Renforcer la résilience par la culture et la priorité accordée au bien-être
Entretien avec Andrew Pateman, de la Société canadienne du sang
La Société canadienne du sang, un organisme à but non lucratif qui assure l’approvisionnement en produits sanguins et la prestation de services vitaux aux fins de transfusion et de greffe, a beaucoup appris pendant la pandémie sur ses employés et ce dont ils ont besoin pour se sentir en sécurité au travail. Andrew Pateman, vice-président de l’expérience employé, de la culture et de l’excellence, nous livre ses réflexions sur l’évolution de la culture de la résilience et du milieu de travail de cet organisme.
Dans un organisme où les deux tiers des employés font un travail essentiel et l’autre tiers est en télétravail, les dirigeants doivent envisager la résilience sous plusieurs angles. En contexte de pandémie, Andrew Pateman, vice-président de l’expérience employé, de la culture et de l’excellence à la Société canadienne du sang, a fait face à une série de défis qu’il a résolument relevés avec ses collègues. Aaron Groulx, leader national de la Transformation des ressources humaines chez Deloitte Canada, s’est entretenu avec Andrew Pateman de l’importance de la santé mentale et du bien-être pour renforcer la résilience des travailleurs, à l’occasion de la conférence 360 par Deloitte, en avril 2021. (L’entretien a été révisé pour des raisons de longueur et de clarté.)
Aaron Groulx: Parlez-nous un peu de vos antécédents professionnels – qui vous êtes et en quoi consiste votre rôle.
Andrew Pateman: Je suis vice-président de l’expérience employé, de la culture et de l’excellence à la Société canadienne du sang. J’occupe ce poste depuis un peu plus de 10 ans et mon rôle comporte de multiples facettes. Je suis responsable de la stratégie et de la planification de l’organisme, et je dirige notre bureau de la gestion des programmes et des projets d’entreprise. De plus, je supervise un éventail de responsabilités liées aux ressources humaines, par exemple les relations de travail, le bien-être des employés, le perfectionnement de la direction et la gestion des talents. La plupart des activités transactionnelles présentes dans une organisation de gestion des RH sont centralisées dans notre fonction des services partagés. Cependant, la plupart des fonctions d’ordre stratégique relèvent de mon groupe.
Aaron Groulx: Les 12 derniers mois ont mis à l’épreuve notre résilience sur de nombreux plans à la fois personnels et professionnels. En quoi cela a-t-il influé sur la vision de la résilience dans votre organisme et quelles perturbations d’ordre opérationnel en ont découlé?
Andrew: La gestion de notre chaîne d’approvisionnement nécessite que les deux tiers de nos employés travaillent sur place – que ce soit dans un centre de collecte de sang, une usine, un laboratoire d’essais ou notre réseau national de distribution pour livrer un produit qui servira ultimement à des patients canadiens. De plus, nous avons des travailleurs dits essentiels auxquels nous devons offrir un milieu de travail sécuritaire et conforme aux directives de la santé publique, mais aussi dans lequel ils se sentent membres à part entière d’un organisme qui accorde une grande importance à leur sécurité.
Par ailleurs, le tiers de notre personnel n’est pas revenu travailler dans nos bureaux et continue de faire du télétravail. Nous avons donc dû faire face à des enjeux uniques liés au maintien de l’engagement, de la résilience et de la responsabilisation envers notre raison d’être et notre mandat, pendant que nos employés travaillent à distance. Cet aspect a été particulièrement problématique parce que les deux groupes ont eu des besoins qui se recoupaient à certains égards, mais aussi des besoins propres à leur cadre de travail.
Aaron: Parlez-nous des trois vagues de la pandémie. Comment avez-vous dû réagir à chacune?
Andrew: Lorsque nous avons décidé que tout le personnel ferait du télétravail au milieu de mars 2020, nous ne pouvions pas prévoir que nous aurions autant besoin de résilience. Nous avons planifié les mesures à prendre pour composer avec la pandémie en faisant implicitement l’hypothèse suivante : « Nous sommes en mars. D’ici l’été, il y aura eu des progrès et les employés pourront peut-être commencer à réintégrer leurs bureaux en août ou en septembre. »
Mais au retour du personnel dans les bureaux, la deuxième vague a déferlé; nous traversons maintenant la troisième vague. Cette situation a mis notre créativité à rude épreuve et nous nous sommes demandé : quel travail pouvons-nous accomplir en temps réel et comment pouvons-nous continuer d’être présents pour nos employés, leur accorder le soutien dont ils ont besoin et faire en sorte qu’ils aient accès à ce soutien?
Trouver le bon dosage
Aaron: Quelle incidence la pandémie a-t-elle eue sur votre perception personnelle de ce qui doit être fait sur le plan culturel à la Société canadienne du sang? Qu’est-ce qui a véritablement changé?
Andrew: Vous savez, selon moi, il y a des aspects concernant la manière dont les employés se traitent mutuellement et interagissent les uns avec les autres que nous ne pouvons pas changer. Je pense qu’ils sont immuables. Ainsi, l’accélération de certaines réalités telles que la fréquence à laquelle nous communiquons avec nos employés, que ce soit lors d’une discussion ouverte ou d’un forum de discussion d’un autre genre, a été décuplée. Tous les vice-présidents, moi compris, effectuent des suivis quasi hebdomadaires avec toutes les divisions. Notre chef de la direction anime fréquemment des discussions ouvertes. Nous organisons des conférences téléphoniques toutes les deux semaines avec la haute direction. Le rythme des communications, le niveau de vulnérabilité et l’empathie : nous avons tous dû, en tant que leaders, parler des difficultés que nous avons éprouvées en raison de notre isolement de nos propres familles et de nos responsabilités d’aidants naturels. Certains d’entre nous ont du mal à parler de leurs problèmes personnels, mais nous voulons que nos leaders le fassent toujours.
L’autre aspect qu’un grand nombre d’entre nous ont observé au cours de la pandémie a été le regain d’attention qu’ont suscité la diversité, l’équité et l’inclusion. Nous avons sensiblement réactivé ces grandes questions et avons redoublé d’efforts pour remédier aux problèmes. Cela a véritablement transformé le discours à l’interne. Tout cela aura une incidence sur la culture de l’organisme; notre culture ne sera plus jamais la même.
Aaron: Je suis entièrement d’accord avec vous. Nous avons assisté, aussi étrange que cela puisse paraître, à l’humanisation, pour ainsi dire, du travail pendant la crise sanitaire. J’espère que nous ne retournerons pas en arrière. Pouvez-vous nous parler des défis que votre organisme et vous avez relevés au début de la pandémie pour accorder la priorité à la santé mentale?
Andrew: Nous avons eu de la chance. Compte tenu de la nature de nos activités, la structure de la continuité des opérations est très solide. En ce qui nous concerne, le principal enjeu n’a pas tant été la résilience des opérations que le bien-être mental, la résilience individuelle et la manière dont nous avons abordé les pressions pour atténuer les facteurs de stress chez les employés. Lorsque nous avons effectué des sondages éclairs au début de la pandémie, nous avons constaté des différences presque immédiates une fois que nous avons mis des masques à la disposition des employés, que nous avons installé des écrans en plexiglas et que nous avons réaménagé l’espace pour que les employés se sentent protégés et en sécurité. En plus de veiller à la protection physique réelle des employés, nous leur avons montré que l’employeur se souciait de leur bien-être et prenait leur sécurité au sérieux. Une fois que nous avons mis ces protections en place, le degré de résilience des employés s’est maintenu.
Points à retenir au sujet du leadership résilient
Aaron: À votre avis, quel est le changement le plus important ou le principal point à retenir pour acquérir une plus grande résilience au travail?
Andrew: C’est plus une ligne de conduite à adopter qu’un point en particulier. Il faut être de bonne foi. Il faut être conscient du rôle de leader. Cela doit être accompagné de ressources tangibles, bien réelles, auxquelles les employés peuvent recourir pour obtenir le soutien dont ils ont besoin. Je dois admettre qu’une de mes préoccupations est qu’un nombre insuffisant d’employés se prévalent de l’aide dont ils ont besoin. S’ils ne le font pas, c’est peut-être parce qu’ils ne connaissent pas l’existence de ces ressources ou qu’ils craignent d’être stigmatisés s’ils y ont recours. Il est très difficile de cerner les causes, et le problème de l’accessibilité pourrait être l’un des points à retenir; en tant que leaders, nous devons tous nous attaquer à ces problèmes.
À la Société canadienne du sang, nous avons ce qu’on appelle des engagements en matière de leadership; notre mot d’ordre est « Dirigez avec votre tête et votre cœur ». Cela fait peut-être cliché, mais il s’agit vraiment d’interagir avec la tête, ce qui stimule le rendement, permet de gérer et de créer d’excellentes équipes, et produit des résultats satisfaisants. Quant au cœur, il sert à promouvoir un leadership attentif, l’empathie, l’authenticité et l’inclusion.
Aaron: Merci, Andrew, de nous avoir parlé de vous et de nous avoir livré ces réflexions.