Perspectives

Le rôle du gouvernement dans l’avenir

Comment le gouvernement peut-il catalyser l’innovation au Canada

Les perturbations auxquelles les dirigeants du monde ont été confrontés ces dernières années, allant des crises économiques et géopolitiques aux changements climatiques et à l’inégalité sociale grandissante, ne montrent aucun signe d’apaisement. Ces forces incitent plutôt les gouvernements à repenser leur façon de se préparer pour l’avenir, et beaucoup adoptent déjà des pratiques et des approches de renforcement de la résilience optimisées par l’innovation.

Au Canada, cependant, les limitations causées par le manque de politiques, de programmes et de possibilités de financement nuisent au secteur de l’innovation, et le pays risque de prendre encore plus de retard par rapport à ses pairs. Comment le Canada peut-il relancer l’innovation?

Au cours des derniers mois, des leaders de Deloitte se sont réunis pour redéfinir le rôle futur de l’État à l'égard de l’innovation. Nous croyons que le gouvernement fédéral peut repenser la façon dont il appuie le secteur afin de mieux servir le pays pour les années à venir. Notre ambition collective pour l’avenir est que le Canada soit :

  • Un catalyseur de progrès sociaux et économiques transformateurs. En pilotant l’intégration de technologies et de processus de pointe pour accroître l’efficacité du gouvernement, le Canada maintient un état dans lequel les résultats des décisions gouvernementales profitent de manière optimale au pays et à tous ceux qui y vivent.
  • Un leader mondial qui repousse sans cesse les limites des normes internationales d’innovation. À cette fin, le pays encourage les entreprises novatrices qui sont motivées par de robustes mesures d’incitation à la recherche et au développement, une culture dynamique de lancement d’entreprise facilitée par des incubateurs, et des collaborations internationales actives grâce à des cadres stratégiques de PI. Appuyé par des groupes d’innovation créés de manière tactique et un cadre de réglementation progressiste, le Canada attire des entreprises et des talents visionnaires, consolidant sa position grâce à la promotion et à la cohésion d’éléments clés.

Cet article fait partie de la série intitulée Le rôle du gouvernement dans l’avenir, qui examine les tendances incitant les gouvernements à agir et cherche à fournir des idées audacieuses pour aider le Canada à résoudre les problèmes sous-jacents. Lisez notre premier article, intitulé Le rôle du gouvernement dans l’avenir : notre société évolue; son mode de gouvernance doit changer lui aussi, pour une mise en contexte.

L’innovation soutenue par le gouvernement au Canada remonte à la création du ministère du Commerce en 1887, dont le but était notamment de promouvoir, de soutenir et de développer l’économie et le milieu des affaires de notre jeune nation. Aujourd’hui appelé Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE), ce ministère a pour fonction d’améliorer l’économie canadienne grâce aux politiques d’innovation, à la réglementation du marché, à la concurrence, et à la recherche et au développement (R&D).

Les inventions canadiennes qui ont été reconnues a l’échelle internationale, on peut citer : l’exerciseur pour bébé (Jolly Jumper), inventé par Olivia Poole, une mère autochtone, dans les années 1950; le microscope électronique; le Canadarm; le premier moteur de recherche sur internet (Archie); et la société BlackBerry Limited, fondée par Mike Lazaridis et Doug Fregin1, qui a changé la donne à l’échelle mondiale. Aujourd’hui, il existe à la fois l’innovation perturbatrice, qui crée des produits, des services et des offres entièrement nouveaux qui redéfinissent des secteurs, et l’innovation progressive, qui modifie des technologies existantes pour répondre aux besoins actuels, un exemple étant l’utilisation de la technologie de la lumière bleue pour désinfecter les téléphones au plus fort de la pandémie de COVID-19.

En cette ère marquée par l’instabilité environnementale, économique et sociale, le Canada se trouve à un carrefour décisif qui appelle à une réflexion approfondie sur sa situation actuelle d’innovation. Il doit raviver son ambition d’établir un plan d’avenir prospectif et global, dont l’innovation serait un élément central en raison de son potentiel à avoir une incidence positive directe et profonde sur l’économie. Le moment est opportun pour le pays de se positionner stratégiquement pour la résilience et le progrès en renforçant son engagement à l’égard de l’innovation en tant que pierre angulaire du développement national.

La situation actuelle

La situation actuelle de l’innovation au Canada est caractérisée par des lacunes qui nuisent à la capacité du gouvernement de favoriser un écosystème d’innovation interne cohérent et avant-gardiste. Le manque d’investissements stratégiques dans la prestation des services compromet l’efficacité des fonctions gouvernementales, contribuant ainsi à créer un environnement opérationnel incohérent et sous-optimal. La culture d’aversion au risque freine l’exploration d’idées et de solutions, ce qui entrave le potentiel de changement transformateur. Le paysage fragmenté des activités et de la communication internes, caractérisé par le manque d’intégration des services, de partage des données, de communication et plus encore, empêche l’accélération de l’innovation.

Sur le plan économique, la situation de l’innovation reflète les défis liés au maintien d’initiatives novatrices. Les obstacles réglementaires en empêchent la progression harmonieuse. Bien que l’idéation soit présente, la connaissance limitée de ces initiatives réduit la distribution de concepts innovants dans l’ensemble des secteurs et les détourne de leur plein potentiel, ce qui retarde l’innovation.

Nous avons dégagé quatre thèmes principaux que les gouvernements canadiens devraient aborder :

  • Prestation des services

Tous les paliers de gouvernement partagent un engagement inhérent à fournir des services de grande qualité aux citoyens. Des initiatives telles que la création du ministre des Services aux citoyens du Canada sont essentielles à la poursuite de l’excellence. Tant qu’elles ne porteront pas leurs fruits, cependant, l’état actuel de la prestation de nombreux services gouvernementaux demeurera moins qu’optimal. Les difficultés découlent, entre autres, de retards attribuables à des technologies désuètes, d’expériences utilisateur sous-optimales, de processus non axés sur l’humain et de l’interopérabilité restreinte. Rares sont les organisations canadiennes qui exploitent les technologies infonuagiques comme fondement de l’innovation2. L’adoption limitée de ces technologies au sein des gouvernements constitue un obstacle à la réalisation du plein potentiel de solutions comme le stockage de données dans le nuage, et retarde l’incidence positive qu’elles peuvent avoir sur les initiatives de prestation des services.

  • Approche unifiée

Le manque de cohésion et d’efficacité dans le domaine de l’innovation se manifeste par une intégration inadéquate des données, des modèles de financement complexes, des processus d’approvisionnement fastidieux et une communication fragmentée entre les différents niveaux dans le secteur public. Ces problèmes entraînent des inefficacités qui s’étendent en amont jusqu’à avoir une incidence sur les processus décisionnels du gouvernement, et en aval sur le marché canadien de l’innovation dans son ensemble.

Cette nature décousue constitue un défi à double tranchant. À l’interne, elle nuit au bon fonctionnement des activités gouvernementales. À l’externe, elle constitue un obstacle à la croissance et à l’évolution internes de l’écosystème d’innovation élargi. Non seulement cette situation limite le potentiel d’un rendement optimal, mais elle entrave également la réalisation de l’ensemble des avantages qu’une approche gouvernementale plus intégrée et rationalisée pourrait offrir.

  • Tolérance au risque

Le gouvernement est généralement réactif plutôt que proactif en raison des pressions budgétaires, de la politique d’approvisionnement, de la surveillance publique et des modèles opérationnels cloisonnés. La tolérance au risque étant faible, il existe au sein du secteur public des structures qui limitent l’environnement d’innovation déjà très incertain. La culture actuelle du gouvernement donne lieu à l’incapacité d’adopter l’innovation rapidement et en toute sécurité, retardant ainsi la mise en œuvre de nouvelles technologies et d’idées innovantes qui pourraient améliorer la prestation des services aux citoyens.

  • Investissement et sensibilisation

Les données disponibles pour soutenir la croissance et l’innovation sont limitées. Les lacunes au niveau des entreprises, dues au manque de connaissance des diverses initiatives, entraînent la sous-utilisation des ressources et des talents, ce qui produit des résultats contraires aux objectifs de l’innovation. En 2019, plus de 50 % des entreprises canadiennes déclaraient être confrontées à des obstacles à l’innovation, citant l’incertitude au sujet du contexte de l’innovation comme l’un des plus importants (29 %)3 . Le portail Outil de recherche d’aide aux entreprises du gouvernement fédéral vise à promouvoir la cohésion entre les détenteurs d’intérêts des secteurs public et privé et à fournir de précieuses ressources aux entreprises. Cependant, sans une bonne visibilité et une bonne connaissance de cet outil et d’autres outils existants, leur valeur maximale ne peut être atteinte.

Par ailleurs, même si le Canada met l’accent sur l’octroi de crédits d’impôt dans le cadre du programme d’encouragements pour la recherche scientifique et le développement expérimental (RS&DE)4, la R&D continue de diminuer au pays. D’autres pays ont compris qu’il est avantageux de réorienter les dépenses pour soutenir directement des programmes destinés aux entreprises, ce qui donne lieu à plus d’activités d’innovation et de R&D. Le Canada n’est pas encore parvenu à établir un équilibre entre l’aide fiscale et le financement des programmes.

Recommandations

Nous avons élaboré des recommandations ciblées que les gouvernements peuvent adopter pour gérer ces enjeux. Elles sont organisées autour de quatre axes : les gens et le leadership, les politiques et les processus, la technologie, et la collaboration.

Gens et leadership

Comment les gens et les leaders, au sein du gouvernement, peuvent-ils façonner l’avenir de l’innovation au Canada?

  1. Donner le ton de l’innovation

    Les programmes et les initiatives d’innovation du gouvernement sont souvent créés en réponse à des mandats temporaires ou à des défis liés à la prestation de services. Une telle approche fragmentaire n’a pas la cohérence et l’attention soutenue qui sont nécessaires pour apporter des améliorations et des solutions continues à des problèmes persistants. À ce problème s’ajoute le fait que peu de ministères et d’organismes, comme la Défense nationale et l’Agence spatiale canadienne, semblent enclins à adopter les technologies émergentes5, ce qui a pour effet de concentrer les activités dans certains domaines plutôt que de promouvoir une culture d’innovation inclusive et continue.

    Pour remédier à cette incohérence, un rôle central ou un ministère pourrait être créé, par exemple un chef de l’innovation, pour appuyer le ministre de l’Innovation. La nouvelle entité pourrait être chargée d’adopter les technologies émergentes et de donner le ton à l’échelle nationale en soulignant l’importance de l’innovation. Ses responsabilités ne consisteraient pas seulement à encourager l’innovation, mais aussi à en superviser la mise en œuvre. Le gouvernement des Émirats arabes unis, par exemple, compte un ministre d’État responsable de l’intelligence artificielle6. Beaucoup d’autres aspects de l’innovation pourraient être inclus dans le mandat de ce poste ou ministère. En créant un rôle désigné pour défendre la cause, le gouvernement peut accroître sa capacité de se concentrer sur les initiatives d’innovation et les ministères responsables, comme en témoignent des entités telles qu’ISDE. Cela faciliterait l’amélioration continue de la direction et de la vision des efforts d’innovation, assurant des progrès cohérents et percutants.

    L’intégrité du cadre d’innovation du Canada devrait également être prise en considération. Les rapports de mauvaise gestion des fonds et de fraude concernant Technologies du développement durable Canada (TDDC), un programme financé et supervisé par ISDE7, illustrent la nécessité d’un examen critique des principes fondamentaux et du ton général de l’innovation. Bien qu’il puisse s’agir d’un cas isolé, il soulève des questions pertinentes concernant l’efficacité et l’intégrité du cadre actuel, auxquelles les réponses contribueront à renforcer la confiance et à assurer la crédibilité de l’écosystème élargi de l’innovation.

  2. Rechercher des façons de penser diversifiées

    L’avenir de l’innovation au Canada exigera une plus grande diversité de pensée et une approche globale du processus décisionnel au sein du secteur public. L’inclusion active d’un large éventail de perspectives et d’expertise encourage l’innovation par l’exploration de nouvelles idées et stratégies pouvant mener à des solutions non conventionnelles à des problèmes urgents. La diversité des idées quant à l’innovation favorisera une fonction publique plus inclusive et innovatrice qui récompense la créativité et les idées audacieuses. Concentrer les efforts d’embauche de manière à inclure des compétences intermédiaires plutôt que seulement avancées dans divers domaines de la technologie, de la prestation de services et de l’innovation serait avantageux pour accéder à de nouvelles perspectives. La redéfinition des stratégies de recrutement et de maintien en poste afin d’attirer et de former des leaders de l’innovation devrait être une priorité, tout comme stimuler la diversité ethnolinguistique et culturelle dans l’ensemble du secteur public.

    Une plus grande diversité se traduira par des résultats d’innovation positifs, de nouvelles perspectives et une croissance productive globale. La diversité de pensée au sein du gouvernement aura une influence positive sur le marché du travail canadien, que ce soit par l’adoption de technologies novatrices qui exigent des travailleurs qualifiés, une augmentation du financement lié à la recherche qui donne aux entreprises plus de marge de manœuvre pour la R&D, ou une plus grande importance aux partenariats mondiaux qui ouvrent plus de possibilités aux citoyens. Bref, la diversité de pensée favorisera les occasions d’innovation au Canada et contribuera à remédier à la pénurie de talents.

  3. Adopter des risques mesurés

    De par sa nature, l’innovation est hautement imprévisible. Les organisations doivent être conscientes et être prêtes à prendre le risque de la poursuivre. Le secteur public est généralement un suiveur des nouvelles technologies plutôt qu’un inventeur, à cause des modèles traditionnels de commandement et de contrôle qui visent prudemment à maintenir la stabilité et la prévisibilité.

    La création d’une culture de tolérance au risque saine correspond à la nature de l’innovation. Cela veut dire créer une culture d’approvisionnement novatrice ou gérer les risques par l’intermédiaire de carrefours d’innovation axés sur l’expérimentation au sein du gouvernement dans des environnements contrôlés. De telles initiatives encouragent les gouvernements à accroître leur tolérance au risque et à participer avec aisance à l’innovation.

    L’instauration d’une culture de tolérance au risque grâce à la transformation du leadership et à des modèles de gestion des risques tournés vers l’avenir et l’obtention de commentaires de la part des citoyens se traduiront finalement par une meilleure fonction publique au Canada.
Politiques et processus

Quels sont les ajustements politiques et les cadres procéduraux nécessaires pour atteindre l’avenir d’innovation du Canada?

  1. Assurer la cohérence et la flexibilité du financement

    La structure fragmentée du financement et de la gouvernance des initiatives du secteur public dans des administrations à plusieurs niveaux entraîne des lacunes dans l’innovation en R&D et un manque de possibilités d’expansion. L’incohérence est apparente dans la récente décision du gouvernement fédéral de réduire considérablement le financement de Solutions innovatrices Canada (SIC), qui permet aux ministères de soutenir l’innovation et d’acheter auprès de jeunes entreprises. Vingt et un ministères et organismes fédéraux y consacrent 1 % de leurs budgets annuels d’approvisionnement et de R&D pour financer l’élaboration de solutions aux problèmes du gouvernement par des entreprises en démarrage8. Ottawa réduira de 28,2 M$ le budget annuel de 113,8 M$ de SIC pour l’exercice 2024-2025, puis le limitera à 70 M$ à partir de 2025-2026. La décision de réduire cet investissement reflète une absence de prise de risque qui freinera la croissance et l’innovation futures.

    Le Canada devrait plutôt envisager de revoir et d’harmoniser ses structures à la lumière de la nature très incertaine de l’innovation, par les moyens suivants :
    • Instaurer une plus grande flexibilité de financement pour les responsables de budget et assouplir les contrôles des intrants dans le cadre de la réforme budgétaire. Les leaders pourraient ainsi réaffecter les fonds entre les postes une fois les crédits reçus, reporter les fonds inutilisés et combiner différentes sources de financement (provinciales et fédérales).
    • Revoir l’accès au financement et utiliser un modèle de financement axé sur les résultats. Les leaders pourraient ainsi se concentrer sur une vision et seraient encouragés à démontrer de réels progrès.
    • S’attaquer à la question du financement des communautés sous-représentées et de celles qui sont traditionnellement mal servies par les programmes gouvernementaux, comme les communautés autochtones. Des politiques qui appuient les subventions ciblées et la sensibilisation peuvent assurer que l’accès au financement de l’innovation est équitable afin que tous les Canadiens puissent prendre part à l’écosystème de l’innovation.

  2. Sensibiliser aux services offerts

    Malgré son expertise en idéation et en technologie, le Canada a de la difficulté à commercialiser des technologies destinées à la consommation mondiale. Ce problème est principalement dû à un manque de connaissance des subventions, des données et des programmes disponibles, ce qui entrave la rapidité à laquelle l’innovation peut se produire. L’adoption d’une stratégie et de politiques de mobilisation à l’échelle mondiale facilitera l’accélération de l’innovation dans l’économie canadienne. On pourrait entre autres faire mieux connaître les programmes et les politiques de soutien disponibles et fournir aux entreprises les outils nécessaires pour structurer leurs activités.

    Comme l’explique Myra Tawfik, experte en propriété intellectuelle et professeure de droit à l’Université de Windsor : « Il existe dans la capacité d’innovation du Canada une faille qui est souvent négligée par les décideurs, mais qui contribue pourtant au retard de notre pays au regard de la concurrence mondiale de l’innovation. »

    « Cette lacune est liée à la faible connaissance de la propriété intellectuelle (PI) chez les innovateurs canadiens et leur incapacité d’accéder à des services juridiques de PI abordables et opportuns, incluant des conseils stratégiques, en particulier aux premières étapes d’une entreprise. Cela se traduit par des stratégies de commercialisation de la PI sous-développées ou inexistantes qui inhibent, voire empêchent, la croissance, l’expansion et la compétitivité mondiale des entreprises9.

    Les responsables des politiques doivent investir davantage dans la sensibilisation, par exemple en stimulant les stratégies de marketing et en mettant en œuvre des technologies comme des portails centralisés qui permettraient de s’y retrouver dans les politiques, les subventions, les données et les programmes.

  3. Adopter des processus d’approvisionnement réactifs

    Bien qu’il soit le plus important acheteur de biens et de services au Canada, le secteur public n’a pas encore réalisé son potentiel à favoriser l’innovation par ses achats. La culture d’approvisionnement actuelle privilégie les options les moins coûteuses et suit des politiques et des règlements désuets.

    Le passage à une approche axée sur les résultats contribuerait à libérer le pouvoir de transformation de l’approvisionnement. Par exemple, une plateforme de microachats pourrait être utilisée comme système automatisé d’enchères en ligne spécialement adapté au développement de logiciels. Cela permettrait non seulement de simplifier l’approvisionnement, mais aussi de favoriser un marché plus dynamique et plus novateur. L’intégration de solutions d’IA générative dans tous les domaines pertinents peut accélérer l’innovation en améliorant divers processus d’approvisionnement afin de mieux éclairer les décisions, d’optimiser l’affectation des ressources et de favoriser l’excellence opérationnelle.

    De plus, la création de forums et de plateformes de « droit de contester » est cruciale. Ces plateformes permettent aux leaders de chercher à se soustraire aux règles et règlements existants qui peuvent constituer des obstacles à l’avancement, et elles permettent aux décideurs de s’adapter et de réagir rapidement à l’évolution du contexte de l’innovation.

    En adoptant une culture d’approvisionnement axée sur les résultats plutôt que sur les coûts, le secteur public peut créer des incitatifs qui stimulent l’innovation. Cette approche offre plus de facilité et de souplesse aux acteurs actuels et émergents sur le marché, favorisant ainsi un environnement plus concurrentiel et réactif. Afin de combler les lacunes et d’accélérer le prototypage, un groupe de capital de risque au sein du gouvernement pourrait fournir une tribune pour l’expansion rapide des innovations dans l’écosystème.
Technologie

Comment des progrès technologiques peuvent-ils être adoptés ou réalisés pour assurer l’avancement futur du Canada en innovation?

  1. Réduire l’écart entre les services publics et privés

    Les anciens systèmes et processus ont créé pour certains services publics des retards et de longs temps d’attente qui sont si bien enracinés qu’un service lent est maintenant largement accepté comme la norme plutôt que l’exception. Le secteur privé réagit plus rapidement, établissant pour la prestation de services des attentes que le secteur public ne peut pas égaler. Cet écart a une incidence négative sur la satisfaction et la confiance de la population à l’égard du secteur public. De plus, les fonctionnaires et les citoyens ont souvent des expériences insatisfaisantes avec la technologie existante, ce qui fait que les gouvernements sont perçus comme étant en retard sur le plan technologique.

    Pour remédier à cette situation, les leaders gouvernementaux doivent identifier les services à volume élevé et à incidence élevée dont les processus peuvent être automatisés et simplifiés, et utiliser l’IA pour automatiser les processus redondants et transactionnels afin que les travailleurs qualifiés puissent se concentrer sur les activités à valeur élevée. Autrement dit, le travail des humains et des machines au sein du gouvernement doit être redéfini.

    En fin de compte, rehausser la qualité du service en améliorant la technologie renforcera la confiance du public et permettra d’offrir une meilleure expérience aux gens qui utilisent les services numériques, qu’il s’agisse du public à la recherche de certains services ou des employés qui les fournissent. Il est possible d’y parvenir grâce à une refonte de la technologie qui augmente l’utilisation par les utilisateurs finaux, l’efficacité et la satisfaction des utilisateurs. L’automatisation de ces opérations et processus administratifs permettra par ailleurs aux talents de se concentrer davantage sur la résolution de problèmes et les améliorations opérationnelles.

  2. Renforcer la sécurité, la conformité et la protection de l’information

    La conformité et la sécurité sont un défi constant pour le secteur public, qui doit composer avec la pression exercée pour tirer parti de la technologie afin d’être plus agile et plus évolutif. Cela entraîne des retards dans la mise en œuvre de solutions novatrices et mine la confiance du public dans la technologie. De plus, vu les fuites de données et autres atteintes à la vie privée dans les secteurs public et privé, les citoyens se méfient à juste titre de la façon dont leurs renseignements sont stockés et utilisés, et les gens sont très peu au fait des théories, des principes et des pratiques de la science de l’archivage (tenue de documents) dans la communauté de la chaîne de blocs10.

    Pour protéger les données et accroître la confiance dans la technologie, il est essentiel d’explorer et de mettre en œuvre des plateformes infonuagiques souveraines. Ces plateformes sont construites, exploitées et sécurisées par l’État, ce qui peut en améliorer la sécurité et par conséquent le niveau de confiance des citoyens. De plus, la collaboration interdisciplinaire et la technologie de la chaîne de blocs sont essentielles pour gérer l’information de manière à atténuer les préoccupations concernant la confidentialité des données. La recherche interdisciplinaire sur la tenue de documents dans la chaîne de blocs, réalisée par des chercheurs en droit, en archivage, en juricomptabilité, en économie et autres, permettra de s’assurer que cette technologie est utilisée à son plein potentiel pour les Canadiens.

    Les plateformes infonuagiques souveraines en tant que norme de protection des données permettraient aux gouvernements de fonctionner de manière plus agile et d’adapter facilement leurs programmes et leurs services. La mise en place de chaînes de blocs créerait un système de confidentialité des données efficace et sécurisé qui optimiserait la technologie et susciterait la confiance.

  3. Utiliser l’IA générative

    Alors que l’IA générative continue de gagner en importance, les gouvernements du Canada devraient explorer comment elle peut être utilisée pour stimuler l’innovation tant au sein de leurs organismes que dans l’ensemble de l’économie. Les outils d’IA générative peuvent être mis à profit pour dégager de nouvelles possibilités de créativité et de résolution de problèmes au sein du gouvernement, et ainsi accroître l’efficacité de la prestation des services. Ils peuvent également stimuler les gains de productivité, automatiser les tâches courantes et faciliter l’analyse des données afin que les gouvernements puissent prendre des décisions plus éclairées et axées davantage sur les données et repérer des tendances qui auraient autrement pu passer inaperçues. Certains organismes ont déjà commencé à utiliser l’IA générative pour un large éventail d’applications, notamment la création de contenu, l’élaboration de politiques, l’analyse de texte et l’aide générale.

    Des administrations de partout dans le monde utilisent l’IA générative pour intensifier leurs efforts. En Inde, par exemple, le ministère de l’Électronique et des Technologies de l’information a lancé un robot conversationnel WhatsApp optimisé par l’IA générative qui répond aux requêtes à l’aide d’un modèle de langage intégré pouvant reconnaître les dialectes locaux et du pays et répondre en conséquence, ce qui permet aux citoyens de soumettre des requêtes vocales et de recevoir des informations exactes11. Des outils similaires sont mis à l’essai dans d’autres secteurs de la fonction publique, notamment les soins de santé, les transports et les villes intelligentes.

    Le gouvernement canadien devrait stimuler les investissements dans la R&D en IA générative afin de mieux comprendre ses applications et risques potentiels, ainsi que l’infrastructure et les capacités technologiques nécessaires pour mettre en œuvre correctement les outils d’IA générative et en tirer le maximum d’avantages.
Collaboration

Quels sont les efforts de collaboration nécessaires pour faire progresser le Canada vers son avenir en innovation?

  1. Échanger des connaissances

    Le système de prestation de services à plusieurs niveaux qui est utilisé pour accomplir des progrès technologiques le fait de façon non coordonnée dans des domaines qui nécessitent un financement continu, comme les centres d’innovation, les universités, le Centre d’innovation de l’Ontario et les réseaux de centres d’excellence fédéraux12. L’architecture de financement vertical crée des défis pour les acteurs locaux de l’écosystème d’innovation du Canada.

    Il est important de remédier à cela puisque « l’alignement des activités de R&D dans un cadre spatialement intégré de production, de diffusion et de commercialisation des connaissances est essentiel à la compétitivité des centres d’innovation », selon l’Institut d’administration publique du Canada (IAPC)13.

    Dans un écosystème dynamique, les bénéficiaires de financement peuvent facilement collaborer, prendre des décisions, tirer parti de l’interconnexion et cibler les investissements. L’écosystème collaboratif de l’IA au Canada, dont les centres sont regroupés à Edmonton, à Montréal et à Toronto, facilite le transfert des connaissances et ouvre des canaux pour échanger des idées et des ressources par l’intermédiaire des villes de commandement intégrées qui mettent l’accent sur l’innovation. La mise en place et la gestion de systèmes de ce genre favoriseront la collaboration, l’innovation et l’alignement à l’échelle nationale, ce qui profitera à l’économie et par conséquent à tous les Canadiens.

  2. Accroître la collaboration intergouvernementale et avec le secteur privé

    Le système fédéral du Canada divise les champs de compétence entre les gouvernements fédéral, provinciaux/territoriaux, municipaux et autochtones. Même si ce système permet de mettre davantage l’accent sur des domaines précis, il peut aussi entraîner des inefficacités de l’innovation, particulièrement en ce qui a trait à l’adoption, à l’échelle et au rythme.

    L’établissement d’un système pangouvernemental ouvert et transparent pour coordonner l’adoption de l’innovation, échanger les meilleures pratiques et faciliter le partage des connaissances générales peut mener à une gouvernance plus moderne et plus avancée.

    Bien qu’il existe des données et des processus novateurs dans le secteur public, leur pouvoir est réduit en raison du manque de communication et d’échange d’information. Il existe des occasions d’accroître le partage de l’information et de réduire la réplication de l’innovation dans l’ensemble des compétences gouvernementales à plusieurs niveaux.

    L’établissement d’un réseau de points de contact uniques pour l’innovation dans tous les ministères et à tous les niveaux fournirait aux organismes du secteur public une aide rapide, pratique et peu coûteuse pour l’élaboration de nouvelles solutions au moyen d’un processus dirigé par des pairs.

    Il est par ailleurs possible d’obtenir un engagement constant des leaders des secteurs public et privé à combler l’écart technologique entre les secteurs. La création d’un conseil consultatif entre les dirigeants du gouvernement et les leaders sectoriels favoriserait la compréhension mutuelle et une relation plus affinée et axée sur les objectifs. Elle permettrait également d’établir des partenariats public-privé plus officiels axés sur les objectifs de développement économique du Canada, et les leaders possédant des compétences et des données diversifiées pourraient ainsi contribuer à l’innovation dans le secteur public.

L’adoption de ces recommandations donnerait lieu à un système de gouvernance moderne et efficace. En utilisant les technologies les plus récentes et en favorisant la collaboration à l’échelle des ministères, des paliers de gouvernement et du secteur public, les activités du gouvernement peuvent être simplifiées, de meilleurs services offerts aux citoyens et la confiance du public rehaussée, positionnant le Canada en tant que chef de file mondial de l’innovation.

Conclusion

La riche histoire de percées novatrices du Canada, de l’exerciseur pour bébé au BlackBerry, souligne l’immense potentiel du pays. L’urgence du moment présent ajoute la nécessité à l’aspiration de redémarrer l’innovation et indique le besoin d’une approche d’innovation progressiste et stratégique. Le rôle en constante évolution du gouvernement lui permet de redéfinir et de renforcer le secteur de l’innovation dans un contexte mondial instable et d’exploiter ces changements pour servir efficacement les Canadiens.

Comme le suggère notre vision, le pays peut se préparer pour l’avenir en transformant les fonctions gouvernementales internes et en se positionnant comme chef de file mondial de l’innovation. Il doit pour ce faire favoriser une culture dynamique de jeunes entreprises, encourager la recherche et le développement, et faciliter une plus grande collaboration. Le Canada peut raviver son ambition grâce à un plan prospectif, inclusif et complet pour l’avenir, où l’innovation sert de pierre angulaire du développement national et de catalyseur de la croissance économique et du progrès social.

Selon notre aspiration de sa situation future…

  • Le Canada priorise le soutien et l’encouragement des jeunes entreprises dans un environnement où les structures de financement sont claires, les programmes et les ressources de mentorat accessibles, et la tolérance au risque accrue. Il crée et soutient des incubateurs et des accélérateurs pour aider les entrepreneurs à transformer leurs idées novatrices en des entreprises prospères qui attirent les investissements étrangers et qui sont des chefs de file de l’innovation. 
  • Le gouvernement finance activement des initiatives de recherche et développement de pointe dans des secteurs clés comme la technologie, les soins de santé, la défense, les ressources naturelles, la réconciliation avec les peuples autochtones et le développement durable. Il crée par ailleurs des subventions et des incitatifs fiscaux robustes pour encourager les entreprises à investir dans la R&D. 
  • Il existe un engagement actif dans les partenariats et les collaborations pour partager les connaissances, les ressources et les meilleures pratiques. Par exemple, l’innovation transfrontalière est encouragée par la création de programmes d’échange pour les chercheurs et les entrepreneurs. Le Canada appuie un éventail de projets de recherche conjoints avec des partenaires internationaux pour s’attaquer à des défis mondiaux comme les changements climatiques ou la santé publique. 
  • Le Canada peut s’assurer que les avantages de l’innovation sont accessibles à tous les segments de la société. Une large place est accordée à l’élaboration de solutions novatrices pour gérer les enjeux de société, comme le logement abordable et le transport durable. Il existe également toute une gamme de programmes d’alphabétisation numérique bien financés, accessibles et complets pour combler le fossé numérique et offrir des chances égales à tous les citoyens.

 

Notes de fin

Merci à nos contributeurs principaux, Aparna Ashokumar et Sebastian Voermann.

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