Statistique Canada a publié les estimations du PIB pour le premier trimestre. Habituellement, nous annualisons les chiffres lorsque nous présentons le rendement, mais l’ampleur du recul fait en sorte que, une fois annualisés, les chiffres deviennent exceptionnellement élevés. Par conséquent, je présenterai essentiellement les changements d’un trimestre à l’autre sans les annualiser. J’espère que vous comprenez.
L’économie canadienne s’est contractée de 2,1 % (8,1 % annualisés) au premier trimestre de 2020, ce qui reflète les répercussions de la pandémie mondiale et de l’arrêt des activités économiques. Le ralentissement a été moins prononcé que le plongeon de 10 % qu’anticipaient les marchés.
Il s’agit néanmoins du recul trimestriel le plus marqué depuis le premier trimestre de 2009. Outre les conséquences des mesures de confinement entourant le virus qui ont été imposées d’un océan à l’autre en mars, l’économie a aussi subi l’incidence néfaste de la grève des enseignants de l’Ontario et des barricades ferroviaires en février.
Seulement en mars, le PIB réel du Canada a chuté de 7,2 % comparativement au mois précédent (taux annualisés de -25,8 %), car la fermeture des entreprises non essentielles a été ordonnée, les frontières internationales ont été fermées, et les restrictions de voyage et les mesures de distanciation physiques se sont répandues.
Les pertes d’emplois et l’incertitude à la hausse ont donné lieu à une baisse des dépenses des ménages, qui a atteint 2,3 % au premier trimestre, soit le déclin trimestriel le plus abrupt enregistré. En raison de la fermeture des entreprises non essentielles et des restrictions au magasinage imposées par la distanciation physique, les dépenses consacrées aux biens (-1,7 %) et aux services (-2,8 %) ont diminué.
Toutefois, les dépenses liées aux biens non durables ont légèrement augmenté, pour s’établir à 3,1 %, car les gens ont accumulé des aliments et commencé à cuisiner à la maison, privant les restaurants et les bars de ces dépenses.
Les diminutions des dépenses liées aux services avaient principalement trait à l’hébergement et à la restauration (-10,9 %) et au transport aérien (-15,7 %). Ces deux secteurs figurent parmi ceux qui ont été les plus affectés, alors que les résultats des services d’hébergement et de restauration et du transport aérien ont chuté de 36,9 % et de 40,9 %, respectivement, en mars.
Les dépenses finales gouvernementales ont aussi connu une baisse de 1,0 % au cours du trimestre, soit la diminution la plus importante depuis le premier trimestre de 2013, ce qui tient compte des fermetures d’écoles et de l’administration gouvernementale réduite.
Les investissements dans le secteur de l’habitation ont baissé de 0,1 % après avoir connu une hausse de 0,3 % au trimestre précédent. De même, les investissements non résidentiels ont baissé de 0,4 %, surtout en raison d’une diminution de l’investissement dans l’outillage et le matériel (-3,5 %).
Les volumes d’importation et d’exportation ont diminué au premier trimestre, alors que les exportations ont chuté de 3,0 % et les importations de 2,8 % à la suite des fermetures imposées par la COVID-19, mais aussi en raison de facteurs comme les barricades ferroviaires en février. Ces événements ont supplanté toute l’influence positive qu’a eue le dollar canadien à la baisse sur les exportations, les éléments les plus touchés étant les suivants : les produits métalliques intermédiaires (-9,6 %), les automobiles et les camions légers (-10,0 %), les produits du pétrole raffiné et de l’énergie (-14,5 %), et les services de voyage (-16,3 %).
Les perturbations des chaînes d’approvisionnement ont obligé les entreprises à réduire de 3,7 G$ les stocks non agricoles. Malgré la baisse des stocks, le recul considérable des volumes de ventes a fait en sorte de hausser le ratio stocks/chiffre d’affaires à l’échelle de l’économie, qui est passé de 0,863 au quatrième trimestre de 2019 à 0,872 au premier trimestre de 2020.
Le bénéfice des sociétés a chuté au cours du trimestre : celui des sociétés non financières de 3,7 % et celui des sociétés financières de 3,2 %, les dommages causés par la COVID-19 ayant été quelque peu atténués par la subvention salariale. La baisse marquée des prix du pétrole a également nui aux revenus des entreprises liées au secteur pétrolier et gazier.
La rémunération des employés a diminué de 0,9 %, surtout dans les secteurs de la fabrication, du commerce de gros et de détail, et des services personnels et professionnels. La Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC) a légèrement freiné la baisse de la rémunération des employés.
Malgré cette baisse, le revenu disponible des ménages a augmenté de 0,4 % au cours du trimestre en raison de la hausse des revenus tirés de biens et des paiements de transfert nets. Conjugué à la baisse des dépenses des ménages, le taux d’épargne des ménages a augmenté de 6,1 % au premier trimestre de 2020, comparativement à 3,6 % au quatrième trimestre de 2019.
Maintenant que nous connaissons les résultats du premier trimestre, nous comprenons mieux les tendances de l’économie à l’amorce du deuxième trimestre. Comme une bonne partie du confinement a eu lieu à la fin de mars, l’effet de celui-ci n’est pas pleinement pris en compte dans les données des sondages, et il fait peu de doute que l’on constatera une baisse accrue en avril. En effet, Statistique Canada a indiqué que les données provisoires laissent entrevoir une baisse d’environ 11 %.
Étant donné l’ampleur de la dégringolade, un repli important de l’économie est attendu au deuxième trimestre, mais nous savons déjà que les provinces procèdent graduellement à la réouverture des activités. La croissance se réinstallera probablement en mai ou en juin, et nous nous attendons à une reprise solide de la croissance au second semestre de l’exercice. Elle reprendra toutefois d’un niveau très faible d’activités économiques, et les cicatrices de l’économie (notamment le taux de chômage élevé, la baisse des revenus des ménages, la faible confiance des consommateurs et des entreprises) se traduiront par une reprise lente comportant des risques, le principal étant une deuxième vague d’infection. Le plus grand défi consiste à trouver un équilibre entre la réouverture de l’économie et l’atténuation des risques liés à la santé, tout en rétablissant la confiance.