Perspectives

Atteindre l’équité climatique au Canada

mobiliser l'ensemble du gouvernement

Les changements climatiques ne touchent pas tout le monde équitablement. Les mesures prises pour les atténuer et s’y adapter affectent les communautés marginalisées de manière disproportionnée. Ce rapport explore les injustices climatiques et la façon dont une approche pangouvernementale peut améliorer l’équité climatique au Canada. Se voulant une introduction à l’équité climatique, il est axé principalement sur les incidences concernant les gouvernements. Il est le premier d’une série explorant les actions et les mesures pour assurer une transition équitable vers une société carboneutre.

L’équité climatique est le principe selon lequel chaque individu – peu importe son sexe, sa race, son origine ethnique, son revenu et d’autres caractéristiques – devrait bénéficier d’un environnement sain et avoir accès aux ressources et aux possibilités dont il a besoin pour se protéger des effets des changements climatiques.
Deloitte Insights, « Climate equity: Discovering the next frontier in outcome measurement in government » (en anglais)

À l’échelle mondiale, les personnes et les communautés à faible revenu sont plus susceptibles d’être victimes d’événements climatiques graves, tout en étant les plus vulnérables à l’insécurité de l’emploi résultant de la transition vers une économie verte.Nous savons qu’en raison des disparités raciales historiques et actuelles, une plus grande proportion des communautés à faible revenu au Canada sont composées de personnes de couleur.2 Les peuples des Premières Nations, les Métis et les Inuits (PNMI) sont particulièrement victimes de discrimination et de violations de leurs droits ancestraux et issus de traités inhérents. Ces mêmes groupes sont également moins susceptibles d’être inclus dans la prise de décisions des gouvernements.

Les dirigeants politiques canadiens ont manifesté de l’intérêt à mieux comprendre les interactions entre les inégalités et les changements climatiques, comme en témoignent l’appel en faveur de la première stratégie nationale d’adaptation, le renforcement de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement et le projet de loi visant à lutter contre le racisme environnemental. Nous croyons que seule une telle approche pangouvernementale permettra au Canada d’atteindre l’équité climatique au pays et d’en appuyer les progrès à l’étranger.

Les changements climatiques affectent les communautés marginalisées de manière disproportionnée

Lors d’un événement climatique, les personnes marginalisées et à faible revenu ont souvent moins de possibilités de s’adapter en raison d’un capital financier limité. Contrairement aux personnes à revenus plus élevés, ces populations marginalisées peuvent avoir du mal à se reconstruire après des catastrophes climatiques. La contrainte de s’installer ailleurs peut entraîner un fardeau économique et spirituel, en particulier pour les peuples autochtones, qui sont profondément liés à la terre. Ces effets peuvent accroître le risque de problèmes de santé physique et mentale.

Ces mêmes communautés subissent également des effets considérables de la pollution, en particulier de l’air, qui cause jusqu’à sept millions de morts par an dans le monde entier.3,4 Au Canada, cela signifie environ 10 000 décès par année.5 Des recherches menées aux États Unis sur plus de trois décennies démontrent que des entreprises du secteur industriel ciblent les communautés à faible revenu et racisées pour installer des sites de déchets dangereux.6 Cette discrimination, souvent appelée racisme environnemental, exacerbe d’autres inégalités, comme la pauvreté, le manque d’accès aux soins de santé, l’insécurité alimentaire et le chômage. L’éradication du racisme environnemental sera une étape essentielle vers l’équité climatique.

Le racisme environnemental désigne l’ensemble des politiques, des pratiques et des directives environnementales qui ont des conséquences négatives excessives, qu’elles soient intentionnelles ou non, sur certaines personnes, certains groupes ou certaines communautés en raison de leur race ou de leur couleur.
Commission canadienne pour l’UNESCO (juillet 2020), Le racisme environnemental au Canada

D’un océan à l’autre, les communautés PNMI et les personnes de couleur ont souffert du racisme environnemental. En 2006, par exemple, un site d’enfouissement a été rouvert à Lincolnville, en Nouvelle-Écosse, malgré des décennies d’opposition de la communauté afro‑néo‑écossaise, qui s’inquiétait des matières dangereuses causant des taux élevés de cancer, d’asthme et d’autres maladies, de retombées économiques qui n’avaient pas été adéquatement compensées, des effets négatifs des mauvaises odeurs sur le bien-être et de l’augmentation d’espèces animales dangereuses. En Ontario, par ailleurs, la Première Nation Aamjiwnaang du côté sud de Sarnia se trouve dans une région où l’on compte plus de 50 raffineries de pétrole, usines pétrochimiques et installations énergétiques, judicieusement nommée la « vallée chimique » au Canada, et où le benzène, un cancérigène, atteint jusqu’à 44 fois les normes de qualité d’air ambiant.8

Il n’y a pas que de mauvaises nouvelles : de petites réussites démontrent
que les choses peuvent changer.

Certains efforts juridiques locaux pour combattre ou réparer les effets du racisme environnemental ont commencé à porter leurs fruits. La Première Nation Asubpeeschoseewagong Netum Anishinabek (connue auparavant sous le nom de Première Nation de Grassy Narrows) a obtenu du gouvernement de l’Ontario 85 millions de dollars pour éliminer le mercure industriel qui empoisonnait sa collectivité située près de Kenora, en Ontario.9 Au Nunavut, les Inuits de Clyde River ont poursuivi Petroleum Geo-Services Incorporated jusqu’en Cour suprême, faisant valoir qu’ils n’avaient pas été consultés adéquatement avant l’approbation d’un projet d’exploration pétrolière de cinq ans de l’entreprise, qui comptait pratiquer du dynamitage dans la baie de Baffin et le détroit de Davis, et la Cour leur a donné raison.10

De même, les Cris Tataskweyak de Curve Lake et la Première Nation Neskantaga ont intenté un recours collectif contre le gouvernement fédéral pour avoir omis de respecter les articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, et ont obtenu 1,5 milliard de dollars pour les personnes touchées et 3 milliards de dollars pour accroître leur accès à l’eau potable.11 Même si ces victoires constituent de premières étapes importantes et peuvent créer des précédents pour d’autres questions d’équité climatique, leur portée est limitée; la discrimination environnementale se poursuit dans tout le pays. La Première Nation Neskantaga est aux prises avec un avis d’ébullition d’eau depuis près de trois décennies, soit depuis plus longtemps que toute autre Première Nation, ce qui démontre clairement que la responsabilisation est une lutte continue.12

Pour parvenir à l’équité climatique, il faudra une transition équitable vers la carboneutralité

L’un des mécanismes permettant d’atteindre l’équité climatique consiste à faciliter une transition équitable des activités économiques à forte intensité de carbone vers une société carboneutre. Le terme « transition équitable » est souvent utilisé de manière interchangeable avec « transition juste »; cependant, aux fins du présent rapport, nous utiliserons « transition équitable », sauf lorsque nous citons des lois ou y faisons directement référence. Traditionnellement, le concept était axé sur la main-d’œuvre dans la transition vers un avenir à faibles émissions de carbone.13 Un rapport de Deloitte de 2022 a mis en lumière la façon dont un parcours coordonné et rapide vers la carboneutralité devrait générer plus de 200 millions de nouveaux emplois à l’échelle mondiale d’ici 2050. Cette transition déplacera également les travailleurs et les communautés installés autour d’activités à forte intensité de carbone, de sorte qu’il est de la responsabilité des décideurs de s’assurer que ceux qui risquent de perdre le plus dans ces changements seront soutenus et protégés.

La main-d’œuvre est aussi complexe que les humains qui la composent. En raison de cette complexité et des changements incessants dans l’économie, nous voyons dans la structure de la main-d’œuvre des écarts se former entre les types d’emplois créés et les types de travailleurs et de compétences qu’une économie peut fournir.
Deloitte, Work toward net-zero: The rise of the Green Collar workforce in a just transition

Aujourd’hui, nous savons qu’une transition équitable est inextricablement liée à l’équité climatique et va au-delà de la modernisation de la main-d’œuvre pour inclure l’autonomisation sociale, la résilience communautaire, la diversification économique, l’équité environnementale, ainsi que la souveraineté et le leadership des PNMI. Nous reconnaissons également dans quelle mesure il est complexe pour les gouvernements d’établir l’équité économique tout en veillant à ne pas nuire à l’économie du pays et en remplissant leurs obligations de consulter les PNMI en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Alors que le racisme environnemental concerne les personnes plus marginalisées, d’autres populations sont également touchées démesurément par les changements climatiques. Comme nous l’avons mentionné plus haut, la main-d’œuvre est aussi complexe que les humains qui la composent. Depuis 2018, le gouvernement fédéral du Canada réfléchit à la façon de mettre en œuvre une transition équitable pour la main-d’œuvre et dans cet esprit, a mis sur pied un groupe de travail chargé d’examiner l’équité dans l’élimination progressive de l’électricité au charbon.14 Ce groupe de travail a formulé 10 recommandations sur la façon d’appuyer les travailleurs et les collectivités du charbon au Canada. Récemment, le ministre des Ressources naturelles a promis une loi pour assurer une transition équitable avant la fin de 2023.15 Ce sera une étape importante pour faire avancer l’équité climatique, puisque ces efforts de transition sont intrinsèquement liés aux objectifs d’équité, mais une fois de plus, ils doivent aller au-delà de la transition de la main-d’œuvre pour inclure une représentation plus approfondie des problèmes qui touchent d’autres communautés marginalisées.

En outre, la sous-représentation des femmes et des personnes reflétant la diversité des genres dans la prise de décisions politiques, climatiques et commerciales conduit à des politiques et pratiques qui ne tiennent pas compte de leurs besoins, aggravant les effets inéquitables des changements climatiques. Pour concrétiser leurs engagements envers l’équité entre les sexes, les gouvernements doivent réformer les programmes existants et élaborer de nouvelles initiatives pour s’assurer que les femmes et les personnes reflétant la diversité des sexes ont accès à du soutien adapté à leur culture et à leurs besoins particuliers.

La réalisation de l’équité climatique est un objectif complexe parce qu’elle touche de nombreux aspects de la vie (société, économie, politique, santé, éducation, etc.), fait intervenir de nombreux acteurs (entreprises, groupes communautaires, particuliers, et tous les niveaux de gouvernement), et nécessitera des investissements importants en temps et en ressources. Une approche plus globale de l’équité climatique sera essentielle pour faire des progrès notables.

Les gouvernements des différents paliers sont bien placés pour répondre à la complexité et à l’étendue de la transition nécessaire pour atteindre l’équité climatique...

Les gouvernements fournissent des biens et des services collectifs qui sont chers aux Canadiens, comme l’éducation et les systèmes de santé, les régimes de retraite et les infrastructures. Le système politique fédéraliste du Canada établit une répartition des responsabilités entre les gouvernements locaux, les gouvernements provinciaux et territoriaux et le gouvernement fédéral, un concept qui exige une coopération et qui accorde plus d’attention aux questions régionales et locales que les états unitaires dotés d’un gouvernement unique et centralisé. Bien que les divisions entre les municipalités ou les régions puissent parfois constituer un obstacle à l’action, la promotion du fédéralisme collaboratif au moyen de relations intergouvernementales efficaces et de bonne foi peut créer ce que les politologues appellent la rétroaction positive sur les politiques, par laquelle les partisans des efforts intergouvernementaux travaillent à soutenir les politiques par une rétroaction positive et à transformer les mentalités des autres parties prenantes concernées, y compris le public.16

Partout au Canada, les gouvernements disposent de larges réseaux de partenaires qui peuvent tirer parti d’un vaste écosystème d’intervenants possédant l’expertise, les ressources et l’influence nécessaires pour permettre les changements systémiques importants à l’atteinte de l’équité climatique. Comme les dirigeants des PNMI ont été et continuent d’être à l’avant-garde de l’action climatique partout au pays, ils sont particulièrement bien adaptés pour s’associer avec le secteur privé et les divers niveaux de gouvernement, pour tirer parti de partenariats fructueux avec les communautés touchées. Les solutions de lutte contre les changements climatiques dirigées par des Autochtones habilitent les communautés, et favorisent une approche plus équitable et équilibrée dans la création d’une économie durable. Les approches autochtones envers l’action climatique accélèrent également les progrès vers la réconciliation.

Alors que le secteur privé peut stimuler l’innovation et étendre des solutions, les gouvernements peuvent aborder l’iniquité climatique en adoptant une vision à plus long terme afin de favoriser des changements qui se répercuteront sur des décennies plutôt que sur un trimestre. Tous les niveaux de gouvernement peuvent tirer parti des politiques et des règlements pour apporter des changements à l’échelle du système qui auront des répercussions importantes sur les régions, les secteurs et les groupes, et dans le temps.

... mais des défis ralentissent les progrès

Le Canada est un immense pays comportant une population diversifiée, et notre système politique reflète ces particularités et d’autres complexités. Le rôle et l’étendue de la réponse aux changements climatiques sont vastes, avec une multitude d’institutions qui se chevauchent. S’attaquer à une question aussi complexe que l’équité climatique nécessitera des solutions intégrées dans lesquelles toutes les considérations qui se superposent seront traitées les unes par rapport aux autres.

L’équité climatique et la crise du logement : la complexité au travail

De nombreuses données indiquent que les populations des quartiers urbains à faible revenu, qui ont tendance à afficher une plus grande proportion de membres des PNMI, de personnes de couleur et de nouveaux arrivants, souffrent plus que d’autres de la chaleur extrême.17 Cela est en grande partie le résultat d’une mauvaise planification urbaine : ces quartiers ont une densité de population plus élevée et une végétation plus faible. Les conséquences de cette réalité sont troublantes; par exemple, les personnes qui y vivent sont plus exposées au risque de naissances prématurées.18

Il n’y a pas de solution simple à la crise du logement. Les administrations municipales et provinciales ne peuvent pas facilement déplacer ou reconstruire des maisons et des collectivités. Certaines solutions peuvent créer par inadvertance plus d’émissions de gaz à effet de serre (GES). La construction de logements plus abordables présente également des défis. L’étalement urbain a des effets négatifs sur l’environnement, en particulier lorsque les décideurs politiques portent atteinte à des écosystèmes fragiles et aux ceintures vertes.19 Également, la construction de logements abordables dans des zones mal desservies par les transports en commun pourrait accroître les émissions de carbone en nécessitant l’utilisation de véhicules privés. Il est essentiel que tous les outils soient disponibles pour trouver des solutions à ces problèmes très complexes, ce qui signifie une planification et une coordination à tous les paliers gouvernementaux.

Il est clair que l’équité climatique doit être intégrée dans les priorités climatiques plus larges. Le monde s’efforce de limiter la hausse des températures moyennes mondiales à au plus 1,5 °C (au-dessus des niveaux de l’ère préindustrielle), et le Canada s’est engagé à contribuer de manière équitable à cet objectif, notamment en réduisant ses émissions de GES d’au moins 40 % à 45 % en dessous des niveaux de 2005 d’ici 2030 et en atteignant la carboneutralité d’ici 2050.20 Malheureusement, de multiples systèmes de suivi et organismes de surveillance du climat ont donné au Canada une faible note sur les progrès accomplis, et la pression politique croissante augmente le sentiment d’urgence, laissant moins de place à d’autres considérations climatiques importantes comme l’équité.21

Le Canada constate également une baisse de confiance du public à l’égard de tous les paliers de gouvernement, ce qui signifie que les citoyens sont moins susceptibles d’appuyer l’orientation du gouvernement, rendant plus difficiles le consensus et l’action concertée.22 Une meilleure mise en œuvre de politiques climatiques cohérentes, uniformes et efficaces peut aider à remédier à ce manque de confiance.

Une réponse pangouvernementale est la meilleure façon de faire progresser l’équité climatique

Pour prendre les mesures nécessaires afin d’atténuer les changements climatiques et s’y adapter, il faut une approche intégrée et pangouvernementale. Tout d’abord, les gouvernements doivent trouver au sein de leurs propres institutions les liens entre leurs politiques et les leviers pour les mettre en œuvre. Il doit également y avoir une approche cohésive entre les différents paliers de gouvernement, et des efforts soutenus doivent être déployés afin d'intégrer les objectifs, les politiques et les approches dans toutes les administrations et tous les mandats.

Une approche pangouvernementale est un moyen global de réunir des ressources et de l’expertise de plusieurs organismes et groupes pour résoudre des problèmes ayant des causes sociales, économiques et politiques interreliées. Une telle approche joue sur l’avantage comparatif et maximise les ressources.
Center for Government Insights de Deloitte, Deploying the whole of government: How to structure successful multi-agency international programs23 (en anglais)

Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) est le ministère responsable de l’action nationale pour le climat, et chaque province et territoire a son propre ministère ou service qui voit aux changements climatiques. En fin de compte, les provinces et les territoires détiennent un pouvoir important dans la prise de décisions environnementales, car la gestion de leurs ressources naturelles relève de leur compétence. À l’heure actuelle, les provinces et les territoires et les autres paliers de gouvernement du Canada abordent différemment l’établissement des objectifs d’émissions, le suivi et la présentation des rapports, ce qui nuit à la réalisation d’un plan cohérent. Un rapport conjoint de vérificateurs généraux de partout au pays a indiqué que
« 7 des 12 provinces et territoires participants n’avaient pas de cible globale de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2020 », et qu’il y avait une  « coordination limitée » contre les changements climatiques entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.24

Bien qu’ECCC soit responsable de la coordination de l’action fédérale, l’équité climatique implique un ensemble complexe de questions qui relèvent simultanément de la plupart des ministères fédéraux. Ces ministères doivent mettre en œuvre leurs contributions uniques à l’équité climatique tout en travaillant ensemble pour faire face à des défis multiples. Pour parvenir à l’équité climatique, tous les paliers de gouvernement doivent travailler avec d’autres structures de coordination (comme les comités du Cabinet, les organismes de normalisation, les responsables de la mise en œuvre des politiques et le système judiciaire) et avec la société civile pour créer un système qui pourra constamment à atteindre cet objectif, tout en protégeant les communautés marginalisées et en améliorant la réconciliation entre les peuples autochtones et le Canada.

Alors que nous comprenons de mieux en mieux les effets complexes des changements climatiques, la nécessité d’inclure plus de ministères, d’organismes et d’autres organes administratifs dans les plans d’atténuation des incidences devient plus claire. Plusieurs organismes consultatifs et groupes interagissant avec le public favorisent la coopération interministérielle, comme le Groupe consultatif pour la carboneutralité, le Comité du Cabinet chargé de l’économie, de l’inclusion et du climat et le secrétariat du changement climatique du Bureau du Conseil privé. Il demeure essentiel de veiller à ce que ces organismes soient habilités à faciliter la coopération entre les gouvernements et au sein de ceux-ci.

Si les activités de l’ensemble des gouvernements se déroulent de manière cloisonnée, elles se traduiront, au mieux, par des progrès incohérents ou ralentis. Au pire, il pourrait y avoir des mesures climatiques contradictoires, menant à une incapacité à atteindre les objectifs climatiques, à une méfiance plus profonde et à de plus grandes inégalités, surtout si le gouvernement fédéral ne travaille pas avec les gouvernements provinciaux et territoriaux sur des résultats mutuellement convenus. Les ministères et les organismes n’auront pas seulement besoin d’une orientation ferme et cohérente, mais aussi d’un soutien financier et politique plus important pour permettre une action efficace afin de parvenir à l’équité climatique.

Trois éléments clés sont essentiels pour permettre l’adoption d’une approche pangouvernementale connectée à grande échelle : la participation des détenteurs de droits et des parties prenantes les plus touchés, la collecte de données robustes et la transparence des mesures et des rapports (voir la figure 1).

Figure 1
Cadre pour une action connectée

Source: Deloitte analysis, Deloitte Insights, deloitte.com/insights (en anglais)

Il est important de noter que les membres des PNMI n’ont pas approuvé les structures coloniales du gouvernement canadien. De nombreuses communautés PNMI sont des organismes souverains dotés de structures d’autogouvernance, même lorsque ces structures de gouvernance ne sont pas reconnues par le gouvernement fédéral. Depuis 1975, la politique du gouvernement canadien a graduellement fait progresser la reconnaissance de la souveraineté des PNMI au moyen de traités modernes et d’ententes sur l’autonomie gouvernementale, comme l’article 34 de la Loi constitutionnelle de 1982 (la Charte des droits et libertés), qui assure la protection des droits issus de traités. Cependant, il reste encore beaucoup à faire dans le parcours vers la réconciliation. On ne saurait trop insister sur l’importance de reconnaître les structures de direction des PNMI comme partenaires dans l’action climatique dans cette stratégie pangouvernementale.

Une nouvelle approche pour interagir avec les parties prenantes

Pour faire face à l’injustice climatique, les expériences distinctes des communautés historiquement et actuellement marginalisées doivent être mieux comprises, y compris leurs obstacles pour accéder à l’emploi, à l’éducation, aux soins de santé et à l’inclusion sociale. Il faut aussi reconnaître la façon dont ces expériences peuvent entraîner une appréhension ou une résistance dans les relations avec le gouvernement.

L’interaction des gouvernements avec les communautés continuera d’évoluer à mesure que de nouveaux outils seront disponibles et que le partage des données deviendra de plus en plus commun entre les parties prenantes. L’analytique avancée accroît la capacité des gouvernements de recueillir, de visualiser et de comprendre les données. Les outils modernes doivent être utilisés pour permettre des consultations précoces, ouvertes et continues avec le public, en particulier les groupes qui risquent de perdre le plus dans la transition climatique. Les commentaires recueillis dans le cadre de ces efforts de discussion avec les communautés devraient être utilisés dans l’élaboration de mécanismes formalisés qui établissent l’inclusion tout au long du processus décisionnel.

Le Canada a jeté certaines bases pour l’établissement d’une réponse pangouvernementale – et il doit maintenant s’y engager

Le Canada a enfin reconnu le droit à un environnement sain pour la première fois en droit fédéral.25 La mise en œuvre de ce droit tiendra compte du principe de justice environnementale, en veillant à ce que les dommages environnementaux ne perturbent pas de manière exagérée les groupes marginalisés. Cela s’inscrit fortement dans le prolongement du plan Un environnement sain et une économie saine du gouvernement fédéral, qui vise à « intégrer les considérations climatiques dans le processus de prise de décisions du gouvernement ».26 

Même si le plan couvre de nombreux sujets liés à l’équité climatique, il n’aborde pas dans son intégralité la manière dont l’équité climatique peut s’intégrer dans les divers paliers de gouvernement. Il est nécessaire d’établir de façon plus systématique et plus détaillée comment le gouvernement fédéral entend contribuer à l’alignement intergouvernemental et le maintenir, en plus d’intégrer plus largement l’équité climatique en tant que principe central. De plus, comme le nom du plan l’indique, la promotion de l’équité climatique devrait porter sur le bien-être de tous les Canadiens, y compris, mais sans s’y limiter, le bien-être économique. La reconnaissance récente du droit à un environnement sain et le cadre de mise en œuvre correspondant offrent l’occasion de mettre l’équité climatique au centre des préoccupations et d’élaborer des plans pour une réponse pangouvernementale.

En 2022, le gouvernement fédéral a publié le Plan de réduction des émissions pour 2030, qui rassemblait les points de vue des gouvernements provinciaux et territoriaux, des communautés autochtones et du public pour créer une voie sectorielle afin d'atteindre les objectifs de réduction des émissions.27 Voilà un bon exemple d’utilisation de l’approche pangouvernementale. Malheureusement, ce plan aborde peu les principes d’équité. Plus tard en 2022, la première Stratégie nationale d’adaptation du Canada a été publiée, dans une tentative du gouvernement fédéral de se préparer aux effets des changements climatiques et d’y réagir en définissant des objectifs à long terme dans cinq domaines clés : résilience aux catastrophes, santé et bien-être, nature et biodiversité, économie et travailleurs, et infrastructures résilientes.28 Tous ces domaines ont des répercussions importantes sur l’équité climatique, et une analyse approfondie menée par l’Institut climatique du Canada a permis de relever certaines lacunes importantes dans le plan, notamment un financement insuffisant pour atteindre les objectifs et l’absence de nouvelles approches pour améliorer la coordination des politiques entre les organismes gouvernementaux.29

Le Parlement s’est efforcé d’aborder un élément crucial de l’équité climatique par l’intermédiaire du projet de loi C-226, qui obligerait le ministre de l’Environnement et du Changement climatique à élaborer une stratégie nationale dans deux ans pour lutter contre le racisme environnemental.30 S’il est adopté, ce projet de loi pourrait encourager la modification ou la réforme d’autres structures juridiques, comme les lois de zonage qui dictent l’utilisation des terres (menant souvent à des situations d’iniquité), l’application de la législation pour la protection de l’environnement et contre la discrimination, l’élimination des barrières légales pour les griefs environnementaux, et la reconnaissance du leadership environnemental des PNMI, et de son importance. Parallèlement au droit nouvellement reconnu à un environnement sain, ces actions représenteraient un élan positif vers la création du contexte législatif nécessaire à l’accélération de l’équité climatique.

Pour poursuivre sur notre lancée vers l’équité climatique, nous formulons cinq recommandations :

  1. Le gouvernement fédéral doit adopter une approche pangouvernementale en imposant à tous les ministères concernés une optique d’équité climatique avec des objectifs clairs et ambitieux. Un groupe de travail intergouvernemental pourrait s’efforcer d’intégrer les mesures climatiques des gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux dans l’ensemble de leurs juridictions en les adaptant aux besoins particuliers des collectivités. Cela pourrait se faire en renforçant le plan Un environnement sain et une économie saine pour y intégrer les principes d’équité climatique de manière plus complète.
  2. Le gouvernement fédéral doit reconnaître les structures de direction des PNMI comme des partenaires de premier plan et établir des groupes de travail sur l’équité climatique réunissant le gouvernement et les Autochtones afin d’éclairer les processus décisionnels envers le climat. Les évaluations environnementales dirigées par des nations autochtones devraient être reconnues comme une meilleure pratique.
  3. L’approche pangouvernementale doit avoir un mécanisme d’engagement communautaire intégré qui donne la priorité aux communautés défavorisées, en particulier les groupes racisés et à faible revenu qui ont été historiquement marginalisés, et qui assure la prise de décisions fondée sur la participation pour les questions d’équité climatique.
  4. Tous les ordres de gouvernement doivent établir un financement cohérent et fiable pour l’équité climatique, mobilisé au moyen des mécanismes de financement existants pour le climat afin de réduire les dédoublements et les coûts administratifs. Les principes d’équité devraient être intégrés dans tous les projets climatiques qui reçoivent des fonds publics.
  5. Le gouvernement fédéral doit réunir les intervenants des secteurs public et privé pour concevoir des mécanismes appropriés de collecte et de partage de données qui tiennent compte des données et des méthodes des PNMI, des groupes de personnes de couleur et d’autres communautés marginalisées (et qui tirent parti d’autres sources de données standards, comme le recensement) pour recueillir des renseignements sur le racisme environnemental et d’autres questions d’équité climatique. L’approche pangouvernementale doit demeurer souple à mesure que de plus nombreux renseignements deviendront disponibles. Toutes les données doivent être incluses dans des rapports opportuns, clairs, transparents et continus au public sur les progrès réalisés.

Conclusion

Les changements climatiques ne sont pas neutres – certaines populations sont touchées de manière démesurée en fonction des clivages sociaux et économiques. Toute réponse au changement climatique doit prendre en considération l’équité climatique pour empêcher de marginaliser encore plus certains groupes.

Le présent rapport présente un aperçu du concept d’équité climatique en mettant l’accent sur la réponse globale que le Canada doit déployer dans ses efforts de lutte aux changements climatiques. Nous croyons que la réalisation de l’équité climatique nécessitera la pleine force de tous les niveaux de gouvernement dans une approche pangouvernementale alors que le pays s’efforce avec le reste du monde de passer à un avenir à faibles émissions de carbone.

Notes de fin

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