Perspectives
Trois choses à considérer par les gestionnaires de patrimoine pour entreprendre une transformation numérique
La pandémie de COVID-19 a engendré des défis exceptionnels pour tous les secteurs d’activité. Dans le secteur de la gestion de patrimoine, les leaders technologiques doivent plus que jamais être résilients, agiles et tournés vers l’avenir, et également reconnaître que l’heure est aux changements transformationnels plutôt que progressifs.
Certains gestionnaires de patrimoine investissent déjà dans l’innovation en offrant de nouveaux produits et services numériques à leurs clients. Par exemple, depuis son lancement sur le marché de l’Asie-Pacifique en 2015, l’application de services bancaires privés de Credit Suisse a remporté plusieurs prix pour l’expérience client et les services-conseils propulsés par les technologies numériques qu’elle offre[i]. Ce type d’innovation incite les gestionnaires de patrimoine à repenser leurs modèles d’affaires.
Les leaders technologiques sont au premier plan de ce changement. Ils doivent devenir la source de l’innovation par leur leadership numérique et figurer parmi les conseillers de confiance de l’entreprise. Ils doivent éliminer les cloisonnements au travail afin de favoriser la collaboration, l’innovation et l’harmonisation dans l’ensemble de l’organisation pour qu’elle soit en mesure de mieux servir ses clients.
Une étude de Deloitte[ii] a révélé que même si certaines tâches de service à la clientèle du cycle de vie du client présentent un excellent potentiel de numérisation, la plupart des dirigeants croient encore que leur activité principale demeure essentiellement une affaire de relations interpersonnelles. Il n’en demeure pas moins que tous ont des projets de numérisation (voir la figure 1) et se tiennent à l’affût des nouveaux outils numériques pour leurs conseillers.
Figure 1. Priorités en matière de numérisation au cours du cycle de vie du client
Trois choses à considérer pour entreprendre une transformation numérique
1. Créer une plateforme numérique pour offrir à la fois des services personnalisés et en libre-service aux clients
Pour les leaders technologiques qui cherchent à innover en numérisant les services, il ne suffit pas d’intégrer des technologies numériques aux processus d’affaires et aux systèmes informatiques existants. Ils doivent favoriser la création de services et de technologies numériques en misant sur des compétences intégrées en innovation, en conception centrée sur l’humain, en technologie numérique, en gestion des risques et sur le plan du leadership global, ainsi que de façon stratégique, créative et adaptative[iii]. Leur but doit être d’exécuter une transformation numérique qui cultive la confiance en offrant les plus hauts niveaux de service à la clientèle. Il importe d’écouter de façon attentive et empathique le client dans un contexte numérique pour trouver de nouvelles manières d’ajouter une touche humaine à chaque conversation[iv].
Cela ne signifie pas pour autant que chaque interaction avec un client doit être personnelle. Les gestionnaires de patrimoine doivent examiner leurs segments de clientèle et la chaîne de valeur globale du client, puis déterminer les points de contact qui doivent continuer à se dérouler en personne et ceux qui se prêtent mieux au libre-service. Par exemple, le processus de création d’un compte client peut se faire en libre-service grâce à des processus numériques faciles à utiliser. L’acquisition de clients et les services-conseils peuvent demeurer des services d’interaction personnelle qui permettent de mieux comprendre les objectifs, les priorités et le profil financier des clients. Néanmoins, certains segments de clientèle, notamment les membres de la génération Y, sont à l’aise avec les plateformes numériques et les conseillers robotisés qui offrent des services d’investissement automatisés fondés sur des algorithmes avec un minimum d’intervention humaine. Ces plateformes dépendent de la capacité d’un client d’utiliser les outils de libre-service et comprennent des processus faciles à utiliser pour l’orientation numérique, la gestion automatisée des placements et des rapports accessibles. Les personnes qui ne sont pas à l’aise d’utiliser ces outils doivent tout de même être en mesure d’interagir avec l’entreprise de la manière de leur choix.
Pour obtenir un avantage concurrentiel dans le domaine en évolution de la gestion de patrimoine, il sera essentiel d’adopter un modèle d’exploitation habilité par le numérique. Ce modèle devra offrir des choix de modèles de services clairs adaptés aux segments de clientèle. Bien que la plupart des gestionnaires de patrimoine se concentrent sur la numérisation des processus d’orientation du client, certains grands noms ont déjà numérisé des aspects du cycle de vie du client, notamment les services-conseils, qui reposaient jusqu’ici sur les interactions humaines[v].
2. Définir la stratégie de plateforme numérique
De nombreux fournisseurs de technologies offrent des plateformes numériques pour tous les éléments de la chaîne de valeur de la gestion de patrimoine : acquisition de clients, gestion des relations avec les clients, gestion des produits et des placements, administration de portefeuille/fiducie, rapports, risques, conformité et autres fonctions administratives. De leur côté, les gestionnaires de patrimoine ont aussi créé leurs propres plateformes et applications internes (souvent à partir d’applications existantes) qui comblent leurs besoins actuels, mais qui ne comprennent pas toutes les fonctions offertes par les nouvelles plateformes numériques. Lorsqu’ils explorent les nouvelles plateformes, leurs leaders technologiques ont le choix entre une seule plateforme qui servira à toute la chaîne de valeur de la gestion de patrimoine ou plusieurs plateformes différentes, chacune utilisée pour des éléments spécifiques de la chaîne de valeur et connectée au besoin avec des portions existantes de l’architecture technologique en place.
Pour faire ce choix, ils doivent déterminer comment la nouvelle plateforme sera intégrée à leur structure organisationnelle ainsi que le niveau d’adéquation, de flexibilité culturelle et d’ouverture de toutes les divisions de l’entreprise par rapport aux technologies. Par exemple, certains gestionnaires de patrimoine d’envergure (p. ex. les grandes banques) ont plusieurs gammes de services dont les résultats varient. S’ils optent pour une plateforme numérique unifiée permettant de gérer toute la chaîne de valeur de la gestion de patrimoine, ils devront gérer des conflits entre les priorités, les objectifs et les exigences de ces diverses gammes de services ainsi qu’une rigidité culturelle face au changement.
Ces problèmes peuvent freiner la croissance et grever les budgets. Par conséquent, les gestionnaires de patrimoine doivent évaluer leur stratégie de plateforme numérique afin de déterminer quels aspects de la chaîne de valeur seront au cœur de leur proposition de valeur et favoriseront leur différenciation, et lesquels seront exécutés dans le cadre de partenariats stratégiques. De plus, en acquérant une connaissance approfondie des forces de l’organisation, ils pourront choisir les partenaires, le plan directeur et le modèle d’exécution les plus appropriés pour éliminer les cloisonnements et assurer la conformité à leur stratégie et à leurs principes d’affaires fondamentaux[vi].
3. Utiliser une approche par portefeuille pour financer et gérer une transformation
Cela va sans dire qu’entamer une initiative de transformation numérique n’est pas une mince affaire, mais des expériences antérieures nous servent de mises en garde importantes. Une étude de Harvard Business Review (HBR)[vii] sur des démarches de transformation qui ont échoué indique que des déficiences graves sur le plan de la direction générale et de la gestion des technologies étaient en cause. Les deux premières sont liées au fait qu’aucune évaluation des risques n’avait été faite pour chaque projet et que les risques combinés du portefeuille de projets n’avaient pas été pris en compte. Les leaders technologiques des gestionnaires de patrimoine peuvent éviter bon nombre de ces problèmes en évaluant les risques pour chaque projet ou pour l’ensemble des projets de transformation avant de mettre en œuvre des initiatives.
La plupart des entreprises investissent dans des initiatives de transformation numérique en tenant compte de l’envergure des risques et des avantages. Tel un placement financier, la démarche de transformation doit avoir pour objectif global de créer le portefeuille de projets qui procurera le plus haut taux de rendement compte tenu de la tolérance au risque de l’entreprise.
Une autre étude de HBR[viii] portant sur la façon dont les entreprises affectent des fonds et des ressources à leurs initiatives fondamentales, adjacentes et transformationnelles a révélé que celles dont environ 70 % des activités d’innovation concernent des initiatives fondamentales, 20 %, des initiatives adjacentes et 10 %, des initiatives transformationnelles performent mieux à la bourse que leurs pairs. Or le ratio de rentabilité de ces innovations était à peu près l’inverse du ratio d’affectation idéal : les activités d’innovation visant des initiatives fondamentales représentent habituellement 10 % du rendement cumulatif à long terme de l’investissement, l’innovation d’initiatives adjacentes, 20 %, et celle d’initiatives transformationnelles, 70 %.
À la lumière de cette information, les gestionnaires de patrimoine doivent définir clairement leur objectif d’innovation en trouvant le bon équilibre entre leurs initiatives fondamentales, adjacentes et transformationnelles. Ils doivent également se doter des outils et des capacités nécessaires pour gérer chaque projet dans le cadre d’un tout intégré. Pour assurer leur avenir, plutôt que de miser sur une série de projets individuels ayant des échéances conflictuelles et réclamant chacun leur part de budgets, d’attention et de prestige, ils doivent viser l’innovation totale.
Personnes-ressources
Radhika Bansal
Directrice principale, Consultation
Tél. : 416‑775‑8518
Vithal Ketkar
Directeur, Consultation
Tél. : 416‑601‑4369
[i]. Deloitte. Le conseiller doté d’outils virtuels.
[ii]. Deloitte. Navigating towards a 'next normal' after COVID-19: Lessons from APAC Wealth Managers.
[iii]. Deloitte. Digital Transformation Playbook, Release 4.1.
[iv]. Deloitte. Les services-conseils en gestion de patrimoine à l’ère du coronavirus : perspective de Deloitte sur l’incidence de la COVID-19 dans ce secteur.
[v]. Deloitte. COVID-19: Digitally-enabled Wealth Managers will lead the way in the 'new normal'.
[vi]. Capco. The evolution of the Financial Adviser Platform.
[vii]. HBR. Portfolio approach to information systems.
[viii]. HBR. Managing your innovation portfolio.