Assuring digital equity and literacy for all

Perspectives

Le rôle du gouvernement dans l’avenir

Façonner le rôle du Canada sur la scène internationale d’aujourd’hui

Figurant régulièrement parmi les pays où il fait bon vivre, le Canada jouit des avantages d’un système politique démocratique, d’une économie forte reposant sur le commerce international, d’une société multiculturelle enrichie par l’immigration et d’une bonne réputation de politique étrangère avant-gardiste et fondée sur les valeurs. Ces avantages sont liés à la stabilité mondiale, à l’ordre international fondé sur des règles et à l’intégration dans l’économie mondiale.

Cependant, l’instabilité généralisée menace les attributs mêmes du système international qui soutient la prospérité économique, politique et culturelle du Canada. La nécessité de consolider les institutions internationales est grandissante, mais le Canada n’est pas prêt à agir – son influence mondiale s’est affaiblie ces dernières années en raison de politiques incohérentes, documentées de façon sporadique et insuffisamment financées dans des domaines comme les relations internationales, la sécurité et la défense.

Que peut-on faire pour inverser la tendance et améliorer la position du Canada sur la scène mondiale? 

Au cours des derniers mois, des leaders de Deloitte se sont réunis pour examiner l’évolution du rôle de l’État dans ce domaine et faire le point sur la situation des relations internationales du Canada. Notre ambition collective pour le Canada est la suivante : centrer la politique étrangère sur l’importance de la stabilité mondiale qui est maintenue par un ordre international fondé sur des règles et protégée par une approche collective en fait de sécurité et de défense. En tant qu’allié et partenaire de confiance, le Canada serait bien accueilli dans les divers efforts des Nations Unies, d’autres organismes intergouvernementaux et d’alliances, par l’intermédiaire desquels il pourrait exercer une influence qui concorde avec sa position favorable au sein de la communauté internationale.

Cet article fait partie de la série intitulée Le rôle du gouvernement dans l’avenir, qui examine les tendances incitant les gouvernements à agir et cherche à fournir aux gouvernements canadiens des idées audacieuses pour les aider à résoudre les problèmes sous-jacents. Le rôle du gouvernement évolue, et nous en rendre compte est à la base de nos travaux. Lisez notre premier rapport, intitulé Le rôle du gouvernement dans l’avenir, pour une mise en contexte.

Ces dernières années, de nombreux événements perturbateurs ont mis à rude épreuve la stabilité diplomatique, économique et militaire du monde entier. Une pandémie mondiale, le réchauffement de la planète, la montée des réseaux extrémistes, l’intensification de la guerre de l’information et les avancées sur le plan de l’armement menacent la sécurité, exhortant la communauté internationale à réagir. Ces facteurs, entre autres, pressent le Canada de repenser son approche vis-à-vis des relations internationales et d’adopter une politique étrangère plus délibérée et stratégique. Il devrait notamment déterminer le rôle de leadership qu’il souhaite assumer, les leviers politiques dont il a besoin, ainsi que les partenaires nationaux et étrangers avec lesquels collaborer pour atteindre ses objectifs.

Situation actuelle des relations internationales

Le Canada est confronté à des défis de politique étrangère, qui affaiblissent sa position mondiale, dans quatre domaines clés : évolution des valeurs et détérioration des relations stratégiques, diminution de la reconnaissance de sa stature diplomatique, diminution de la pertinence en raison du manque d’innovation et de progrès technologiques, et faible résilience économique et démocratique.

Évolution des valeurs et détérioration des relations stratégiques

La diminution de l’influence diplomatique et l’absence d’un examen exhaustif de la politique étrangère3 ont affaibli l’expression des valeurs canadiennes et limité l’incidence des relations stratégiques du pays à l’échelle internationale4, ce qui a eu pour effet de nuire à son aptitude à établir des priorités et à participer de manière significative à des organisations comme les Nations Unies et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), d’orienter les discussions du Groupe des sept (G7), et de contribuer aux efforts humanitaires et de renforcement des capacités à long terme.

La position du Canada est davantage compliquée par l’évolution des allégeances et l’érosion des alliances. La politique étrangère de son allié le plus proche, les États-Unis, a grandement fluctué au cours des dernières années, remettant en cause l’aptitude du Canada à s’appuyer sur la constance de ses homologues et obligeant le gouvernement à élaborer une orientation stratégique proprement canadienne, par exemple.

Afin d’écarter des critiques légitimes et d’autres risques pour la réputation, le Canada doit par ailleurs éviter d’être influencé par des cycles politiques nationaux à court terme et veiller à ce que ses positions fondées sur les valeurs soient soutenues par un investissement constant et pluriannuel dans les ressources. Il doit prendre les mesures appropriées pour atténuer les risques et s’assurer que sa politique étrangère soit en phase avec ses valeurs et ses objectifs à long terme5.

Diminution de la reconnaissance et des capacités d’établissement de priorités

La stature diplomatique du Canada se trouve amoindrie en raison de sa récente approche à l’égard des relations internationales et de ses investissements limités dans le leadership. Au cours des 15 dernières années, le taux élevé de roulement parmi les ministres fédéraux, dont le mandat a été en moyenne de moins de 18 mois, a entraîné un manque d’uniformité qui, au bout du compte, entrave la capacité du pays à exercer une influence internationale et à gérer d’importantes institutions fédérales.

Le manque de stabilité et de ressources nuit à l’efficacité du leadership et de l’orientation, et la diminution du nombre et de l’expérience des agents de politique étrangère exacerbe le problème.

Si l’absence d’une plateforme de politique étrangère délibérée procure au gouvernement la souplesse nécessaire pour gérer les problèmes au quotidien, elle a également une incidence sur la capacité des missions diplomatiques de communiquer efficacement avec leurs homologues et de gérer leurs priorités. Puisque la plupart des enjeux de politique étrangère ne sont pas consignés par écrit, les missions doivent régulièrement communiquer avec Affaires mondiales Canada pour connaître les points de vue et les priorités, ce qui ralentit la réponse, centralise la réflexion, et restreint le dialogue et la diplomatie innovants. De plus, le personnel des missions est souvent freiné par des normes ou des programmes partisans à un moment donné, ce qui entrave son autonomie et l’exercice de ses compétences.

Bref, le manque d’encadrement nuit à la capacité du Canada de négocier des accords optimaux avec d’autres pays et avec des organismes internationaux.

Diminution de la pertinence de l’innovation technologique

Le Canada n’a pas de stratégie robuste pour réaliser des progrès technologiques en lien avec la sécurité nationale, la sécurité de la chaîne d’approvisionnement et les organisations de défense, et il a été critiqué pour la lenteur avec laquelle il adopte ces technologies. Cette situation le rend plus vulnérable aux acteurs malveillants – dont beaucoup agissent hors des frontières canadiennes – qui cherchent à exploiter les failles de sécurité, le peu de sensibilisation à la cybersécurité et le retard technologique dans le but de compromettre les cybersystèmes du gouvernement et des organisations privées.

Cela rend par ailleurs le pays moins attrayant en tant que partenaire dans d’importants forums stratégiques de défense comme le partenariat de sécurité entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis (AUKUS) et la Secure and Competitive Resilience Initiative (SCRI), dont le Canada est exclu.

L’absence d’attention et d’investissements nationaux dans les infrastructures technologiques essentielles et les politiques de soutien augmente aussi le risque de problèmes d’interopérabilité, et entrave le partage sécurisé de renseignements confidentiels avec les principaux alliés et partenaires. Bien que les avantages des drones, des machines qui augmentent les capacités humaines (p. ex., des membres robotisés), des véhicules aériens sans équipage et des capteurs de connaissance situationnelle soient bien établis, le Canada a tardé à mettre au point une infrastructure infonuagique classifiée protégée et à utiliser l’intelligence artificielle (IA) dans le cadre des opérations militaires et de sécurité nationale.

Étant donné que l’échange d’informations est crucial pour les opérations multidomaines entre les pays du Groupe des cinq (Gp5) et de l’OTAN, il est essentiel d’accélérer la modernisation technologique. L’amélioration de la sécurité des plateformes infonuagiques nationales classifiées de sécurité et de défense du Canada, ainsi que la collecte, la transmission et le traitement plus efficaces de grandes quantités de données, l’analytique en temps réel et la prise de décisions éclairées, aideraient le pays autant que ses partenaires.

Faible résilience économique et démocratique

La force économique du Canada et son engagement en faveur de la résilience démocratique sont essentiels à sa position mondiale. L’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) de 1994 a stimulé une croissance économique remarquable, faisant du Canada l’un des premiers pays du G7 ou du Groupe des vingt (G20) à disposer d’un vaste réseau d’accords de libre-échange. Grâce à des liens commerciaux avec 51 pays et 1,5 milliard de consommateurs, la prospérité économique du Canada a été renforcée par son réseau commercial étendu, favorisant ainsi les liens économiques avec des alliés démocratiques et des partenaires diversifiés.

Au-delà des gains économiques, le Canada utilise ses relations commerciales aux fins de priorités plus larges. Par exemple, l’Accord de libre-échange Canada-Chili comprend un chapitre innovant sur le commerce et l’égalité des sexes, qui met en lumière une approche novatrice de coopération bilatérale visant à accroître les possibilités offertes aux femmes6. Cherchant à reproduire ces succès, le Canada aligne ses efforts commerciaux sur son programme international.

En même temps, les pays doivent protéger leurs capacités nationales pour des raisons de sécurité autant qu’économiques. Les inquiétudes soulevées par l’acquisition de Nexen en 2012 par une société d’État chinoise, par exemple, soulignent la nécessité de protéger les secteurs stratégiques pour la sécurité nationale7. À l’avenir, les technologies émergentes comme l’IA, l’énergie propre et l’informatique quantique feront en sorte que l’accès à des capacités technologiques spécifiques et aux minéraux critiques sera essentiel pour la résilience économique à long terme. Par conséquent, le Canada devrait s’efforcer de tirer parti de lois comme la Loi sur Investissement Canada de façon à protéger son accès aux ressources et aux capacités clés.

Remédier aux pénuries de main-d’œuvre est également important pour la santé économique du Canada. Des initiatives comme les programmes des candidats des provinces, qui offrent à des travailleurs qualifiés une voie vers la résidence permanente, reconnaissent ce besoin, mais les lourdeurs bureaucratiques en entravent l’efficacité8. Pour attirer des immigrants qualifiés afin de combler le manque de talents, les processus d’immigration peuvent être simplifiés.

Il est primordial de comprendre les liens entre santé économique, sécurité et résilience démocratique. Prioriser la durabilité économique et la sécurité sociale place le Canada dans une position lui permettant de surmonter les crises et de contribuer à la stabilité internationale, alors qu’exploiter ses forces économiques et démocratiques permet au pays d’émerger en tant que chef de file mondial voué à la promotion d’une communauté internationale stable et résiliente.

Aperçu des préoccupations

Les changements écologiques présentent à la fois des possibilités et des défis. Par exemple, le réchauffement des océans ouvre dans l’Arctique des voies navigables qui étaient autrefois gelées, ce qui crée de nouvelles routes commerciales et de nouvelles perspectives de ressources en même temps que des risques environnementaux.

Les relations tendues avec les alliés traditionnels réduisent la pertinence internationale du Canada à un moment où la concurrence géostratégique et les risques liés à la Chine et à la Russie augmentent1.

L’érosion du respect d’un ordre international fondé sur des règles menace la sécurité et la prospérité. Des événements comme l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie perturbent la paix mondiale et ont des répercussions sur les chaînes d’approvisionnement, l’économie et la fourniture d’énergie2. Les mouvements populistes aux États-Unis et en Europe menacent des institutions comme l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), les Nations Unies et l’Union européenne, et entravent la coordination des réponses aux menaces mondiales.

Les périodes de turbulences exigent une harmonisation entre les valeurs fondamentales du Canada et les intérêts nationaux. Des décisions comme celle de limiter la participation de Huawei dans les réseaux de cinquième génération (5G) au pays illustrent l’équilibre complexe entre la politique étrangère et les considérations économiques, ce qui a des conséquences tant pour les particuliers que pour les entreprises. 

Recommandations

Pour aider le gouvernement fédéral à relever ces défis et à retrouver une réputation internationale de leader respecté, nous avons élaboré de nombreuses recommandations ciblées. Elles sont organisées autour de quatre axes : les gens et le leadership, les politiques et les processus, la technologie, et la collaboration.

Gens et leadership

Quelles mesures les leaders peuvent-ils prendre pour améliorer la réputation du Canada sur la scène mondiale?

Moderniser la formation professionnelle des diplomates afin de distinguer le Canada en tant que puissance internationale

Pour relever des défis mondiaux comme les changements climatiques, il faut un corps diplomatique faisant preuve de dynamisme et de persévérance, possédant de vastes connaissances, et qui est capable d’équilibrer les enjeux régionaux, sectoriels et particuliers tout en renforçant la sécurité nationale du pays et en recueillant des renseignements. Une collaboration constante entre Affaires mondiales Canada et des ministères comme le Bureau du Conseil privé et les organismes de développement économique et d’innovation est essentielle à l’élaboration d’une politique étrangère prospective à long terme. 

Toutefois, la perte de diplomates qualifiés et expérimentés en raison des départs à la retraite et de la réduction des coûts a affaibli la capacité diplomatique du Canada. Pour la renouveler, les campagnes de recrutement peuvent viser à resserrer les liens entre le service extérieur et les établissements d’enseignement9. Moderniser la formation professionnelle en mettant l’accent sur les compétences diplomatiques contemporaines et l’utilisation des sciences et des technologies contribuerait à renforcer l’identité des affaires étrangères. Les gens seraient ainsi bien informés sur les priorités du Canada, et sur les coutumes, les traditions, l’histoire et les priorités d’autres pays10.

Mettre l’accent sur les rôles de leadership pour soutenir la politique étrangère publique du Canada

Bien qu’il participe à diverses tribunes internationales sur le commerce, notamment le Conseil de l’Arctique et l’OTAN, le Canada n’a qu’une influence mondiale limitée. Pour redynamiser son rôle, il peut s’efforcer d’assumer des fonctions de leadership ou des fonctions de soutien clés au sein d’organisations internationales qui profitent aussi aux Canadiens, comme les groupes de travail sur le développement durable ayant pour but d’améliorer les conditions de vie dans l’Arctique.

Au pays, une approche pangouvernementale visant à former des leaders solides, capables de trouver un équilibre entre la compréhension des besoins des Canadiens et l’ouverture aux suggestions et à la critique constructive, constituerait une initiative positive. Un leadership efficace, dans une démocratie, donne la priorité au bien-être et aux aspirations des gens qui sont dirigés.

Politiques et processus

Quelles valeurs et quels investissements le gouvernement peut-il réaliser pour rehausser la situation du Canada sur la scène internationale?

Revoir les processus de politique étrangère et d’élaboration de politiques

L’absence d’intérêts nationaux clairement définis au Canada se traduit par une approche de politique étrangère purement réactive face aux défis géopolitiques. À titre d’exemple, l’incapacité du Canada à élaborer de manière préventive une stratégie globale de renégociation de l’ALENA a compromis son aptitude à faire avancer les priorités nationales lorsque l’administration Trump a menacé de quitter l’accord et ainsi forcé les renégociations.

Pour éviter un tel désavantage à l’avenir, le Canada doit adopter une approche proactive. Le processus commencerait par un examen approfondi des politiques fondées sur des intérêts ou des valeurs, auquel participeraient des spécialistes et des ministres concernés. Le résultat de l’examen orienterait l’élaboration d’un ensemble de politiques, ainsi que de plans et de ressources pour la mise en œuvre, qui refléteraient la vision mondiale actuelle du pays. Ainsi alignée sur les valeurs contemporaines, les intérêts et les tendances mondiales émergentes – comme les stratégies visant à protéger l’Arctique contre les attaques, le maintien de la paix dans les pays en développement, l’aide aux réfugiés et la promotion de l’égalité des sexes –, cette nouvelle politique étrangère contribuerait à rehausser la voix et l’influence du Canada à l’échelle mondiale. Elle offrirait également aux leaders canadiens de tous les secteurs une tribune leur permettant de cerner de manière proactive les dilemmes internationaux, les pressions croissantes et les incertitudes, et à s’y préparer.

Enfin, pour s’assurer que les priorités nationales du Canada reflètent les tendances géopolitiques en constante évolution, il faut renforcer les relations de renseignement avec les puissances étrangères afin d’échanger de l’information, de nouer des alliances stratégiques et de prendre des décisions politiques fondées sur des données probantes.

 

 

Réagir à l’incertitude sur la scène mondiale

Dans les relations internationales, le « dilemme de sécurité » est un concept décrivant une situation dans laquelle les efforts d’un État pour renforcer sa sécurité sont perçus comme une menace par d’autres États, ce qui affaiblit en fin de compte sa sécurité. Il témoigne de l’incertitude liée aux tentatives de prédire les réactions des autres. 

Pour consolider sa position tout en atténuant un dilemme de sécurité, le Canada peut tirer parti de la prévoyance stratégique et favoriser une « gouvernance préventive », laquelle implique l’analyse systématique des forces motrices et des tendances avant de formuler des stratégies. Bien que les approches varient, le processus consiste à cerner les principaux catalyseurs, à prévoir leur incidence et à les recombiner en vue d’anticiper les résultats potentiels, en particulier pour les questions concernant la paix et la sécurité.

 


Lier les contributions aux intérêts nationaux pour accroître le pouvoir de convaincre

Le pouvoir de convaincre d’une nation peut être maximisé auprès de nations aux vues similaires lorsque sa politique étrangère concorde avec ses valeurs et ses intérêts nationaux. Le Canada peut agir en ce sens en appuyant des programmes d’aide dans des domaines comme la souveraineté autochtone, l’égalité des sexes, la diversité culturelle, l’inclusion et la distribution des richesses provenant des ressources nationales comme la pêche, l’énergie et les minéraux. Ses messages et son influence diplomatiques seront ainsi plus uniformes et plus cohérents. 

Déterminer comment augmenter le pourcentage du produit intérieur brut (PIB) consacré aux dépenses de défense et à l’aide internationale

En 2023, les dépenses prévues au budget du Canada pour la défense représentaient 1,29 % de son PIB, en deçà de ses engagements envers l’OTAN et suscitant des inquiétudes quant à sa fiabilité en tant que partenaire de défense. Pour remédier à cette situation, le pays peut élaborer un plan d’investissement visant à atteindre ou à dépasser l’objectif de 2 % de l’OTAN à long terme11. Un possible modèle à suivre est celui du Danemark, caractérisé par des accords de défense non partisans qui codifient les responsabilités du gouvernement quant à l’affectation de ressources constantes aux forces armées au-delà des cycles électoraux, favorisant ainsi la confiance dans son Parlement. L’adoption d’une approche semblable ferait du Canada un acteur responsable qui investit proportionnellement dans la sécurité mondiale et qui harmonise ses principes au-delà des positions des partis.

Reconnaître l’intersectionnalité des secteurs de dépenses et encourager le gouvernement à travailler dans une structure horizontale 

Il y a des avantages à cerner les défis et les occasions concernant différents secteurs de dépenses qui influent sur la scène internationale. Cela facilite la coordination des efforts et permet de s’assurer que les solutions proposées tiennent compte des répercussions dans divers secteurs. Par exemple, l’évolution des cibles d’immigration a une incidence sur l’économie et sur les relations entre les pays. Le gouvernement du Canada peut équilibrer les intérêts de façon stratégique en adoptant une approche intersectionnelle pour favoriser la collaboration entre des ministères comme Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et Affaires mondiales Canada. 

L’approche intersectionnelle consiste aussi à examiner les préoccupations intersectorielles. L’Arctique en est un exemple : l’absence d’une importante base militaire12 dans la région menace la souveraineté du Canada et diminue son influence au sein du Conseil de l’Arctique. En explorant des outils et des processus novateurs d’autres ministères ou secteurs gouvernementaux susceptibles d’être appliqués à ces enjeux, les dirigeants pourraient trouver une meilleure solution afin de préserver la sécurité et la souveraineté du pays tout en tenant compte des préoccupations environnementales dans l’Arctique plus activement qu’ils ne l’auraient fait en n’examinant que les options traditionnelles.

Technologie


Quelles technologies le gouvernement peut-il mettre en œuvre pour l’aider à conserver une pertinence mondiale dans l’esprit des nations alliées?

Tirer profit de l’informatique quantique et de l’IA

Les cybercriminels exploitent les lacunes de sécurité, le manque de sensibilisation et les technologies émergentes pour compromettre les cybersystèmes des organisations publiques et privées. Face à ce risque, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux peuvent inciter les secteurs à investir dans l’informatique quantique et les outils d’IA pour tester des scénarios probabilistes afin de déterminer la probabilité de violations de données et d’élaborer des stratégies d’intervention efficaces13. Cela améliorerait la sécurité pour la rendre en phase avec les progrès mondiaux en fait de cybersécurité et rehausserait la résilience nationale face aux menaces externes.

Adopter les technologies émergentes et moderniser l’approvisionnement pour les déployer rapidement

Le Canada peut explorer le déploiement de technologies numériques de pointe de manière sécuritaire et efficace afin de renforcer ses capacités dans les ministères clés. Il doit de plus améliorer l’agilité et la rapidité de ses processus d’approvisionnement de sorte qu’il puisse acquérir sans délai l’équipement numérique nécessaire, car le fait de ne pas utiliser l’IA pour la défense accroît la vulnérabilité du personnel et des opérations des Forces armées canadiennes au fil du temps. 

Comme les conflits comportent de plus en plus de cyberéléments, le Canada peut aussi adopter une approche stratégique axée sur l’avenir pour améliorer ses capacités technologiques et sa résilience afin d’assurer la sécurité nationale. Par exemple, il pourrait améliorer ses capacités militaires et de sécurité nationale en tirant parti de l’IA et des technologies quantiques avancées pour optimiser la prise de décisions, l’affectation des ressources et l’efficacité globale des processus d’approvisionnement de la défense14.

Mettre en œuvre un réseau infonuagique pour la sécurité nationale et la défense

Les opérations multidomaines auxquelles participent le Groupe des cinq, les pays de l’OTAN, la communauté du renseignement et le Groupe des cinq sur la frontière s’appuient sur des plateformes en réseau pour échanger de l’information. Actuellement, le Canada n’a pas de réseau infonuagique souverain protégé B et classifié, et cela nuit non seulement à sa capacité de recueillir, de transmettre et de traiter efficacement d’importants volumes de données aux fins d’analyse en temps réel, ce qui est essentiel à la sécurité nationale et à la défense, mais compromet également son interopérabilité avec ses alliés de confiance, en particulier les États-Unis et Le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD).

Le Canada doit par conséquent mettre en place un réseau infonuagique de sécurité nationale et de défense. Cela faciliterait l’échange sécurisé de données entre alliés, permettrait une analytique avancée et éliminerait le cloisonnement de l’information en plus de soutenir les opérations de commandement et de contrôle infonuagiques (CBC2).

Mettre l’accent sur la communication par satellite

La situation concernant la sécurité dans la région de l’Arctique canadien est de plus en plus préoccupante en raison de l’absence de bases militaires importantes et de capacités pour faire respecter la souveraineté à longueur d’année15. Les contributions que le Canada a apportées au NORAD au début de la Guerre froide ont pris de l’âge : systèmes de surveillance radar désuets, emplacements d’opérations aériennes avancées de base, réponse partielle des intercepteurs, satellites de la mission de la Constellation RADARSAT pour la surveillance maritime et le Microsatellite de surveillance maritime et de messagerie (M3MSat) pour la localisation des navires et la gestion du trafic maritime16. Ces capacités limitées céderaient face à une action hostile, même modérée.

Pour relever ce défi, le Canada devrait se fixer pour objectif d’actualiser sa politique de défense afin de rassurer ses propres citoyens et les États-Unis de son engagement à l’égard de la défense continentale. La mise à jour peut présenter des plans et allouer des ressources pour remplacer le Réseau d’alerte avancé (Réseau DEW) par des systèmes avancés capables de détecter les menaces à longue portée et à faible visibilité. La nouvelle politique de défense peut aussi prioriser l’actualisation de l’infrastructure afin d’appuyer les chasseurs F35, les communications continues dans l’Arctique par l’intermédiaire du Projet de télécommunications par satellite tactique à bande étroite – couverture géosynchrone (TNS-GEO) et du Projet de communications par satellite améliorées – Polar (PCSA-P), ainsi que l’identification de bases d’étape stratégiques et de carrefours de soutien opérationnel pour projeter la force du Canada dans sa souveraineté et ses intérêts nationaux17.

À long terme, les investissements du pays dans les infrastructures et les technologies militaires, de défense et spatiales démontreront son aptitude à maintenir un contrôle stratégique sur la région arctique.

Collaboration

De quelle façon le gouvernement canadien peut-il améliorer la collaboration et promouvoir une plus grande sensibilisation entre les groupes nationaux et les gouvernements étrangers?

Utiliser les technologies spatiales et liées aux plateformes infonuagiques pour les alliances prioritaires

Le Canada peut s’efforcer d’améliorer ses capacités de sécurité nationale en tirant parti de technologies de pointe avec compétence, notamment dans les domaines de l’infonuagique et spatial, pour aider ses alliés et s’aider lui-même. Par exemple, l’offre de données provenant des satellites RADARSAT, du PCSA-P et des réseaux de connaissance de la situation spatiale contribuerait à renforcer les relations, en particulier avec les alliés qui ne disposent pas de leurs propres ressources spatiales. Le développement énergique de réseaux infonuagiques souverains protégés B et classifiés permettrait au pays de maintenir son interopérabilité avec ses principaux alliés (comme nous l’avons mentionné précédemment) et d’appuyer les plus petits grâce à la communication numérique.

À mesure que le Canada améliore ses capacités, il peut servir d’exemple à d’autres pays et partager du matériel avec ses alliés prioritaires. Cela l’aiderait à redevenir un membre clé de la communauté internationale du renseignement, un membre qui pourrait favoriser un plus grand partage des données entre les alliés et susciter l’intérêt d’autres pays partenaires, tout en renforçant sa position et son influence dans le contexte de la sécurité mondiale.

Adopter une approche coordonnée de littératie relative à la sécurité pour accroître la résilience

Étant donné les connaissances limitées sur le plan de la sécurité, le gouvernement ne s’est pas engagé à gérer les risques liés à la sécurité et à la cybersécurité. Pour remédier à cette situation, Affaires mondiales Canada, les organismes de sécurité nationale et de défense et les partenaires provinciaux et internationaux peuvent collaborer afin de mieux comprendre les risques pour la sécurité dans les secteurs économique, social, environnemental et de la sécurité. Un tel engagement en faveur d’une meilleure connaissance de la sécurité pourrait permettre d’accroître la résilience dans les secteurs d’infrastructure essentiels et d’atténuer de manière proactive les risques liés à la sécurité et à la cybersécurité18.

Collaborer pour améliorer les conditions de vie au pays et à l’étranger, attirer les immigrants et encourager les nouveaux arrivants à rester 

Le Canada peut adopter une approche globale pour harmoniser ses priorités humanitaires avec les efforts visant à attirer des travailleurs qualifiés d’autres pays et à faire en sorte qu’ils soient heureux ici. Pour y parvenir et rehausser sa notoriété dans la communauté internationale, le gouvernement fédéral doit collaborer avec les organisations non-gouvernementales (ONG), les établissements d’enseignement postsecondaire et les associations professionnelles pour :

  1. Donner l’exemple. Repérer et corriger les lacunes dans les programmes nationaux pour améliorer le système de soutien des Canadiens et démontrer une gouvernance efficace;
  2. Soutenir les efforts humanitaires à l’étranger. Investir pour aider les États à libérer des capacités et à améliorer la vie des citoyens grâce à des politiques sociales efficaces et à des réformes gouvernementales;
  3. Encourager la migration de travailleurs qualifiés vers le Canada en simplifiant les processus d’immigration.


(Pour obtenir d’autres de nos réflexions sur la façon d’outiller la main-d’œuvre canadienne en vue d’un avenir où les besoins en fait de compétences évoluent, lisez l’article sur la requalification et le choix du bon modèle de dotation dans la série Le rôle du gouvernement dans l’avenir.)

Faire progresser l’expertise en défense au niveau provincial et territorial

La collaboration du gouvernement fédéral avec les provinces et les territoires quant à la défense se concentre généralement sur les résultats économiques et l’attribution de contrats de défense pour encourager les investissements provinciaux dans ce domaine. Par exemple, la Stratégie nationale de construction navale accorde des contrats en fonction de l’incidence économique positive attendue dans les régions où les travaux sont exécutés.

Cependant, cette stratégie ne donne pas la priorité aux initiatives favorisant un écosystème de défense. Les provinces et les territoires peuvent accroître leurs efforts et élaborer leurs propres écosystèmes et leur propre expertise en investissant dans la recherche, le développement, l’éducation et l’infrastructure au moyen de missions de collaboration avec des organisations publiques et privées et des organisations de premier ordre. L’acquisition de connaissances et de compétences internes permettrait aux provinces de mieux tirer parti des possibilités offertes par les contrats de défense, d’établir une solide base industrielle de défense au Canada et de réduire le recours à des sources externes (entreprises et pays étrangers) pour les capacités de défense.

Conclusion

Notre souhait est de voir un Canada qui utilise efficacement ses ressources énergétiques, alimentaires et hydriques et qui optimise ses données et ses capacités d’IA, un pays qui est considéré comme un partenaire d’affaires et de défense décisif et qui est reconnu pour ses compétences relatives aux politiques d’immigration, au climat et à la sécurité nationale.

Selon notre idéal de sa situation future, le Canada pourra :

  • Profiter d’un corps diplomatique efficace et compétent, capable de rétablir la réputation et l’influence du pays. Une refonte de la situation diplomatique, de la reconnaissance et des priorités redynamisera le leadership canadien en mettant l’accent sur le maintien de la paix dans l’Arctique et dans le monde;
  • Maintenir des valeurs et des investissements stratégiques ciblés qui augmentent la force intérieure du pays et contribuent à son pouvoir de convaincre, lui permettant ainsi d’avoir une incidence positive sur la scène mondiale. Par ailleurs, le pays sera en mesure de respecter son engagement envers l’OTAN de consacrer 2 % de son PIB à la défense, et de se positionner en tant qu’acteur égal au sein de l’alliance19;
  • Investir dans des alliances et la résilience pour l’Arctique grâce aux technologies les plus récentes, notamment l’informatique quantique et l’IA, et aux technologies émergentes d’observation, de communication et de sécurité, afin de faire du Canada un pays fiable, bien informé et prêt à affronter rapidement d’éventuelles menaces envers sa souveraineté et celle de ses alliés.

Notes de fin

Merci à nos contributeurs principaux, Lucia Nalbandian et Justin Del Negro.

Avez-vous trouvé ceci utile?