Point de vue

Les risques ESG, le long chemin vers la transparence

Les points clés à retenir

  • L'Autorité Bancaire Européenne (ABE) a publié un draft ITS à propos des informations sur les risques ESG que les banques devront présenter dans le cadre du Pilier 3. Cette publication est la dernière d’une série d’initiatives au niveau de l’UE, dans le cadre de la présentation des risques ESG. Il nous semble essentiel que les banques acquièrent une compréhension globale et commune de la manière dont ces diverses initiatives s’articulent afin d’identifier les synergies et dépendances entre les différentes exigences.
  • A partir de Juin 2022, les banques seront tenues de présenter des informations quantitatives sur leurs expositions aux risques liés au climat incluant le risque physique et le risque de transition. Elles devront présenter en outre des informations qualitatives au sujet de leurs expositions à tous les risques ESG.
  • La proposition de texte s’appuie sur la taxonomie verte européenne et le « Green Asset Ratio » ou GAR. L’utilisation de ce langage commun que constitue la taxonomie est essentielle ; elle permet en effet d’identifier si un actif peut être considéré comme « vert » à partir d’une classification et d’indicateurs normalisés. Elle n’est toutefois obligatoire que pour les émetteurs de l’Union Européenne dépassant certains seuils.
  • La mise en œuvre de ce reporting Pilier 3 suppose une discipline importante des entreprises clientes (standardisation et qualité des informations fournies au marché) ainsi qu’un investissement conséquent dans la collecte des données pour les banques. La collecte de données constitue un important défi et les progrès dépendent aussi de l’avancement des autres initiatives européennes. Les banques dépendront directement des données fournies par les contreparties ou via des fournisseurs tiers afin de pouvoir répondre aux exigences du Pilier 3. La question du coût d’obtention de ces données, notamment pour les banques de taille moyenne, se pose également.

Dans le cadre du Pilier 3, l’ABE a publié un draft ITS de normalisation de présentation des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Le document définit les informations quantitatives sur les risques climatiques et les informations qualitatives sur les risques ESG au sens large.

Ce document consultatif est complémentaire à la réponse de l’ABE à un avis de la Commission Européenne sur les indicateurs clés et les méthodologies de présentation des activités ESG, alignés sur la taxonomie européenne.

Plus précisément, la réponse de l’ABE présente le ratio vert pour les banques, tandis que le projet de règlementation fournit des informations sur la présentation de ce ratio. Ce projet s’inscrit dans le cadre de l’évolution rapide de la réglementation à propos de la présentation des risques climatiques.

Le financement des activités vertes est l’un des principaux piliers de la stratégie du Pacte Vert pour l’Europe. Cette publication est la première d’une longue liste de publications prévue par l’ABE qui porte sur les indicateurs et les informations clés, comme indiqué dans son plan d’action pour la finance durable.

Qui est concerné par cette réglementation ?

Cette réglementation s’appliquera aux banques de l’UE cotées sur un marché réglementé d’un état membre de l’UE. Bien que cette réglementation ne soit bien sûr pas applicable au Royaume-Uni, elle pourra être intéressante pour le secteur bancaire britannique car elle donne une indication sur les attentes possibles des autorités britanniques en matière de risques ESG. Par ailleurs le guide du Forum sur les risques financiers liés au climat (CFRF – Climate Related Financial Risk Forum) a recommandé aux banques britanniques d’inclure dans leurs reportings toutes les informations liées à la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD), y compris les rapports du Pilier 3, d’ici 2022.

Les différents piliers du Pacte Vert pour l’Europe


Quel est le calendrier ?

Ces règles seront applicables en pratique à partir du 31.12.2022 (une seule publication la première année) puis deux fois par an. Il est prévu une phase de transition jusqu’en juin 2024 pour les émissions de scope 3 ainsi que pour le calcul du GAR pour les expositions retail et corporate qui ne sont pas soumises à la NFRD (première publication attendue en janvier 2022 pour l’exercice 2021).


Quelles sont les informations à présenter ?

L’ABE propose une information normée au travers de 10 tableaux portant sur des informations quantitatives et 3 tableaux sur des informations qualitatives. 

Les tableaux quantitatifs auront pour objectif de présenter sous un format standardisé des informations sur les risques climatiques suivants pouvant avoir un impact sur la solvabilité des contreparties de l’établissement:

  • Risques de transition résultant de l’évolution des modèles d’affaire en vue d’une transition vers une économie bas-carbone
  • Risque physique résultant des dommages directement causés par les phénomènes météorologiques et climatiques

De plus, les banques devront aussi détailler les expositions qui contribuent à limiter ou faciliter l’adaptation au changement climatique. 

Les 3 tableaux qualitatifs demandés par l’EBA devront présenter des informations sur chacune des composantes E, S et G couvrant les thématiques suivantes : gouvernance, modèle économique, stratégie et gestion du risque.


Le risque de transition (information quantitative)

Les tableaux relatifs au risque de transition se concentrent sur les expositions des portefeuilles bancaires. Les banques, avec un portefeuille de négociation supérieur à un certain seuil (supérieur à 20 millions d’euros ou 6% du total actif) devront toutefois aussi produire ces tableaux.

  • Pour les sociétés non-financières (SNF), les banques devront présenter leurs expositions envers celles qui exercent des activités qui contribuent au changement climatique de façon significative, celles impliquées dans les énergies fossiles ainsi que d’autres secteurs liés à l’émission de carbone (sur une base plus granulaire). Les informations à fournir comprennent des informations sur la qualité de crédit des expositions, y compris des informations basées sur les probabilités de défaut moyenne et les émissions de scope 2, ainsi que des informations sur les expositions non performantes et les provisions associées. Les banques devront présenter le profil de maturité de leurs portefeuilles les plus exposés au risque de transition, c’est-à-dire aux secteurs contribuant le plus au changement climatique (secteur NACE – A à L et L).
  • Pour les prêts immobiliers collatéralisés (commercial ou résidentiel), les banques devront présenter leurs expositions en fonction de l’indice de performance énergétique (EPC – Energy Performance Certificate) du collatéral. L’information sera communiquée par pays de localisation du collatéral. De plus, les banques devront expliquer pour chaque pays, la signification du label EPC.
  • Les banques devront présenter à partir de Juin 2024 les émissions de scope 3 relatives à leurs expositions aux SNF et au secteur de l’immobilier

Le risque physique (information quantitative)

Un tableau présentera des informations sur les actifs exposés au risque physique lié au changement climatique, en distinguant les évènements chroniques ou ponctuels. L’information sera donnée par secteur économique d’activité (NACE) et par pays. Le tableau présentera aussi des informations sur la manière dont le collatéral est exposé au risque physique.

Ce tableau existera en deux versions : une version simplifiée et une version détaillée. La version simplifiée pourra être utilisée jusqu’en Juin 2024 :

Mesures d’atténuation du risque (information quantitative)

  • En plus des informations mentionnées ci-dessus, les banques devront présenter des informations quantitatives supplémentaires à propos de leurs expositions en lien avec la Taxonomie Européenne. L‘ABE souhaite que les différentes parties prenantes soient en mesure d’analyser les évolutions au fil du temps ainsi que l’atteinte des objectifs fixés des banques. 
  • Cela impliquera la présentation des expositions des banques alignées sur la taxonomie européenne et qui contribuent à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique, y compris le calcul du ratio d’actifs verts. Ce ratio permet de mesurer la part des expositions vertes dans les portefeuilles des banques. Le ratio sera ventilé en fonction du type d’actif, à savoir si l’actif permet de mitiger ou de s’adapter au changement climatique, et du type de contrepartie. 
  • De plus, les banques présenteront leurs expositions d’atténuation du risque qui ne sont pas concernées par la Taxonomie Européenne. En effet, d’autres expositions peuvent être concernées notamment celles relatives aux secteurs du transport aérien, maritime ou l’énergie nucléaire.

Les informations qualitatives à propos de tous les risques ESG

La publication présente aussi des exigences en termes de risque ESG au sens plus large. Les informations présentées seront, dans un premier temps, qualitatives. Les informations quantitatives seront introduites dans un second temps, lors d’une publication séparée.


Qu’est-ce que les banques doivent retenir de cette publication ?

Une compréhension totale du cadre réglementaire européen concernant les risques ESG est essentielle

Beaucoup d’informations pour la présentation de ces informations proviendront d’autres initiatives européennes, y compris la Taxonomie européenne. Les données seront produites à la suite de la mise à jour de la NFRD et l’implémentation du guide sur l’octroi et la gestion de prêts de l’ABE.

La collecte des données est un défi important, et les progrès dépendront aussi de l’avancement des autres initiatives européennes

Les banques dépendront directement des données fournies par les contreparties ou via des fournisseurs tiers afin de pouvoir répondre aux exigences du Pilier III. Même si une grande partie des données sera produite à la suite de la mise à jour de la NFRD et de l’implémentation du guide sur l’octroi et la gestion de prêts de l’ABE, certaines données seront plus compliquées à obtenir (entreprises européennes en dessous des seuils, entreprises étrangères, expositions sur les particuliers…).

Il est ainsi prévu une phase de transition jusqu’en Juin 2024 pour le calcul du GAR pour les expositions Retail et Corporate qui ne sont pas soumises à la NFRD. En effet, il sera difficile d’obtenir des données fiables et suffisantes, car il est peu probable que les informations soient facilement identifiables pour toutes les contreparties. Un engagement important de ces dernières sera essentiel. 

Les banques devront également veiller à leur risque de réputation si le ratio vert se révélait inexact, y compris en cas de données externes de mauvaise qualité. Les organisations non gouvernementales s’intéresseront sans doute de très près à ce ratio.

Enfin, les banques devront maîtriser leur dépendance vis-à-vis des fournisseurs de données tiers. Il est essentiel qu’elles soient capables de comprendre parfaitement la méthodologie et les limites de calcul de ces données.

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