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Perspectives

Des pistes d’envol aux voies navigables

Propulser la prospérité : possibilités offertes au Canada par les carburants à faible teneur en carbone

Le rapport Des pistes d’envol aux voies navigables constitue la première partie d’une série en cinq volets. Les discussions à venir porteront sur des enjeux cruciaux, notamment les rôles et les responsabilités de toutes les parties prenantes – le secteur privé, l’administration publique et les collectivités – dans la transition vers des carburants à faible teneur en carbone. Une priorité absolue consistera à aborder la question du risque d’investissement, car il est essentiel d’aplanir les barrières financières pour assurer la mise à l’échelle de solutions durables. Les volets suivants traiteront du potentiel de développement économique des carburants de synthèse et de la disponibilité des matières premières. Cette approche vise à présenter un panorama complet des efforts de collaboration qui devront être consentis pour atteindre les objectifs de décarbonation du Canada.

Les barrières commerciales auxquelles font face les secteurs du transport maritime et de l’aviation sont complexes, ce qui rend primordiale l’adoption de carburants de synthèse. Compte tenu des limites techniques de l’électricité et de l’hydrogène, la transition vers des carburants de synthèse – comme le kérosène de synthèse et l’ammoniac – devient impérative. Bien que le Canada ait réalisé des progrès notables à cet égard, il y a encore beaucoup à faire.

La transition vers des carburants à faible teneur en carbone unit des secteurs comme l’agriculture, la foresterie et l’énergie avec ceux de l’aviation et du transport maritime – des parties prenantes qui avaient peu de raisons de collaborer auparavant. Cette convergence génère de nouvelles perspectives économiques, favorisant la création d’emplois et accélérant les progrès technologiques.

De plus, la réglementation et des initiatives internationales poussent l’aviation et le transport maritime à aller de l’avant. Dans le cas du transport aérien, le Régime de compensation et de réduction du carbone pour l’aviation internationale (CORSIA) exige que les transporteurs aériens compensent leurs émissions si les émissions sectorielles dépassent 85 % du niveau de référence de 2019, ce qui les incite à adopter des carburants d’aviation durables (CAD)1. Dans le secteur du transport maritime, l’Organisation maritime internationale (OMI) a fixé des cibles ambitieuses, soit des émissions carboneutres d’ici ou vers 2050, qui s’accompagnent de points de contrôle de 20 à 30 % de réduction d’ici 2030 et de 70 à 80 % d’ici 2040, comparativement aux niveaux de 2008, ce qui pousse l’industrie à innover et à adopter des produits de remplacement à faible teneur en carbone2. À l’échelle nationale, le Canada met en application des normes internationales en vertu de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada3 et met en œuvre une réglementation nationale, par exemple le Règlement sur la construction et l’équipement des bâtiments (DORS/2023-257)4 et le Règlement sur la pollution par les bâtiments et sur les produits chimiques dangereux (DORS/2012-69)5.

Les secteurs de l’aviation et du transport maritime représentent environ 6 % des émissions mondiales de CO2. Au Canada, ces secteurs ne figurent que pour moins de 2 % du total des émissions de gaz à effet de serre (GES) du pays. Ce taux peut sembler modeste, mais la transition dans ces secteurs est cruciale en raison des défis qui leur sont propres, par exemple les longs cycles de vie des actifs (comme les navires et les aéronefs), les coûts d’acquisition élevés et la complexité de la décarbonation des carburants à forte densité énergétique. En raison de ces facteurs, la transition sera plus longue et nécessitera des investissements initiaux substantiels de sorte qu’il est essentiel que des mesures soient prises rapidement. Ce virage offre au Canada une occasion de mettre à profit l’abondance de ses ressources naturelles, sa main-d’œuvre très qualifiée dans les technologies propres et ses politiques gouvernementales lui permettant de s’affirmer en tant que chef de file mondial du transport durable. Il se peut que la voie à emprunter soit difficile, en particulier l’arrimage des objectifs sectoriels à la dynamique évolutive du marché, mais le leadership du Canada dans ce domaine lui offre le potentiel de renforcer tant son économie que sa résilience environnementale.

Comprendre les trajectoires sobres en carbone

Certains segments de marché comme l’immobilier, la fabrication et le transport routier léger peuvent largement compter sur l’électrification pour se décarboner – l’immobilier, par exemple, peut se tourner vers les thermopompes hybrides et électriques pour le chauffage et la climatisation, tandis que le transport routier léger peut opter pour des véhicules électriques, ce qui réduit les émissions et abaisse les coûts d’exploitation totaux. Néanmoins, les applications au transport lourd, en particulier dans l’aviation et le transport maritime, exigent le recours à des solutions allant au-delà de l’électrification, en raison de la densité énergétique élevée que ces secteurs exigent6.

D’après les perspectives de Deloitte mondial, les carburants d’aviation durables (CAD), en particulier le kérosène de synthèse, joueront un rôle décisif dans la transition du transport aérien vers un avenir sobre en carbone. À l’échelle mondiale, selon des projections, les CAD représenteront 43 % de la consommation énergétique de l’aviation d’ici 2040 et 70 % d’ici 2050; la parité des coûts devrait être réalisée d’ici 20457. Ainsi, les pays peuvent saisir une possibilité prometteuse de devenir des chefs de file de la mise au point et du déploiement de technologies liées aux CAD. Au Canada, toutefois, le défi à relever consiste à augmenter la production pour répondre à la hausse de la demande. Bien que le Canada ait établi une stratégie nationale pour délaisser le biokérosène en faveur de CAD de synthèse, il n’existe actuellement au pays aucune usine de production spécialisée dans les carburants d’aviation durables. Des programmes pilotes misent sur les raffineries existantes aux fins de cotraitement pour accélérer la capacité de production initiale des CAD8. Pour atteindre les cibles de volumes de CAD qui seraient nécessaires pour assurer sa carboneutralité d’ici 2050, le Canada devra, selon des estimations, se doter de 170 à 200 installations de petite taille et de taille intermédiaire supplémentaires9.

En dépit de ces difficultés, le Canada est en position favorable pour bâtir des chaînes de valeur de CAD résilientes et novatrices. Une analyse originale de cette feuille de route fait ressortir que le Canada dispose d’une biomasse durable suffisante pour produire de sept à dix milliards de litres de CAD annuellement10. Le secteur canadien de la foresterie joue un rôle de premier plan dans la réalisation de ce potentiel, car il est positionné d’une manière unique pour relever les défis énergétiques et contribuer à une économie circulaire plus durable. En convertissant les copeaux de bois, les résidus forestiers et l’écorce – des matières dont les usages de rechange sont généralement limités – en bioénergie, le Canada peut créer de nouveaux marchés pour ces produits dérivés, tout en réduisant la dépendance aux combustibles fossiles afin de produire de l’énergie propre11. De plus, la capacité de raffinage existante du Canada12 et l’accès à des ports en eau profonde13, par exemple ceux de Vancouver, Halifax et Prince Rupert, présentent un atout stratégique tant pour la production nationale de CAD que pour les possibilités d’exportation sur les marchés internationaux.

Le Canada jouit également de l’un des réseaux électriques les plus propres du monde. En 2022, le Canada a produit 639 térawattheures (TWh) d’électricité, plus de 80 % de cette production provenant de sources non émettrices14. Pour l’avenir, le secteur canadien de l’énergie propre devrait connaître une croissance importante, le produit intérieur brut (PIB) étant appelé à atteindre 107 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années, porté par des investissements annuels de 58 milliards de dollars et la création de plus de 600 000 emplois15. Cette capacité de production d’énergie propre permet au Canada de produire des combustibles à faible teneur en carbone en ayant une empreinte carbone nettement plus modeste que celle de nombreux concurrents mondiaux.

Comme dans le secteur de l’aviation, la décarbonation du secteur du transport maritime requiert une transition vers des sources d’énergie propre. À court terme, des traversiers électriques sont déjà déployés pour les traverses régionales et sont en exploitation dans certaines régions du pays. Par exemple, BC Ferries exploite d’ores et déjà six traversiers électriques hybrides de catégorie Island16.

Le gaz naturel liquéfié (GNL) sert aussi de carburant de transition pour certains bâtiments, en particulier les navires océaniques tels que les transbordeurs de véhicules et les porte-conteneurs, ce qui réduit sur-le-champ leurs émissions comparativement à celles des carburants classiques17. À l’heure actuelle, le Canada compte quatre usines de GNL qui répondent aux besoins du marché intérieur, de même que des installations d’importation de GNL à Saint John, au Nouveau-Brunswick, et à Hamilton, en Ontario. Ces installations assurent la disponibilité du GNL pour le soutage camion-navire et navire-navire, en particulier en Colombie-Britannique18. Comme l’adoption du GNL se poursuit, ce carburant peut être utilisé de manière transitoire jusqu’à ce que d’autres carburants de remplacement à faible teneur en carbone soient produits à grande échelle et que leurs prix deviennent concurrentiels. En outre, le transport maritime international – pensons en particulier aux transbordeurs de véhicules, aux vraquiers secs et aux porte-conteneurs – dépend encore des carburants liquides en raison de leur densité énergétique et de leurs capacités de stockage supérieures; ces caractéristiques sont essentielles pour le transport sur de longues distances.

Par conséquent, les combustibles liquides de synthèse, en particulier le méthanol et l’ammoniac, émergent en tant que voie dominante vers la décarbonation à long terme du transport maritime. Plus facile à manutentionner et à stocker que l’ammoniac, le méthanol continue toutefois de faire face à des obstacles liés à sa densité énergétique moindre et à la nécessité de produire à grande échelle du méthanol vert pour décarboner complètement la chaîne de valeur. Cela dit, le méthanol devrait être commercialement prêt plus rapidement que l’ammoniac, grâce à l’infrastructure existante et à sa manutention plus simple19. L’ammoniac, pour sa part, présente une densité énergétique élevée et est carboneutre lorsqu’il est produit de manière renouvelable, mais son utilisation suscite d’importantes préoccupations en matière de sécurité et d’infrastructure en raison de sa toxicité et de la nécessité de créer des systèmes spécialisés de stockage et de manutention20. Les prix de ces deux carburants sont appelés à devenir plus concurrentiels d’ici 2035, mais il sera primordial de surmonter les obstacles techniques et logistiques pour que leur adoption se généralise21.

Pour accélérer la commercialisation de carburants à faible teneur carbone et parvenir à la parité des coûts plus tôt que prévu, le Canada doit rationaliser les processus d’autorisation et de réglementation. Par exemple, la transition vers le méthanol vert et l’ammoniac en tant que carburants pour navires passe par la rapidité et l’efficacité du processus d’approbation qui mène à la prise de la décision finale d’investissement. Or, ce processus se heurte généralement à des exigences complexes en matière d’autorisations. Le processus d’approbation auquel sont actuellement assujetties les grandes installations de production de carburants à faible teneur en carbone peut être lent, car les évaluations environnementales, les approbations de zonage et la réglementation en matière de sécurité peuvent freiner considérablement la mise en valeur. Pour aplanir ces difficultés, le Canada doit moderniser son cadre réglementaire et rationaliser les processus d’examen et d’approbation afin de mieux tenir compte des nouvelles technologies et des modèles d’affaires en émergence22. En créant un contexte réglementaire plus prévisible et plus efficient, le Canada peut réduire les délais entre la conceptualisation et la construction, ce qui permettrait d’attirer des investissements privés et de stimuler l’innovation dans les technologies liées aux carburants propres.

Le rôle des infrastructures dans la capacité de décarbonation

Bien que la mise au point de combustibles à faible teneur en carbone soit cruciale, l’infrastructure permettant de soutenir leur adoption est tout aussi importante. L’engagement du Canada envers la Déclaration de Clydebank, signée à l’occasion de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques de 2021 (COP26), positionne le pays pour qu’il joue un rôle de premier plan dans la création de corridors maritimes verts – des trajets maritimes zéro émission entre deux ou plusieurs ports. Ces corridors nécessiteront des investissements dans l’approvisionnement en combustibles de l’infrastructure, par exemple les installations de soutage pour le méthanol et l’ammoniac, de même que la modernisation des activités portuaires pour soutenir la transition vers des carburants à faible teneur en carbone23. Le rapport de Deloitte mondial met l’accent sur le fait que les nouvelles stations de ravitaillement et les installations de production et de stockage des carburants de même que les ports et les aéroports feront office de centres multimodaux clés pour manutentionner les carburants à faible teneur en carbone et généraliser leur disponibilité. Vu l’étendue du territoire canadien et la dispersion de ses principaux centres maritimes et aériens, des investissements substantiels dans l’infrastructure seront nécessaires pour rendre le ravitaillement en carburants durables à la fois accessible et évolutif. Pour maximiser les gains d’efficience, le Canada peut, dans un premier temps, adopter un modèle régional de réseau en étoile pour la production de CAD en mettant à profit l’approvisionnement local en matières premières et l’infrastructure en place. Cependant, puisque les producteurs pétroliers de carburants d’aviation possèdent et exploitent actuellement les centres et les pipelines, de nouveaux partenariats devront impérativement être établis. La collaboration entre les fournisseurs de CAD, nouveaux sur le marché, et les propriétaires de l’infrastructure existante sera indispensable pour assurer la mise en marché et l’intégration des CAD dans les systèmes de production et de distribution de carburéacteurs existants24.

La stabilité du contexte réglementaire au Canada, l’engagement du pays à réduire les émissions et la rigueur des cadres politiques constituent une base solide pour attirer des capitaux tant nationaux qu’internationaux. Bien que le Règlement sur les combustibles propres (NCP) donne actuellement priorité à la réduction de l’intensité carbone des carburants pour le transport terrestre, il est de toute évidence possible d’élargir ce cadre de référence pour ajouter les secteurs de l’aviation et du transport maritime dans les efforts de décarbonation plus vastes du Canada. S’il intégrait les CAD et les carburants pour navires propres dans les prochaines versions de la NCP, le gouvernement pourrait créer des incitatifs clairs à les produire et à les utiliser. Cela dynamiserait l’innovation dans la production et l’adoption de ces carburants, de la même façon que la NCP encourage l’utilisation de produits de remplacement plus propres pour le transport terrestre.

Des investissements stratégiques dans l’infrastructure de carburants propres ouvriraient aussi des débouchés prometteurs à l’exportation pour le Canada, en raison de l’abondance de ses ressources naturelles. De nombreux États américains et pays d’Europe se sont engagés à décarboner leurs secteurs de l’aviation et du transport maritime, et ces régions deviendront plus dépendantes des marchés internationaux pour atteindre leurs cibles25,26. Les États-Unis et l’Europe représentent des destinations clés pour les exportations canadiennes de carburants à faible teneur en carbone. La capacité du Canada à produire ces carburants à grande échelle de même que son infrastructure de transport bien établie positionnent le pays en tant que fournisseur solide et sûr. Les ports de la côte Ouest du Canada, comme ceux de Vancouver et de Prince Rupert, et les ports de la côte Est, comme celui de Montréal, offrent un accès direct aux marchés américains et peuvent devenir des plaques tournantes pour l’exportation de carburants propres.

À l’échelle intérieure, les marchés régionaux des carburants à faible teneur en carbone présentent un énorme potentiel de croissance. Des provinces telles que l’Alberta et la Colombie-Britannique disposent de matières premières en abondance et possèdent l’infrastructure nécessaire pour soutenir la production de carburants propres27. Des ports de premier plan comme ceux de Vancouver et de Montréal sont stratégiquement situés pour desservir des centres vitaux pour l’exportation de ces carburants. L’adoption généralisée de carburants à faible teneur en carbone dans ces régions renforcerait la sécurité énergétique du Canada en diversifiant ses sources d’énergie et en favorisant la mise en place d’un système énergétique autosuffisant et plus résilient.

En ce qui concerne l’aviation, la priorité sera accordée, dans un premier temps, à la modernisation des aéroports pour permettre le mélange, le stockage et la distribution des CAD ainsi que le ravitaillement des aéronefs. À court terme, un équipement mobile servant au mélange offrirait une solution flexible pour intégrer les CAD dans les systèmes existants tout en se prêtant à la mise au point d’une infrastructure permanente. Cependant, dans le contexte où le Canada effectue le virage vers un système bicarburant – c’est-à-dire un système qui utilise à la fois des CAD et des carburéacteurs traditionnels –, les aéroports devront gérer les multiples besoins en infrastructure pour assurer le bon déroulement des opérations. Le kérosène de synthèse présente un avantage de taille à cet égard, car les travaux qu’il faudrait exécuter pour mettre à niveau l’infrastructure aéroportuaire sont très modestes en raison de sa compatibilité avec les systèmes existants au kérosène fossile28. En revanche, le secteur du transport maritime se heurte à des obstacles plus complexes, qui l’obligeront à effectuer des investissements substantiels dans la nouvelle infrastructure afin de soutenir l’adoption de carburants à faible teneur en carbone tels que le méthanol et l’ammoniac. Les principaux investissements requis portent sur la mise en place d’installations de soutage pour ces carburants, la modernisation de l’infrastructure portuaire pour assurer en toute sécurité le stockage et la manutention des carburants, et l’établissement de chaînes d’approvisionnement pour la production de méthanol vert et d’ammoniac29. Comme le fait ressortir le rapport de Deloitte mondial, la mise en place d’une nouvelle infrastructure de ravitaillement s’impose, en particulier pour ravitailler les navires fonctionnant à l’ammoniac, au méthanol et à l’hydrogène30.

Des investissements essentiels pour les secteurs canadiens de l’aviation et du transport maritime

Pour que le Canada reste concurrentiel dans la course à la décarbonation, il est primordial d’effectuer des investissements ciblés dans l’infrastructure de transport tant aérien que maritime. Des rapports tels que Low-carbon fuels de Deloitte mondial et Atteindre l’altitude de croisière de Deloitte Canada font ressortir la nécessité d’une collaboration entre les parties prenantes des pouvoirs publics et du secteur privé en vue de l’établissement de l’infrastructure requise. Le Canada possède un écosystème d’innovation solide et dispose d’un important potentiel d’énergie propre, ce qui lui procure de solides assises pour devenir un chef de file dans les projets technologiques et infrastructurels relatifs aux carburants durables. Toutefois, le Canada doit relever des défis systémiques pour mobiliser les investissements nécessaires, soit des obstacles réglementaires, la fragmentation des appuis politiques et l’âpreté de la concurrence des marchés internationaux qui offrent des incitatifs plus persuasifs pour promouvoir l’énergie propre. Par exemple, bien que le Canada tire parti d’abondantes ressources renouvelables et d’une main-d’œuvre très qualifiée, il a généralement du mal à soutenir la concurrence des mécanismes de financement audacieux et des crédits d’impôt accordés par des chefs de file mondiaux, par exemple le Mécanisme de financement des énergies renouvelables de l’Union européenne. Pour exploiter pleinement son potentiel, le Canada doit surmonter ces obstacles en rationalisant la réglementation, en améliorant la cohérence des politiques et en créant des cadres de référence plus intéressants pour l’investissement. En prenant ces mesures, le pays pourra mettre à profit plus efficacement ses atouts en matière d’énergie propre et attirer les investissements nécessaires pour accélérer la transition vers des carburants durables31.

Par ailleurs, le gouvernement fédéral a pris des mesures en amont pour appuyer la transition du secteur de l’aviation. En 2021, le gouvernement a investi 1,5 milliard de dollars32 pour soutenir la production de carburants propres, ce qui comprend la participation de la Banque de l’infrastructure du Canada au financement de projets de recherche et d’infrastructure33. Plus près de nous, en 2023, le gouvernement fédéral a injecté expressément une somme additionnelle de 350 millions de dollars dans la mise au point de technologies pour la production de carburants d’aviation à faible teneur en carbone, ce qui témoigne de son engagement à réduire les émissions de l’aviation. Ces fonds seront canalisés vers des enjeux clés comme les suivants34:

  • Systèmes de propulsion hybride et modes de propulsion de substitution;
  • Architecture des aéronefs et intégration des systèmes;
  • Transition aux carburants de rechange;
  • Infrastructure et activités de soutien des aéronefs.

Misant sur les efforts du gouvernement fédéral, le gouvernement de la Colombie-Britannique a pris d’importantes mesures afin de promouvoir l’aviation durable en concluant un protocole d’entente avec l’aéroport international de Vancouver (YVR). Signée en 2024, cette entente porte sur l’accélération de l’adoption de pratiques durables dans le transport aérien, soit l’établissement d’une infrastructure sobre en carbone et l’intégration de technologies plus propres. Dans le cadre de cette initiative, le ministère des Transports et de l’Infrastructure de la Colombie-Britannique a investi plus de 625 000 $ dans la modernisation de l’infrastructure et les gains d’efficience des aéroports régionaux, soutenant le transport des passagers et des marchandises, tout en favorisant la durabilité35.

De plus, les activités aéroportuaires au sol peuvent contribuer à la réduction des émissions des aéronefs en limitant autant que possible le recours à des groupes auxiliaires de puissance fonctionnant aux combustibles fossiles. Cela peut se faire en alimentant les aéronefs en énergie électrique et en air préconditionné aux portes d’embarquement et en améliorant les gains d’efficience sur la voie de circulation. De nombreux aéroports canadiens ont déjà investi dans leur infrastructure afin d’assurer le branchement des aéronefs aux portes d’embarquement36. Le 29 juin 2022, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il investirait jusqu’à 261 millions de dollars dans les gains d’efficience et l’amélioration de l’infrastructure aux aéroports internationaux Pearson de Toronto, Montréal-Trudeau, de Vancouver (YVR) et d’Edmonton (YEG)37. Ces investissements portent déjà leurs fruits : l’aéroport YVR procède à la mise en œuvre d’un système de géoéchange pour alimenter en énergie propre les appareils de chauffage et de climatisation de son aérogare d’une superficie de près de 1,3 million de mètres carrés, ce qui réduira sa dépendance à l’électricité et aux combustibles fossiles38. Par ailleurs, l’aéroport YEG procède à l’aménagement du parc solaire aéroportuaire le plus important du monde, en collaboration avec Alpin Sun. Ce parc solaire générera 200 000 MWh annuellement, ce qui se traduira par des avantages économiques et environnementaux pour la région39.

Dans le secteur du transport maritime, le Programme de corridors maritimes verts40 du gouvernement fédéral accorde un financement crucial à des projets visant la création de corridors maritimes verts et la décarbonation du transport maritime. Ce programme joue un rôle clé dans la promotion de la compatibilité des navires et de l’infrastructure aéroportuaire. Le 12 novembre 2024, le gouvernement canadien a annoncé un investissement à hauteur de 25,2 millions de dollars dans quatre projets dans le cadre du Programme de corridors maritimes verts, afin de soutenir l’établissement de solutions d’alimentation à quai et l’utilisation de carburants de remplacement dans le secteur maritime. Plus précisément, le financement sera canalisé vers41:

  • la mise à niveau de l’infrastructure existante;
  • la modernisation et la construction de l’infrastructure de ravitaillement pour favoriser une utilisation plus écologique des combustibles;
  • la conduite d’une étude pour examiner la faisabilité de l’aménagement d’un nouveau port public.

Pour compléter ces efforts, la Low Carbon Fuel Standard (LCFS) de la Colombie-Britannique a contribué à encourager l’adoption de carburants à faible teneur en carbone dans les secteurs du transport maritime et de l’aviation. En exigeant des fournisseurs de carburants qu’ils réduisent l’intensité carbone de leurs produits, cette norme encourage le recours à des carburants de remplacement renouvelables et sobres en carbone, par exemple le biodiesel et l’hydrogène, dans les activités du secteur maritime42.

De plus, les ports de Vancouver et Prince Rupert sont en bonne position pour devenir des leaders mondiaux dans l’adoption de carburants pour navires de remplacement. Ainsi, le port de Vancouver, qui s’est engagé à devenir carboneutre d’ici 2050, offre un programme d’incitatifs ÉcoAction aux compagnies maritimes qui investissent sur une base volontaire dans la gestion des carburants, des technologies ou de l’environnement, leur accordant une réduction d’au plus 75 % sur les droits portuaires43. En outre, l’administration portuaire s’emploie à faciliter l’utilisation de carburants pour navires de remplacement, soit des biocarburants, le GNL, le méthanol, l’ammoniac et l’hydrogène44. Pour sa part, le port de Prince Rupert encourage le recours à des pratiques durables dans le cadre d’initiatives telles que son programme Green Wave, qui accorde un incitatif aux transporteurs maritimes pour qu’ils réduisent leurs émissions et adoptent des pratiques durables. Un investissement récent de 7,6 millions de dollars dans le branchement à quai au terminal Fairway, avec l’appui financier du Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone du Canada, permet maintenant aux navires compatibles de s’alimenter en électricité propre lorsqu’ils sont amarrés; le rejet d’environ 75 tonnes d’émissions de GES par navire est ainsi évité. L’administration portuaire pilote aussi des programmes pour encourager la consommation d’électricité, d’hydrogène et de diesel renouvelable en tant que sources d’énergie à faible teneur en carbone45.

L’investissement dans des trajectoires et des infrastructures sobres en carbone offre au Canada des possibilités économiques et environnementales prometteuses. En misant sur ses ressources naturelles abondantes, en favorisant l’innovation dans les technologies propres et en intégrant des carburants à faible teneur en carbone dans ses systèmes de transport, le Canada peut jouer un rôle charnière dans l’atteinte des objectifs de décarbonation. Le Canada doit agir sans attendre en se positionnant comme un chef de file mondial qui propulsera la croissance économique, tout en réalisant ses ambitions en matière de carboneutralité.

Le présent article s’appuie sur la vision de marketing élargie de Deloitte Canada et précise les points de vue exposés dans le rapport de Deloitte mondial intitulé Low-Carbon Fuels: The Last Mile to Net-Zero et les travaux portant expressément sur le Canada, notamment ceux du rapport intitulé Atteindre l’altitude de croisière. Notre objectif consiste à présenter une information éclairante sur le contexte et les perspectives du Canada en mettant en lumière les progrès accomplis et les travaux encore à réaliser à l’échelle nationale. Deloitte soutient activement les efforts de décarbonation du secteur des transports déployés par le gouvernement du Canada, notamment le Plan d’action pour les CAD et le Plan d’action climatique pour le secteur maritime.

Remerciements
Nous tenons à remercier en particulier les rédacteurs et l’équipe, soit Basil Subhani, Arvind Ramakrishnan, Nathan Steeghs, Maya Caron, Ebony Clark et Karen Hamberg.

Notes de fin

Personne-ressource

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