie King: Megan, les femmes représentent aujourd’hui environ la moitié de la main d’œuvre active, mais seulement le quart de l’effectif du secteur de l’automobile. Expliquez-nous un peu votre cheminement professionnel en tant que femme dans le contexte particulier de ce secteur? Quelle était la situation au début de votre carrière? Les choses ont-elles changé?
Megan Hunter: Avec plaisir. J’ai amorcé ma carrière il y a plus de 20 ans dans une aciérie, un endroit où je n’avais jamais envisagé de travailler. À 22 ans, j’ai donc mis mon casque et mes lunettes de sécurité et enfilé mes bottes à embout d’acier et mis les pieds pour la première fois dans une énorme aciérie. L’immeuble où je travaillais avait une longueur de plus de 1,5 kilomètre et la seule autre femme présente en ces lieux travaillait à environ 800 mètres de moi. Il va sans dire que je ne me trouvais pas dans situation vraiment favorable, mais j’étais jeune, énergique, ambitieuse, fraîchement débarquée sur le marché du travail et je débordais d’idées et d’enthousiasme. Toute cette belle énergie a d’abord créé beaucoup de résistance. Qui est cette fille? Qu’essaie-t-elle de faire? Pourquoi suscite-t-elle tant de chaos? Pourquoi pose-t-elle toutes ces questions? Ce fut extrêmement difficile. Rapidement, j’ai compris que je devais modifier mon style et mon approche si je voulais être efficace. J’ai donc appris à mieux collaborer et j’ai acquis une excellente capacité d’écoute. J’ai appris aussi à me retirer lorsque les gens avaient de la difficulté afin de mieux réfléchir à ce que je pouvais faire pour les aider à s’en sortir. J’ai donc plutôt bien réussi dans cet environnement, ce qui a été confirmé au moment de mon départ. Les employés avaient organisé une grande fête d’adieu pour moi et comme on sait, ces soirées sont surtout fréquentées par les amis et collègues proches de la personne qui part. Surprise : tout le monde était là, y compris, à mon grand étonnement, quelques-uns de mes collègues masculins plus âgés qui avaient le plus résisté à mes efforts de changement. Leur présence à cette soirée démontrait que j’avais gagné leur respect. Par conséquent, malgré mon approche différente, mon énergie et mon enthousiasme les avaient incités à respecter la contribution que j’étais en mesure d’apporter et cela m’a beaucoup touchée. Après ces débuts professionnels dans un environnement complètement exempt de femmes pour m’encadrer, j’ai accepté un poste chez un fabricant d’équipement d’origine (FEO) où le contexte était complètement différent. Le contingent féminin y était beaucoup plus nombreux et il y avait aussi beaucoup de diversité. J’étais emballée, mais il y avait moyen de faire mieux encore. Vingt ans plus tard, je suis encore emballée parce que non seulement les femmes sont bien présentes dans les différentes organisations du secteur, mais elles occupent souvent des postes d’administratrices et de dirigeantes aux plus hauts échelons. Et ces femmes n’ont pas été nommées à ces postes simplement parce qu’elles sont des femmes, elles l’ont été grâce à leur excellence et à la valeur qu’elles apportent à leur organisation. À maints égards, nous devons remercier certains hommes de ces succès. Je parle ici des hommes ouverts d’esprit et solidaires qui se sont dit : « Voici une femme que l’effort ne rebute pas, dont l’éthique de travail est irréprochable et qui obtient des résultats exceptionnels. Elle est une excellente joueuse d'équipe et son profil correspond en tous points à celui que nous recherchons pour les dirigeants de notre entreprise. »
Lorrie King: Donc, entre le début de votre carrière et maintenant, avez-vous constaté une amélioration chez Martinrea en ce domaine?
Megan Hunter: Vraiment! Notre siège social a toujours été un lieu de travail diversifié. Mais cette diversité est maintenant présente dans tous nos autres secteurs : il y a même maintenant au sein de notre effectif des opératrices de presse et, ce que je n'aurais jamais pensé voir, des femmes gestionnaires de l’entretien. Il est donc juste de dire que nous avons créé ici un environnement où tout est ouvert à celles qui le veulent vraiment. Notre conseil d’administration compte par ailleurs deux femmes très fortes et impressionnantes en la personne de Sandra Pupatello et de Molly Shoichet, deux piliers au sein de leur secteur respectif. Il est très enthousiasmant que l’entreprise reconnaisse ainsi le grand talent de ces dirigeantes.
Lorrie King: Oui, c’est formidable! Et si je ne me trompe pas, votre entreprise est aussi un chef de file dans son secteur. J’aimerais aussi aborder avec vous la question de la conciliation travail-famille. Notre enquête a révélé ce qui ressemble à un déséquilibre entre la vie familiale et la vie professionnelle des femmes. Ce problème vient au deuxième rang de ceux qui sont le plus souvent cités parmi les situations qui détournent les femmes d’une carrière dans le secteur automobile. J’aimerais savoir votre opinion sur la question. Avez-vous vécu des problèmes de conciliation travail-famille au cours de votre carrière? Si oui, quelles habitudes ou stratégies avez-vous développées pour parer à ce problème?
Megan Hunter: Je suis contente que vous me posiez cette question parce que j’ai un point de vue légèrement différent sur celle-ci. Je suis fermement convaincue qu’il est possible individuellement de contrôler ce problème de conciliation travail-famille. Chaque personne a le pouvoir d’en arriver à un équilibre entre ses aspirations professionnelles et ses raisons de vivre personnelles, dans mon cas, ma famille. Dans la vie, chaque personne est appelée à prendre de nombreuses décisions, soit décider de ce qui est véritablement important pour elle sur le plan professionnel pour bien comprendre les efforts requis pour atteindre ses objectifs. Ensuite, elle doit décider de ce qui est véritablement important sur le plan familial et prendre les moyens nécessaires pour être heureuse. Dans ma vie, j’ai dû faire beaucoup de compromis. J’en ai fait au travail en quittant le bureau parfois plus tôt pour assister à une rencontre parents-enseignants ou à un événement sportif auquel participait un de mes enfants. J’ai aussi dû faire des compromis sur le plan familial lorsque j’ai dû voyager pour le travail et rater certains événements familiaux. Je pense qu’il est vraiment important de tisser des liens de confiance avec les personnes en cause dans les deux volets de sa vie. Votre famille doit savoir que vous l’aimez, qu’elle compte pour vous. Lorsque vous êtes en famille, vous devez vous consacrer totalement à la vie familiale. La même réalité s’applique dans ma vie professionnelle. Mon travail me passionne. Mes collègues savent que même si un jour donné je ne suis plus là à 17 h, je vais faire le nécessaire pour obtenir les résultats escomptés et faire mon travail. Je pense donc que toute cette question de la conciliation travail-famille relève avant tout de choix personnels même si parfois, il est possible d’avoir besoin d’un coup de main. L’important est de créer un climat de confiance et d’obtenir des résultats.
Lorrie King: C’est bien vrai. Et quelle sagesse de reconnaître qu’il s’agit dans une large mesure d’une affaire personnelle! Merci de l’avoir dit. Dans votre profil de la liste des 100 femmes les plus influentes, vous mentionnez que le succès professionnel se joue souvent sur « de petites choses » ou découle « d’une suite de difficultés qui ouvrent des possibilités ». Pourriez-vous nous donner un exemple de difficulté à laquelle vous vous êtes heurtée et qui s’est transformée en possibilité?
Megan Hunter: Bien sûr. En tout début de carrière, j’ai dû régler une situation qui est finalement devenue pour moi un moment déterminant. Une importante aciérie avait fermé ses portes pour cause d'insolvabilité et simultanément une autre aciérie avait été mise hors circuit par un incendie, d’où une assez importante baisse de capacité sur le marché. Pour la première fois, après 20 ans de baisse continuelle des prix de l’acier, un événement d’une grande rareté inversait cette tendance. J'occupais alors un poste chez un FEO et j’ai dû orchestrer les efforts requis pour garantir nos approvisionnements auprès d’autres aciéries. Ma résilience a vraiment été mise à rude épreuve. J’ai dû surmonter de nombreuses difficultés et j’ai accumulé de longues heures de travail, travaillant près de 18 heures par jour, tous les jours de la semaine, pendant quelques mois. Les crises de ce genre favorisent souvent des rencontres avec des personnes incroyables qui font des choses exceptionnelles pour vous aider, vous et votre entreprise, à traverser une période difficile. Les liens tissés dans ce genre de situations durent toute une carrière, voire plus. Dans ce cas précis, comme je jouais un rôle à haut profil, j’ai été remarquée au sein de la communauté et j’ai acquis une réputation de personne rigoureuse capable de résister aux coups durs, mais aussi de personne juste et réaliste. Cet événement a été, je pense, le tremplin qui m’a propulsée vers d’autres possibilités.
Lorrie King: Vous avez donc transformé cette crise en occasion.
Megan Hunter: Exact.
Lorrie King: Parlant de personnes exceptionnelles, quelles sont les qualités ou les compétences que vous cherchez chez les membres de vos équipes? Selon vous, quels sont les avantages d’une équipe diversifiée?
Megan Hunter: Je cherche avant tout des personnes avec une éthique de travail impeccable, une attitude positive et ce que j’appelle « la bonne culture », soit le dosage idéal d’éthique et de respect des autres. Je suis d’avis que le respect de l’autre est fondamental. Chaque personne est différente, mais lorsque toutes se respectent, s’entraident et se livrent à une saine émulation, les résultats vont immanquablement suivre. Je me fais donc un point d’honneur de m’entourer de professionnels solides et compétents. Fondamentalement, mon rôle consiste à leur accorder le respect qu’ils méritent et le soutien dont ils ont besoin pour exceller. Mon groupe actuel est plutôt diversifié. Tous les membres viennent d’horizons différents avec un bagage qui leur est propre, et ensemble ils génèrent constamment des idées et les exploitent. Ils discutent, ils débattent (ils débattent beaucoup), mais à la fin, personne ne tente de s’approprier le crédit du travail effectué, parce qu’ils en sont tous les maîtres d’œuvre. L’idée a émergé d’un travail collectif et elle est exploitée collectivement. Un tel résultat est à mon avis possible seulement au sein d’équipes diversifiées dont les membres se respectent vraiment les uns les autres.
Lorrie King: Merci, voilà qui est incroyable. Si vous me le permettez, changeons un peu de sujet et revenons à ce dont nous parlions un peu avant notre entretien, en l’occurrence cette pandémie qui dure maintenant depuis 15 mois. En quoi a-t-elle modifié vos méthodes de travail et entrevoyez-vous au sein du secteur de l’automobile des changements directement attribuables à la pandémie?
Megan Hunter: Oh, il y a assurément des changements. Vraiment. En ce qui concerne plus particulièrement mes propres méthodes de travail, le seul changement véritable cependant est que j’ai travaillé de chez moi pendant environ six semaines lorsque pratiquement toutes les usines des FEO étaient fermées. J’ai alors décidé de voir cette période comme une chance qui s’offrait à moi et je me suis dit qu’il fallait en profiter parce qu’une occasion de ce genre pourrait bien ne plus jamais se présenter. C’est donc ce que j’ai fait. Nous avons eu de nombreux repas en famille, plus nombreux qu’avant, dans « l’ancienne réalité », et j’ai apprécié chacun de ces moments passés en proximité étroite avec ma famille. Dans une perspective plus globale, il est certain que les nouveaux régimes de travail plus souples se sont imposés. Ils font le bonheur des employés et nous avons été sincèrement étonnés de la productivité que nous avons obtenue dans ce contexte de télétravail. Entendons-nous bien : du jour au lendemain, nous avons pris nos ordinateurs portables, sommes rentrés chacun chez nous et nous nous sommes improvisé un bureau qui sur la table de la salle à manger ou de la cuisine, qui dans le sous-sol, et qui encore, dans un véritable bureau à domicile pour les chanceux qui n’ont pas eu à se disputer cette pièce avec un autre membre de la famille. Et malgré tout, la productivité a augmenté. Le télétravail est devenu une option viable et possible. Maintenant nos employés nous disent qu’ils souhaitent bénéficier d’un régime de travail plus souple et que cette souplesse deviendra un vecteur de productivité. Le télétravail est une option qui convient parfaitement aux tâches qui exigent de la concentration. En tant qu’entreprise, nous avons donc décidé de laisser le champ libre aux employés qui l’apprécient. Je suis certaine que les régimes de travail souples seront à l’avenir plus répandus. Certains de nos clients nous ont annoncé qu’ils passaient en mode télétravail complet et permanent, c.-à-d. que leurs employés ne réintégreraient jamais leurs bureaux. D’autres nous ont mentionné leur intention de vendre leurs immeubles de bureaux et certains nous ont indiqué que leurs bureaux seraient convertis en zones de collaboration réservées aux équipes. À l’autre bout du spectre, d’autres entreprises nous ont annoncé qu’ils rapatrieraient éventuellement l’ensemble de leur effectif dans leurs bureaux. Comme vous pouvez le voir, le spectre des options possibles est large. Personnellement, je penche pour un modèle hybride. Je pense qu’il est intéressant de donner aux employés la possibilité de travailler à la maison lorsqu’ils doivent se concentrer pour obtenir de meilleurs résultats. J’ai moi-même eu recours à cette méthode au fil de ma carrière et j’ai eu beaucoup de succès. Par conséquent, dans mon cas particulier, je suis une tenante de ce modèle. Il importe néanmoins de comprendre que les interactions humaines, comme les rencontres fortuites dans les corridors et les discussions improvisées qu’elles provoquent, sont irremplaçables et nourrissent la collaboration. Rien ne peut remplacer cela. Voilà pourquoi il me tarde aussi de réunir les membres de mon équipe dans nos bureaux afin que nous puissions interagir comme des humains de nouveau, en face les uns des autres, et vivre quelques-uns de ces moments impromptus.
Lorrie King: C’est bien vrai et intéressant. Je pense que le modèle hybride dont vous parlez dans vos commentaires va presque certainement devenir la norme. Les gens se réuniront pour collaborer, mais ils auront tous un bureau à la maison. Après tout, s’ils l’ont fait pendant 15 mois, ils peuvent le faire encore. Et si vous avez un bureau fonctionnel à la maison, pourquoi ne pas continuer de l’utiliser?
Megan Hunter: C’est bien vrai. Je fais souvent des analogies entre une équipe de travail et une équipe de basketball. Chaque coéquipier peut, individuellement, perfectionner ses habiletés et atteindre un niveau d’excellence impressionnant. Toutefois, le jeu collectif souffrira immanquablement si les coéquipiers ne peuvent s’entraîner ensemble. Je suis d’avis qu’il est vraiment important de ne pas se contenter de perfectionner ses aptitudes individuelles, mais plutôt de se perfectionner en vue de générer un rendement collectif supérieur.
Lorrie King: J’adore cette analogie. Avec votre permission, je vais vous la voler et l’utiliser parce qu’elle est vraiment pertinente.
Megan Hunter: Je vous en prie.
Lorrie King: Changeons de sujet encore une fois. Dans votre profil des 100 femmes les plus influentes, vous citez une statistique de Forbes selon laquelle 65 % des véhicules sont achetés par des femmes et que les femmes influent sur 86 % des décisions d’achat de véhicules. Voilà des statistiques frappantes lorsqu’on les compare à la présence des femmes au sein du secteur de la fabrication des automobiles. À votre avis, quels obstacles le secteur doit-il abattre pour que les femmes soient plus nombreuses à y faire carrière et à y connaître assez de succès pour grimper dans la hiérarchie un peu comme vous avez été en mesure de le faire chez Martinrea?
Megan Hunter: Il est très difficile de répondre à cette question. À mon avis, les automobiles sont synonymes de liberté parce qu’elles nous permettent d’aller là où nous voulons, quand nous le voulons et c’est ce désir de liberté qui explique la passion qu’elles suscitent. S’il est vrai que dans certaines régions, les transports collectifs abondent, ils sont moins présents dans d’autres. L’automobile est vraiment alors un symbole de liberté. Elle est aussi un moyen d’exprimer sa personnalité. Certains styles de véhicules attirent plus certaines personnes que d’autres et en ce sens, le véhicule que vous conduisez reflète peut-être votre personnalité. Les femmes attachent assurément de l’importance au choix d’un véhicule et réagissent émotionnellement aux lignes de certains véhicules. Et je pense aussi que certaines apprécient la nature technique du secteur automobile, mais ce n’est peut-être pas le cas de toutes. Il faut donc, à mon humble avis, insister auprès des femmes sur les nombreux défis de notre secteur d’activités susceptibles de leur plaire. Les femmes excellent souvent à gérer simultanément plusieurs dossiers. Elles arrivent à gérer des horaires complexes et des situations délicates, des situations qui se présentent souvent dans le secteur de l’automobile, ce qui est excitant. Aucune journée ne ressemble à la précédente dans le secteur automobile. Voilà, à mon avis, des caractéristiques attrayantes pour de nombreuses femmes. J’estime aussi que le secteur a de nombreuses autres possibilités à offrir (outre celles, évidentes, dans le secteur des STIM et du génie), notamment dans les TI, la logistique des chaînes d’approvisionnement, les ressources humaines, le marketing, les communications et les ventes. Nous avons besoin de personnes solides et créatives et nous avons besoin de femmes à ces postes parce qu’elles apportent des idées exceptionnelles et qu’elles nous procurent un certain équilibre. Il faut vraiment arriver à faire comprendre aux femmes que notre secteur a beaucoup à leur offrir. Les femmes ne doivent pas non plus être effarouchées par les préjugés à propos du secteur de l’automobile et ne pas se laisser rebuter par certains mythes comme celui de l’incompatibilité d’une carrière au sein du secteur automobile avec la famille. C’est tout simplement faux. Il est possible d’y arriver. Il faudrait peut-être qu’un plus grand nombre de femmes sur le terrain transmettent ce message aux jeunes femmes qui arrivent sur le marché du travail. Il faudrait peut-être aussi déployer des efforts de marketing pour lutter contre cette image de domination masculine que projette notre industrie, car celle-ci est actuellement en voie de se transformer.
Lorrie King: Et vous véhiculez très bien ce message! Alors, nous tenterons de faire entendre ce balado par le plus grand nombre possible de gens et nous espérerons que beaucoup de femmes entendront le message. Je vous remercie de nous avoir accordé un peu de votre temps aujourd’hui. Ce fut vraiment fantastique de pouvoir vous parler. J’aime votre perception, j’aime le travail que vous accomplissez vous et les autres femmes de Martinrea, un chef de file du secteur. Encore une fois Megan, je vous remercie.
Megan Hunter: Merci, Lorrie, ce fut un plaisir.
Episode 1 : Conversation avec Susan Kenny, directrice d’une usine de fabrication de moteurs de Honda of Canada Mfg.
Transcription
Lorrie King: Bonjour, ici Lorrie King, associée principale chez Deloitte Canada. J’ai le plaisir de m’entretenir aujourd’hui avec Susan Kenny, directrice de l’usine de moteurs chez Honda of Canada Mfg. dans la ville enneigée d’Alliston. Susan figure parmi les 100 femmes influentes du secteur de l’automobile en Amérique du Nord. Il s’agit d’un programme d’Automotive News visant à reconnaître les femmes leaders du secteur de l’automobile qui font progresser la diversité, l’équité et l’inclusion au sein de ce secteur. Dans cette optique, Deloitte a réalisé un sondage auprès des professionnels du secteur de l’automobile afin d’avoir une vision plus claire du secteur et de trouver des pistes d’amélioration, sondage dont les constatations sont présentées dans notre rapport intitulé Les femmes au volant. Aujourd’hui, nous parlons à Susan de ses perspectives et de la façon dont elle a réussi dans un secteur qui n’est pas particulièrement reconnu pour la diversité, l’équité et l’inclusion. Elle nous fera également part de ses réflexions quant à ce que l’avenir nous réserve.
Bonjour, Susan.
Susan Kenny: Bonjour et merci de m’accueillir.
Lorrie King: Tout le plaisir est pour nous. Susan, aujourd’hui, les femmes représentent la moitié de la population active, mais seulement un quart de la main-d’œuvre dans le secteur de l’automobile. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre cheminement de carrière en tant que femme dans ce secteur et sur la façon dont vous avez tiré votre épingle du jeu dans cet environnement? Quelle était la réalité à vos débuts et comment le contexte a-t-il évolué?
Susan Kenny: J’ai commencé ma carrière dans le secteur de l’automobile en 1993. C’était peu de temps après avoir quitté l’université. Après mes études, j’ai occupé un poste à Ontario Hydro, mieux connu aujourd’hui sous le nom de Hydro One, pour ensuite accepter un emploi chez Honda. Si je repense à mon parcours dans ce contexte, je crois qu’il n’était pas très différent de celui de n’importe quelle jeune professionnelle qui tentait de décrocher un emploi après ses études. Mais je suis consciente qu’à l’époque, à de nombreuses occasions, j’étais la seule femme présente. Il n’y avait pas beaucoup de femmes dans ce secteur, mais en ce qui concerne mon parcours, je ne pense pas que mon expérience ait été si différente de celle des autres. Par contre, une chose qui a changé à mon avis depuis que j’ai accédé au marché du travail, que ce soit dans le secteur de l’automobile ou de l’électricité, c’est que les politiques gouvernementales étaient légion. Celle qui me vient à l’esprit, c’est l’action positive, qui était alors sur toutes les lèvres à l’époque. Même dans ce temps-là, on tentait d’améliorer l’égalité entre les sexes et l’égalité raciale au travail. Malheureusement, c’était essentiellement perçu comme un système de quotas, une simple question de représentation. Et cette action s’est souvent heurtée à beaucoup de résistance et d’incompréhension. Je crois que de nos jours, sans doute la plus grande différence du point de vue politique, c’est qu’il y a des mesures en place qui diffèrent de l’action positive et qui reposent plutôt sur une communication et une sensibilisation très efficaces. Le but, c’est de susciter une compréhension des raisons pour lesquelles la diversité dans les lieux de travail est si importante, pour que tout le monde sache que ce n’est pas une question de chiffres, mais que c’est la bonne chose à faire, la chose juste. Donc, selon moi, c’est l’une des plus grandes différences. Et bien entendu, je suis très heureuse d’affirmer que je ne suis plus la seule femme présente. Nous embauchons beaucoup plus de femmes. Cela dit, je crois que nous avons encore du chemin à faire avant de parvenir à la parité des sexes, d’atteindre le seuil de 50-50.
Lorrie King: Merci. Dans le même ordre d’idées, à votre avis, comment peut-on encourager plus de femmes à faire carrière dans le secteur de l’automobile?
Susan Kenny: C’est une très bonne question. Je travaille dans ce secteur depuis 28 ans et je crois que ce que nous ne faisons pas très bien, c’est de souligner les possibilités qu’il présente. Encore une fois, lors de mon entrevue pour le programme des 100 femmes les plus influentes, j’ai mentionné la perception selon laquelle il faut être un « gars de char », comme le veut l’expression, et aimer la mécanique. Alors que ce n’est pas le cas. Je crois qu’il y a beaucoup d’occasions dans ce secteur où les femmes peuvent exceller et qu’elles trouveraient intéressantes. Et notre secteur s’est engagé dans un virage monumental sans précédent, qui s’accompagne d’occasions et de défis considérables, sur lesquels les femmes peuvent selon moi avoir une grande incidence. Elles peuvent vraiment faire partie d’un tournant marquant et changer la vie des gens. Et je crois que c’est important de le faire valoir. On n’a qu’à penser à l’électrification, aux véhicules autonomes et aux technologies connectées, sans compter les usines intelligentes; ce sont tous des changements qui vont avoir des retombées énormes sur la façon dont les gens se déplacent et se rendent au travail. Et je pense vraiment que les femmes peuvent jouer un rôle de premier plan et y trouver leur compte. Je crois que nous pouvons présenter cela de manière à attirer plus de femmes dans ce secteur.
Lorrie King: C’est génial. Donc à partir du moment où l’on attire plus de femmes dans le secteur, quels sont à votre avis les obstacles que nous devons éliminer pour amener un plus grand nombre de femmes non seulement à décider de faire carrière dans le secteur de l’automobile, mais aussi à réussir et à accéder à des postes de direction dans leur organisation?
Susan Kenny: Comme je l’ai mentionné, je crois que nous devons mieux faire valoir les occasions que présente le secteur et les possibilités qu’il a à offrir. Ensuite, lorsque nous aurons attiré les femmes vers ce secteur, nous devons cesser de leur demander de se conformer à un certain modèle ou à tout autre cadre. Je crois que nous devons déterminer comment le marché du travail doit changer pour répondre à certains de leurs besoins. Et je crois que c’est vraiment le changement sur lequel nous devons tabler en milieu de travail. Si nous arrivons à faire ça, je crois que nous attirerons plus de femmes dans notre secteur. Et je pense aussi que, pour les aider à réussir dans des rôles de leadership, nous devons commencer par les échelons supérieurs. Il doit y avoir une sensibilisation ciblée et intentionnelle concernant les avantages de la diversité et aussi la notion des partis pris inconscients. Nous avons tous des partis pris inconscients. Je crois qu’il s’agit pour nous d’apprendre comment les repérer, puis de les modifier. Si nous y parvenons, je pense que nous aurons de bonnes chances d’accroître la diversité dans les rôles de leadership. Il y aura ensuite un effet boule de neige, car plus il y a de la diversité dans les rôles de leadership, plus il y a de chances que la diversité progresse dans le lieu de travail. Nous pourrons ainsi atteindre un équilibre où tout ce qui compte vraiment, ce sont nos compétences et nos habiletés. Et je crois que c’est ce que nous voulons tous. Je serais tentée de citer M. Honda, parce qu’il a été un pionnier il y a 50 ans lorsqu’il a démarré cette entreprise. M. Honda dirait qu’en atteignant une plus grande égalité, ce qui reste, ce sont les bonnes idées. Et nous laissons nos partis pris derrière nous.
Lorrie King: C’est vraiment génial. Qu’en est-il du rôle que jouent le parrainage et le mentorat? Parce que, comme vous le dites, il y a un effet boule de neige, mais cela doit commencer par quelqu’un. Et considérez-vous qu’il y a là une occasion d’assurer un meilleur parrainage ou un meilleur mentorat dans le secteur de l’automobile pour aider les femmes à réussir?
Susan Kenny: Oui, tout à fait. Je crois qu’un renforcement du parrainage est un facteur primordial qui va aider beaucoup de femmes à connaître du succès dans ce secteur. Nous devons faire appel à des gens dans des rôles de leadership pour que ces femmes aient une idée des possibilités qui s’offrent à elles. Et nous avons vraiment besoin de soutenir et de guider ces employées pour qu’elles demeurent au sein du secteur. Je crois en effet que c’est un aspect très important que nous devrions continuer à explorer et à exploiter.
Lorrie King: Parfait, merci! Allons un peu ailleurs : si vous pouviez remonter dans le temps, quel conseil donneriez-vous à la plus jeune version de vous-même au début de votre carrière?
Susan Kenny: En fait, c’est drôle, parce que face à cette question, c’est le mentorat qui me vient à l’esprit. Lorsque je songe à mes débuts dans le secteur et à certaines des habitudes qui m’habitent encore aujourd’hui, je peux dire que j’ai vraiment travaillé fort. Je me rappelle, il y a 28 ans, j’étais une jeune ingénieure et je travaillais d’arrache-pied chaque jour. Mais je dirais aussi que je n’ai pas toujours travaillé intelligemment et que je demandais rarement de l’aide. Je me repliais sur moi-même et j’essayais de me débrouiller. Je ne sais trop si c’est parce que j’étais la seule femme dans ce secteur. Ce que je sais très bien, c’est que le travail acharné porte toujours des fruits, et c’est mon mantra. Et la plupart du temps, cela a fonctionné pour moi. Mais je crois que si je revenais en arrière, je me dirais d’établir un lien avec un mentor ou quelqu’un qui peut m’aider et m’orienter. Et je crois que mon parcours n’aurait pas été aussi ardu et aurait peut-être été un peu plus passionnant. J’ai tout de même eu une carrière très enrichissante, mais avec le recul, je crois que c’est quelque chose que j’aurais fait différemment.
Lorrie King: C’est un excellent conseil pour les plus jeunes femmes qui gravissent les échelons : n’hésitez pas à demander de l’aide. Parce que je crois que nous avons probablement été nombreuses dans notre génération à hésiter à demander de l’aide. J’ai une dernière question, et j’ai bien aimé votre commentaire à ce sujet sur votre profil; à propos de l’équilibre entre le travail et la vie personnelle, vous dites que parfois Honda a eu le dessus, et parfois, c’est votre famille qui a eu le dessus. Dans le même esprit, notre rapport révèle que l’absence d’équilibre entre la vie professionnelle et personnelle était le deuxième problème le plus couramment évoqué qui empêche les femmes d’envisager une carrière dans le secteur de l’automobile. Il serait intéressant de connaître vos réflexions à ce sujet. Et encore une fois, quel conseil donneriez-vous aux femmes qui ont du mal à atteindre l’équilibre lorsqu’elles fondent une famille et qu’elles doivent élever des enfants? Et quelles sont certaines des habitudes et stratégies que vous avez adoptées avec le temps pour pouvoir atteindre vous-même cet équilibre?
Susan Kenny: Oui, c’est vraiment une question pertinente à laquelle il est très difficile de répondre. Pour moi, l’harmonie travail-vie personnelle a été tout un défi. Et au fil des années, j’ai vécu des périodes très difficiles sur le plan personnel. Je voyageais beaucoup et, lorsqu’il se passait des choses au travail, j’avais l’impression que je devais être là. Encore une fois, je dis à la blague que le secteur manufacturier ne dort jamais, donc il faut être disponible en tout temps. Bon, cela dit, je crois que j’ai réussi quelque peu à atteindre un équilibre convenable entre mon travail et ma vie personnelle. Et comme je l’ai dit dans mon autre entrevue, parfois le travail a eu le dessus, et parfois ma vie personnelle a eu le dessus; ce que je conseillerais, c’est que chaque personne prenne le temps de définir ce que l’équilibre travail-vie personnelle signifie pour elle. La situation est différente pour chacun, et nous devons établir des priorités. Par exemple, il y a 28 ans, mon équilibre travail-vie personnelle était totalement différent comparativement à il y a 20 ans, après la naissance de mon premier enfant. Et maintenant, à mesure que les enfants grandissent et partent pour l’université, c’est encore appelé à changer. Donc, à mesure que la définition change, la solution change aussi. Selon moi, il n’y a pas de formule gagnante pour atteindre cette harmonie. J’ai été très bien épaulée par mon conjoint. Mes beaux-parents nous ont beaucoup aidés quand les enfants étaient petits. Parfois, je prenais des vacances si j’avais besoin de repos. Cela fait partie des conseils que je donnerais. Et aussi, bon nombre d’entreprises se rendent compte que l’équilibre travail-vie personnelle est une priorité pour bien des gens qui accèdent aujourd’hui au marché du travail et ont commencé à déployer des efforts pour trouver des solutions. Je pense aussi que le secteur de l’automobile doit commencer à prendre des mesures en ce sens. Le télétravail est quelque chose que la pandémie a imposé à bon nombre d’entre nous, et nous avons constaté que ce n’est pas si mal, que ça peut fonctionner. Je crois qu’il faut miser davantage sur le télétravail et les heures flexibles, sans compter les salles d’entraînement sur place, le prolongement des voyages d’affaires pour qu’ils deviennent intéressants aux yeux des gens ou de simples gestes pour favoriser l’atteinte de cet équilibre chaque jour. Encore une fois, il s’agit de définir ce que cela signifie pour vous et de réfléchir à un éventail de solutions pour y parvenir, en sachant que la perfection n’est pas de ce monde.
Lorrie King: Absolument. Je crois que vous avez raison quand vous dites que l’équilibre travail-vie personnelle ne signifie pas nécessairement la même chose pour tout le monde. Je trouve que ce sont d’excellentes idées. Aussi, je tiens à vous remercier d’avoir été des nôtres aujourd’hui. Vos conseils sont très judicieux, et souhaitons que la diversité, l’équité et l’inclusion continuent de progresser au sein du secteur de l’automobile. Je suis enchantée d’avoir pu m’entretenir avec une pionnière de ce secteur. Merci beaucoup du temps que vous nous avez consacré.
Susan Kenny: Merci de m’avoir accueillie. J’apprécie le temps que nous avons passé ensemble.
Lorrie King: Prenez soin de vous.