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Le redéploiement industriel, un enjeu social, économique et un instrument de maîtrise de notre empreinte carbone

Cette étude présente une évaluation quantitative des impacts de la désindustrialisation et de l'augmentation des importations, ainsi que de l’impact potentiel d’un mouvement de redéploiement industriel, sur l’économie, l’emploi et les émissions de gaz à effet de serre. L’analyse est menée au niveau de huit filières intensives en énergie, et adopte une vision de moyen-long terme en analysant la situation passée sur la période 1995-2015, et en projetant une possible réindustrialisation à l’horizon 2035.

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La France fait face à un mouvement de désindustrialisation depuis plus de 20 ans que la crise du Covid-19 a mis en exergue

L’industrie représente aujourd’hui près de 13,5 % du PIB1 de la France, alors qu’elle en représentait presque 20 % en 1995. Cette érosion rapide traduit le phénomène de désindustrialisation qui a touché la France au cours des dernières décennies. La réalité de la désindustrialisation et ses conséquences économiques néfastes font aujourd’hui l’objet d’un relatif consensus. Le déclin de l’industrie française a eu à la fois des conséquences directes en termes de pertes de richesse et d’emploi, mais aussi des effets en cascade sur les secteurs liés.

Plus récemment, la crise sanitaire du Covid-19 a mis en évidence les conséquences de la désindustrialisation en termes de perte d’indépendance, voire de souveraineté, pour les principaux pays de l’OCDE. Ces constats ont renforcé les appels à un mouvement de réindustrialisation et notamment de relocalisation de certaines industries considérées comme stratégiques.

La question de l’industrialisation face à l’urgence climatique

Dans un contexte où les effets du changement climatique sont de plus en plus visibles et où l’Europe et la France se sont fixées comme objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050, les conséquences socio-économiques négatives de la désindustrialisation pourraient être relativisées par ceux qui y verraient comme contrepartie une réduction bienvenue des émissions carbone. La question se poserait alors de la pertinence d’une réindustrialisation, au nom de la possible divergence entre des objectifs économiques et des objectifs climatiques, l’industrie représentant en effet une part significative des émissions françaises (de l’ordre de 20 %).

Un raisonnement de ce type reviendrait à négliger les émissions importées, c’est-à-dire celles résultant de la production de biens et services consommés en France, mais produits à l’étranger.

La notion d’empreinte carbone permet de prendre en compte ce phénomène en mesurant les émissions de GES induites par la demande intérieure du pays (consommation finale), incluant ainsi les émissions liées aux importations de produits. Elle permet ainsi de capter l’impact climatique des phénomènes de déplacement de la production, et notamment de substitution de la production domestique par des biens importés. L’empreinte carbone est à distinguer de l’inventaire national qui mesure les émissions de GES qui ont lieu physiquement à l’intérieur du pays, incluant ainsi les émissions liées aux exportations de produits.

Or si l’inventaire national a diminué de plus de 17 % entre 1995 et 2015 (passant de 554 à 457 MtCO2e), l’empreinte carbone de la France a, quant à elle, augmenté de
18 %(passant de 623 à 731 MtCO2e), du fait des importations.
@Deloitte

L’analyse des dynamiques de production, de consommation et de commerce international sur la période 1995-2015 confirme la désindustrialisation survenue pour chacune des filières étudiées.

Pour la plupart des filières étudiées, un décrochage de la production industrielle est observé sur la période, alors que la consommation finale et les importations sont en croissance. Pour les autres filières, la production industrielle croît à un rythme inférieur à la croissance du PIB et surtout à celle de la consommation, entraînant une dégradation de la balance commerciale et une substitution de production domestique par des importations.

Cette dégradation de la compétitivité internationale se traduit notamment par une augmentation significative des importations. Au niveau intra-européen, qui concentre l’essentiel du commerce de la France, la France subit une dégradation de sa balance commerciale vis-à-vis de la plupart de ses partenaires, en particulier l’Europe du Sud et l’Allemagne. Mais l’étude démontre également l’émergence et la croissance rapide des importations en provenance de partenaires extra-UE dans certaines filières, notamment la Chine, qui contribuent significativement à l’essor des importations et au recul de la production domestique. Pour le sucre, la réforme de l’organisation des marchés agricoles de l’UE (fin des quotas en 2017) a entraîné une consolidation de la production dans les pays ayant une meilleure productivité agricole et industrielle (France, Allemagne, Pays-Bas) et le maintien d’un secteur structurellement exportateur.

Une autre caractéristique commune à toutes les filières, est la baisse de la compétitivité de la France à l’exportation. En effet, alors que d’autres pays européens ont su stabiliser leurs parts de marché à l’exportation, celles de la France ont drastiquement baissé au profit de la Chine notamment, confortant constat d’une baisse de la compétitivité de la France par rapport à ses partenaires.

Le déficit de production imputable à cette désindustrialisation est estimé à plus de 3 milliards d’euros à l’issue de la période 1995-2015, correspondant à une perte de 778 millions d’euros en valeur ajoutée, et de plus de 13 000 emplois.

Au-delà des conséquences économiques, la désindustrialisation a également eu un coût climatique considérable, lié à l’augmentation très significative de l’empreinte carbone

L’analyse comparée des intensités d’émission des productions domestiques et des productions importées a mis en évidence la plus grande efficacité carbone des productions domestiques sur l’ensemble des filières analysées, et donc l’impact négatif sur l’empreinte carbone de la substitution de production domestique par des productions importées.

Cette analyse a porté sur l’évaluation de l’empreinte carbone d’une tonne de produit pour chaque filière (une tonne d’acier produit par la filière intégrée, une tonne d’aluminium primaire, une tonne de ciment Portland CEM I, etc.). Elle n’a pas consisté à réaliser une analyse de cycle de vie, mais à évaluer l’empreinte carbone sur un périmètre restreint : production (aussi appelé gate to gate) et transport aval. Ont notamment été exclus l’impact de la production/l’extraction des matières premières (à l’exception de la filière sucre), l’utilisation du produit de référence et la fin de vie du produit de référence. L’avantage carbone de la production domestique est particulièrement marqué pour les filières recourant fortement à l’énergie électrique et bénéficiant du mix électrique faiblement carboné de la France (aluminium, papier journal notamment). Certaines filières jouissent en outre d’une production de chaleur moins carbonée. 

C’est le cas de la filière papier qui a investi depuis plusieurs années dans la biomasse énergie, mais aussi de filières comme le verre plat, le ciment et l’acier. D’autres filières se distinguent par les technologies utilisées (par exemple la voie de production du PVC chinoise utilise le charbon comme matière première et est 10 fois plus carbonée qu’en France). Pour certaines filières (sucre), les émissions tiennent compte de celles liées à l’agriculture, aux coproduits et au changement d’affectation des sols, composantes majeures de l’empreinte carbone. Enfin, les émissions liées au transport, relativement faibles à la tonne de produit (sauf pour le sucre et la pâte à papier en provenance du Canada), peuvent devenir significatives.

A noter que l’efficacité des procédés est parfois en faveur de l’industrie française, mais ce n’est pas toujours le cas, ce qui souligne le besoin d’investissements pour une industrie performante énergétiquement.

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Ainsi, l’analyse de l’impact climatique de la désindustrialisation, en retenant les mêmes trajectoires de désindustrialisation que celles retenues pour le calcul des impacts économiques, met en évidence une augmentation de l’empreinte carbone de près de


2263 ktCO2esoit 50,3 % des émissions associées à ces productions substituées, et jusqu’à 2,6 % des émissions de l’industrie française.

Cette dégradation de l’empreinte carbone est à la fois imputable au transfert de grands volumes de production vers d’autres pays européens et aux transferts – plus limités en volume, mais beaucoup plus pénalisants en termes d’empreinte carbone – vers des pays extraeuropéens.

Les partenaires européens contribuent de manière significative à cette augmentation de l’empreinte carbone, avec des niveaux d’émissions intermédiaires, mais des volumes substitués très importants.

L’étude démontre qu’un effort de réindustrialisation serait bénéfique tant d’un point de vue économique que climatique, dès lors que l’on retient le critère de l’empreinte carbone comme mesure pertinente des impacts en termes d’émissions.


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Résumé des impacts de la désindustrialisation (2015 versus 1995)

Sources : données GTAP, INSEE, UN-Comtrade, Calculs Deloitte

Le scénario de réindustrialisation simulé, fondé sur le rééquilibrage partiel ou total de la balance commerciale des produits affectés par la désindustrialisation, fait apparaître des retombées positives en termes de production, de valeur ajoutée et d’emplois, mais également en termes d’émissions de CO2 évitées. La plus grande efficacité climatique des filières françaises (mix énergétique favorable, mix électrique peu carboné), qui devrait encore augmenter du fait des engagements de la France dans le cadre des accords de Paris traduits dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) permettrait d’améliorer l’empreinte carbone par la relocalisation.

Le scénario modélisé aboutirait ainsi à des gains à horizon 2035 de plus de 3,7 milliards d’euros de production supplémentaires, induisant la création ou le maintien de 7 883 emplois. En termes d’empreinte carbone, 5 138 ktCO2e seraient ainsi évitées, soit une amélioration de 99 % de l’empreinte carbone des produits en question. Et ceci sans même prendre en compte l’impact de la décarbonation à venir des procédés concernés, par amélioration continue ou rupture technologique.

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Sources : données GTAP, INSEE, UN-Comtrade, Calculs Deloitte

 

Résumé des impacts du scénario de réindustrialisation (2020-2035)

Sources : données GTAP, INSEE, UN-Comtrade, Calculs Deloitte

Dans ces conditions, un soutien à la relocalisation et à la décarbonation des industries intensives en énergies se justifie tant d’un point de vue économique que climatique. Notre analyse des politiques publiques préconisées par les filières permet de dégager trois objectifs à poursuivre :

  • aider ces industries à conserver et approfondir leur avantage en termes de performance climatique, en soutenant les efforts de décarbonation et en facilitant l’accès à l’énergie décarbonée ;
  • garantir une concurrence internationale intégrant pleinement les coûts et bénéfices des efforts de limitation de l’empreinte carbone ou, à défaut ;
  • limiter les distorsions de concurrence dont les industries énergo-intensives peuvent être victimes, y compris au sein de l’Union européenne

Notes et références

¹Données du champ de « l’Industrie manufacturière, industries extractives, et autres » Insee – Valeur ajoutée par branche – données annuelles de 1949 à 2019 – séries longues

Le redéploiement industriel, un enjeu social, économique et un instrument de maîtrise de notre empreinte carbone

Étude d’impact de la désindustrialisation sur l’empreinte carbone de la France

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