La gestion en temps de pandémie
Conversation avec Priyal Thakrar d’Infrastructure Ontario
Comme bien d’autres organisations partout dans le monde, l’organisme provincial responsable de l’infrastructure en Ontario a passé une année 2020 difficile. Priyal Thakrar, directeur financier et vice-président directeur, Prêts et technologies, dévoile les virages stratégiques qu’a pris Infrastructure Ontario, sur les plans financier et opérationnel, et en quoi ces décisions ont rendu l’organisme plus solide que jamais.
It wasn’t easy for most organizations to go remote in March 2020, and it was no different for Infrastructure Ontario (IO) as it contemplated the work-from-home mandate not only from its own staff’s perspective, but from that of its many contractors on construction sites and in government-owned buildings.
Pour la plupart des organisations, le passage au télétravail en mars 2020 n’a pas été de tout repos, y compris pour Infrastructure Ontario (IO). La mise en œuvre du travail à domicile s’appliquait non seulement au personnel, mais aux nombreux entrepreneurs sur les chantiers de construction et dans les immeubles gouvernementaux. Cette société d’État, qui supervise les grands projets d’infrastructure publics de la province, envoie souvent du personnel sur les lieux des travaux. Elle devait donc déterminer quels projets se poursuivraient malgré l’incertitude entourant la pandémie. Nous avons discuté avec Priyal Thakrar de la façon dont l’organisme a maintenu sa résilience et s’est placé en bonne posture pour la suite des choses, quelle qu’elle soit.
Deloitte: Quel a été l’effet de la pandémie sur Infrastructure Ontario et quelles sont les principales difficultés que vous avez dû surmonter?
Priyal Thakrar: Nos tâches sont très variées au sein d’IO. Nous gérons des biens immobiliers au nom de la province, nous dirigeons des projets d’investissement et de transport en commun, comme le métro, nous bâtissons des hôpitaux et des ponts, et nous menons à bien d’importants projets d’infrastructure partout en Ontario. Nous accordons aussi des prêts à des municipalités et à des organismes à but non lucratif pour soutenir leur infrastructure. Une multitude d’entités et d’organisations dépendent de nous au quotidien. Cet ambitieux mandat tient tout le monde très occupé et apporte son lot de défis. Lorsque la pandémie s’est déclarée, nous avons dû immédiatement repenser tout ce que nous faisons et la manière dans nous le faisons.
Priyal Thakrar: Ensuite, nous avons dû réfléchir rapidement à notre viabilité financière et à nos liquidités, et travailler avec nos partenaires pour nous assurer d’obtenir les ressources nécessaires et d’être capables de payer nos fournisseurs et notre personnel. Venait alors la question des projets en cours et du travail fondamental accompli au quotidien. Il fallait donc étendre cette connectivité à toutes les parties prenantes dans toutes les branches d’activité, pour nous assurer que toutes les installations sous notre responsabilité restent ouvertes et soient convenablement nettoyées, que des protocoles de sécurité soient en place et que les chantiers de construction et autres lieux de travail soient fonctionnels et sécuritaires. Il y avait énormément à faire en si peu de temps. Je ne peux pas dire que tout se soit déroulé sans anicroche, mais nous avons su nous adapter très rapidement.
Deloitte: Comment s’est déroulé ce processus d’adaptation?
Priyal Thakrar: Pour nous, le plus gros défi était notre façon de fonctionner. Nous avons créé plusieurs groupes interfonctionnels très tôt dans le processus et nous tenions des réunions quotidiennes pour parler des différents problèmes qui survenaient.
Nous avons dû établir ces forums de connexion pour nous assurer de penser à toutes les difficultés potentielles et de trouver des solutions. Évidemment, nous avions un mandat, mais dans les circonstances, il fallait vérifier si ce qui était important pour IO et pour la province avant la pandémie restait une priorité.
Deloitte: Pouvez-vous nous dire quelles étaient certaines de ces priorités?
Priyal Thakrar: Un exemple simple est le virage rapide que nous avons pris d’emblée avec le gouvernement pour essayer d’accroître le nombre de lits dans les établissements de soins de longue durée. Selon la méthode habituelle, il faut des années pour mettre en place de tels services. Nous avons réussi à trouver une solution pour bâtir rapidement des installations de soins de longue durée qui allaient être fonctionnelles en moins d’un an, ajoutant ainsi plus d’un millier de lits dans le système. Voilà le genre de choses auxquelles a donné lieu la COVID-19. Nous avons été en mesure de prendre un virage avec le gouvernement et de régler un problème ensemble.
Deloitte: Qu’est-ce qui fait la particularité d’une telle décision stratégique en temps de crise?
Priyal Thakrar: Le processus est très fluide et sollicite de nombreuses parties prenantes distinctes, notamment le gouvernement et différentes agences. Par exemple, pour un projet de transport en commun, le premier élément à considérer quand survient un imprévu comme une pandémie est de déterminer si le projet reste une priorité à moyen terme. Nous avons donc ce genre de discussions.
L’incertitude stimule l’innovation
Deloitte: Parlons maintenant de résilience. Ce mot faisait-il partie de votre vocabulaire avant la pandémie?
Priyal Thakrar: Nous avions déjà parlé de résilience d’une certaine façon, comme la plupart des organisations, mais les événements de la dernière année ont changé notre façon de voir ce concept. Rares sont les organisations qui avaient imaginé des scénarios comme celui que nous connaissons actuellement, où l’on doit composer avec des fermetures prolongées et le travail à domicile. Cette situation nous force à prendre du recul et à nous concentrer à fond sur ce qui compte vraiment pour nos activités. La résilience financière a toujours été au cœur de nos préoccupations, mais je ne crois pas que nous prenions toujours en considération les éléments comme nos liquidités ou nos sensibilités aux effets du marché de la même manière que nous le faisons maintenant.
Deloitte: Que faites-vous maintenant afin d’assurer votre résilience future, par exemple?
Priyal Thakrar: Si l’on pense aux contrats de prêts ou autres ententes juridiques, avant la pandémie, il s’agissait de documents à signer à la main et à envoyer par messagerie aux différentes parties. Cette façon de faire ne fonctionne pas en temps de pandémie. En mars de l’an dernier, nous devions trouver un moyen de numériser le processus d’approbation de contrats de prêt ou de financement, par exemple pour des projets de transport en commun, et nous devions respecter toutes nos exigences de financement par voie électronique. Il fallait établir sur-le-champ des processus dotés des contrôles appropriés tout en essayant de répondre aux besoins de toutes les parties. Pour moi, c’est un exemple où il faut subitement déroger à ses habitudes, imaginer ce que devrait être un processus futur et l’établir instantanément. Ces processus resteront en vigueur à jamais. Il n’y aura pas de retour en arrière.
Deloitte: C’est intéressant, surtout compte tenu de l’importance des changements apportés en si peu de temps. Depuis ce virage radical pris dans les processus de base, parle-t-on davantage de la résilience dans votre conseil d’administration?
Priyal Thakrar: Absolument. Comme pour la plupart des organisations, l’une des premières choses que nous avons faites a été d’évaluer les risques que comportait la COVID-19 pour l’organisme. Nous avons produit un document portant sur les impacts de la pandémie dans toutes nos branches d’activité et dans toutes nos fonctions. Il s’agit d’un document dynamique que nous tenons à jour et que nous avons avec nous à toutes les réunions du conseil. Nous procédons ainsi parce que c’est une bonne idée de suivre notre évolution et nos progrès des 12 derniers mois. Nous pouvons encore tirer des enseignements de tout ce qui s’est passé depuis un an. Cette démarche suscite un dialogue au niveau du conseil d’administration; ses membres ont d’ailleurs contribué grandement à notre progression ainsi qu’à toutes nos discussions à propos de la pandémie et de ses effets sur nous.
Adopter une approche holistique
Deloitte: Sur un plan plus personnel, comment avez-vous grandi ou changé en tant que leader au cours de la dernière année?
Priyal Thakrar: Nous voulons toujours nous améliorer en tant que leaders, mais pour être honnête, je dirais qu’en temps de crise, nous avons naturellement tendance à réfléchir à ce qu’il faut faire pour avancer. Quand on agit comme un directeur financier, on pense très vite aux questions financières et aux risques pour nos activités. Mais comme leader, on prend du recul après un certain temps et on réfléchit à l’impact du contexte sur le personnel. Tout le monde a été touché par la pandémie de COVID-19, d’une multitude de façons. Certaines personnes s’ennuient des rencontres sociales, d’autres doivent composer avec le travail à la maison en présence de jeunes enfants, un conjoint qui travaille en première ligne ou des membres de la famille qui sont malades. Il est très important d’accorder du temps aux membres de son équipe pour bien comprendre comment ils vivent la situation, et pas seulement au travail. Il faut faire preuve d’empathie. Nous traversons une période sans précédent à laquelle personne n’a été formé.
Deloitte: : Qu’en est-il d’IO? Diriez-vous que l’organisme est devenu plus fort que l’an dernier?
Priyal Thakrar: Sans aucun doute. Nous avons certainement acquis beaucoup de rigueur et nous sommes beaucoup mieux connectés. Nous menons une multitude d’activités distinctes comportant de vastes portefeuilles, et je crois que nous sommes passés d’une gestion cloisonnée à une gestion intégrée et plus holistique. Ce qu’il faut retenir, c’est que cet organisme a très bien géré la crise. Nous devons une bonne part de notre réussite à notre raison d’être, qui mobilise notre personnel, passionné par son travail. Braver de telles circonstances est une occasion d’apprentissage pour tout le monde, c’est-à-dire que l’on doit se concentrer sur ce qui est vraiment important et sur ce qui motive les affaires.