Jennifer Shulman

Jennifer était très jeune lorsqu’elle a commencé à s’intéresser à la dimension sociale des changements climatiques.

« J’ai grandi à Toronto et je me demandais comment les gens vivaient dans d’autres pays. Les personnes qui, par exemple, n’avaient pas de système public de soins de santé. J’ai découvert cette réalité plus tard en vivant à l’étranger, mais j’avais la chance d’être assurée par le régime de mon employeur. J’étais sidérée à l’idée que des gens puissent faire faillite parce qu’ils ont eu une crise cardiaque. »

« Plus près d’ici, des iniquités de ce genre touchent de nombreuses personnes au Canada, en particulier les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis. Il reste beaucoup à faire sur le plan de la vérité et de la réconciliation. »

Jennifer est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat en économie politique internationale, avec spécialisation en méthodes quantitatives. Elle a choisi de faire carrière en consultation, y voyant le meilleur moyen de contribuer à relever des défis sociaux.

« Les économies changent peu à peu. En tentant de résoudre progressivement les problèmes, nous avons de meilleures chances d’exercer une influence porteuse et durable. Il peut être moins efficace de tenter de projeter le pendule trop loin, car qu’il revient à sa position initiale. »

La carrière de Jennifer dans le domaine des conseils économiques s'étend sur plus de 20 ans et elle a travaillé dans plusieurs entreprises de renom avant de rejoindre Deloitte.

« Mon travail a toujours porté sur les aspects économiques de l’équité. Cela peut consister, par exemple, à aider des organisations à comprendre la notion d’accès équitable aux soins de santé ou à augmenter la fabrication de vaccins et leur distribution d’une manière plus équitable dans le monde entier. »

« Je dirais que le changement se fait en trois phases. Nous sommes au milieu de la première phase, celle des changements climatiques, dans laquelle la décarbonation occupe une place centrale. La phase suivante est celle de la biodiversité, qui consiste à apprendre à protéger la flore et la faune et à prévenir les phénomènes d’extinction. »

« Ces deux phases comportent un élément d’équité sous-jacent. On ne veut pas résoudre un problème et par le fait même aggraver quelque chose d’autre. La troisième phase aura une dimension sociale. Les inégalités sociales ne sont rien de nouveau, mais elles deviennent plus pressantes dans un contexte où nous nous employons à résoudre d’autres problèmes. »

Jennifer intervient dans la sphère sociale des facteurs ESG et ses interactions avec les aspects économiques et environnementaux ou climatiques.

« Les changements climatiques peuvent exacerber les inégalités existantes. De plus, la lutte contre les changements climatiques peut engendrer de nouvelles iniquités ou accentuer celles qui existent déjà. »

« La plupart des entreprises reconnaissent la nécessité de décarboner l’économie. Elles sont nettement moins nombreuses à tenir compte de la dimension humaine lorsqu’elles élaborent des solutions climatiques ou des mesures pour appuyer une transition équitable. Des conséquences non voulues, qui sont sources d’inégalités, sont possibles lorsque l’aspect social est relégué au second plan. »

« La capacité de relever les défis liés aux enjeux ESG, au climat et au développement durable sans nuire à la population nécessite l’adoption d’une approche multidisciplinaire intégrant la compréhension des interdépendances. »

« Notre approche multidisciplinaire aide les organisations à cerner les liens et à adopter des solutions en évitant de créer des inégalités. Une approche stratégique passe d’abord par la mise en correspondance et la quantification des retombées sociales des organisations pour qu’elles puissent prendre des décisions éclairées. »

« On ne peut avoir une économie saine, productive et prospère si la population n’est pas saine, productive et prospère. Pour ma part, cela exige de remédier aux inégalités d’une manière inclusive. »

« L’histoire regorge de cas dans lesquels des décisions ont été prises sans que les collectivités concernées aient été consultées. Un processus décisionnel inclusif représente un petit pas en avant dans une transition plus équitable vers la carboneutralité. »

Jennifer puise son inspiration dans le travail de plusieurs personnes influentes dans le domaine du climat.

« Le livre Printemps silencieux de Rachel Carson et son message selon lequel la nature est vulnérable à l’intervention humaine. Rachel Carson est une personnalité influente et ses efforts de sensibilisation du public aux dangers d’un pesticide, le DDT, lui ont attiré des critiques virulentes. »

« Les enjeux économiques émergents autour des changements climatiques m’inspirent. Je pense, par exemple, à La Théorie du donut de Kate Raworth et aux ouvrages de Mariana Mazzucato sur les rôles économiques des gouvernements et des grandes sociétés. »

« Je suis aussi inspirée par Johan Rockström et son travail sur les limites planétaires, qui montrent que l’équilibre des interdépendances du système terrestre est indispensable à la survie humaine. »

« Je suis fière d’être Canadienne, mais nous devons reconnaître nos failles. Le Canada est certes un pays riche, mais la population est aux prises avec de nombreux problèmes d’insécurité liés au revenu, au logement, à l’alimentation et à l’éducation, ce qui l’empêche de réaliser son potentiel. »

« Il n’y a pas de solution miracle au problème des inégalités. Le gouvernement doit agir et les entreprises et les citoyens doivent faire des efforts. »

« Une fois que l’on a pris conscience de la nécessité d’intégrer l'équité et l’inclusion dans la lutte contre les changements climatiques — et du fait que les solutions peuvent avoir des conséquences indésirables —, on peut changer les décisions pour atténuer les iniquités. »