Point de vue d’un conseil d’administration sur la résilience organisationnelle
Anne Marie O’Donovan partage ses perspectives sur la façon d’accroître la résilience et de créer une culture de soutien.
Anne Marie O’Donovan a toujours aimé travailler au sein des conseils d’administration. « Nous pouvons vraiment prendre soin d’une entreprise et y ajouter beaucoup de valeur », déclare-t-elle. Ce sentiment est sans doute encore plus vif en période de pandémie.
Mme O’Donovan préside plusieurs conseils d’administration, y compris celui d’Aviva Canada, une société d’assurance dommages, et celui d’Investco Inc., la filiale d’investissement de l’Association médicale canadienne (AMC). Elle siège également au conseil d’administration d’Indigo, un détaillant canadien de livres, et à celui de Cadillac Fairview, qui possède et gère des biens immobiliers commerciaux et y investit.
Au cours des 18 derniers mois, Mme O’Donovan a été témoin direct des réactions des entreprises de tous les secteurs à la crise de la COVID-19. Nous avons eu l’occasion de lui parler du rôle que les conseils d’administration ont joué dans la réponse à la pandémie. Elle a abordé l’impératif pour les conseils d’administration de faire preuve de résilience et d’adopter une pensée prospective.
Vous trouverez ci-dessous les faits saillants de l’entrevue :
Deloitte: Comme vous siégez à différents conseils d’administration, vous avez probablement observé chez les entreprises différentes façons de gérer la pandémie. Quelles leçons en avez-vous tirées?
Anne Marie O’Donovan: L’une des principales leçons est l’importance de la chaîne d’approvisionnement et d’un réseau diversifié de fournisseurs. Les entreprises ont reconnu à quel point il était essentiel d’avoir un réseau solide de fournisseurs et d’assurer la rapidité et la connectivité entre les fournisseurs, les employés et les clients. C’est devenu une priorité absolue.
Les organisations qui se concentraient davantage sur leurs clients étaient également en meilleure position pour réussir. Lorsque la pandémie a frappé, il est devenu extrêmement important de continuer à joindre les clients numériquement.
La vitesse et l’agilité demeurent toujours aussi importantes. Tout s’est accéléré, c’est pourquoi les entreprises doivent trouver des partenaires qui peuvent raccourcir leurs délais de livraison.
Deloitte: Quelles grandes différences avez-vous observées dans l’état de préparation des organisations?
Anne Marie O’Donovan: Certaines organisations avaient déjà mis en place l’infrastructure interne nécessaire pour maintenir la communication avec leur personnel. D’autres étaient très avancées dans leur parcours numérique. Celles qui possédaient ces deux particularités étaient en mesure de réagir plus rapidement à ce qui se passait.
Un autre facteur de différenciation était l’investissement dans les gens. De plus, les entreprises qui disposaient de grandes liquidités étaient en mesure de mieux s’adapter et de doubler les investissements nécessaires dans des domaines cruciaux.
Deloitte: Parlez-nous davantage du rôle du conseil d’administration – que s’est-il passé dans les mois qui ont suivi le début de la pandémie?
Anne Marie O’Donovan: Au cours des premières semaines de la pandémie, la fréquence des réunions et des communications entre les membres de la direction et du conseil d’administration a considérablement augmenté. Plutôt que de se réunir tous les deux mois ou tous les trimestres, ils se réunissaient chaque semaine.
Il était évident que les choses ne seraient pas parfaites. En tant que membres du conseil d’administration, nous avons dû gérer et encourager des compromis entre une rapidité de diffusion de l’information et une parfaite exactitude pour soutenir la direction et lui fournir des lignes directrices.
Notre rôle en tant que membres du conseil consistait en grande partie à offrir du soutien. La résilience organisationnelle est comme la résilience individuelle. Pour qu’une personne soit résiliente, s’adapte et arrive à gérer à des changements importants, il faut la soutenir.
Les gens peuvent avoir des idées noires et se sentir vaincus; les choses ne sont pas différentes pour les organisations. L’un des principaux rôles du conseil d’administration est donc de soutenir la direction. Et s’il s’agit d’une initiative cruciale, nous devons nous assurer que les ressources, le financement et les talents sont en place pour fournir une nouvelle orientation.
Deloitte: Quels problèmes avez-vous rencontrés au sein des conseils d’administration où vous siégez?
Anne Marie O’Donovan: Les liquidités en faisaient partie. Avons-nous l’argent dont nous avons besoin pour traverser les prochains mois, voire les prochaines années? La majorité des entreprises se sont posé la question. Il fallait aussi se demander à quel point les choses pouvaient se détériorer. De quoi avons-nous besoin, et quelles sont nos options pour arriver à nos fins?
Toutefois, l’argent n’était pas le seul élément. Une autre priorité a été accordée à la modélisation de scénarios. Par exemple, tout le monde voit les innombrables activités qui sont maintenant effectuées en ligne. À quoi devons-nous nous attendre pour l’après-pandémie? Quelle sera la nouvelle normalité, et l’entreprise est-elle prête à y adhérer?
Il est donc important de tenir des discussions sur ce qui aura lieu par la suite. Comment allons-nous nous distinguer? Quelles priorités devons-nous respecter? Quelles sont les ressources nécessaires pour y parvenir? La stratégie n’est plus un sujet à aborder lors des discussions annuelles où nous établissons un plan stratégique quinquennal. Elle doit maintenant faire l’objet de conversations trimestrielles.
Deloitte: Quelles tendances avez-vous vues s’accélérer? Font-elles maintenant partie des conversations stratégiques?
Anne Marie O’Donovan: Les comportements des consommateurs et leur niveau d’aisance à l’égard des activités en ligne, particulièrement dans les groupes démographiques plus âgés, ont changé. Qu’il s’agisse d’acheter des biens ou des produits d’assurances, les comportements des clients sont différents.
Il est primordial de rencontrer les clients là où ils se trouvent. Ces clients sont également à la recherche d’expériences, une tendance qui s’accélère. Il est donc essentiel de définir les points de contact et de savoir comment approfondir les relations avec eux.
L’environnement et la lutte contre les changements climatiques sont des tendances toujours en périphérie qui vont assurément prendre une grande ampleur. Je ne parle pas seulement de la façon dont ces tendances vont continuer de changer les comportements des consommateurs, mais aussi de la façon dont elles forceront les entreprises à faire des affaires différemment.
Deloitte: Et qu’en est-il de l’examen des besoins individuels des employés? Y accorde-t-on une plus grande attention?
Anne Marie O’Donovan: Il s’agit sans aucun doute d’une autre tendance. Il y a une prise de conscience beaucoup plus grande de deux choses importantes. Premièrement, les bureaux sont extrêmement importants pour l’établissement de relations, le renforcement de la culture et la formation et le perfectionnement. Deuxièmement, nous nous rendons compte que nous pouvons faire beaucoup de choses de la maison en demeurant très productifs et efficaces, et en maintenant une très bonne communication. Nous pouvons inviter beaucoup plus de gens à nos réunions parce que personne n’a à se déplacer pour s’y rendre.
La façon d’optimiser ces deux aspects fait l’objet d’une réflexion. Ce qui fonctionne variera d’une entreprise à l’autre, et même d’une équipe à l’autre au sein d’une même entreprise. La manière dont nous avons agi pourrait être différente dans l’avenir, mais nous devons être patients. Les entreprises peuvent maintenir et améliorer les processus qui les ont bien servies, puisqu’il y a une grande valeur à réunir les gens.
Deloitte: À titre d’administratrice, quels aspects privilégiez-vous pour aider les entreprises avec lesquelles vous travaillez à demeurer résilientes?
Anne Marie O’Donovan: Nous accordons une grande importance à la transformation numérique et aux données ainsi qu’à la façon dont nous obtenons et utilisons ces données. Les données sont reconnues comme un outil clé pour prendre des décisions efficaces et différencier une entreprise et ses services des autres.
Nous accordons également une attention accrue aux talents. Il ne s’agit pas d’un changement d’envergure, mais il est important de nous demander si nous avons les bonnes personnes autour de la table pour nous faire avancer. Nous devons être conscients de la culture au sein de laquelle nous exerçons nos activités et déterminer si cette culture nous soutient.
Deloitte: Quelles mesures clés les conseils d’administration et les dirigeants peuvent-ils prendre pour aider les organisations à envisager la transformation et à relever les défis futurs?
Anne Marie O’Donovan: L’important, c’est d’aider la direction à garder la tête haute et à regarder vers l’avenir. Il est essentiel que nous, en tant qu’administrateurs, demeurions concentrés sur ce qui nous attend. Quelles sont les tendances? Où allons-nous? Comment allons-nous nous positionner? Dans quoi devons-nous investir? Tout est une question d’avenir.
Il faut aussi se demander comment les gens vont au quotidien. Comment s’en sortent-ils et survivent-ils? Il ne suffit pas de mener des sondages auprès des employés pour obtenir de telles réponses, même si c’est un moyen intéressant d’évaluer leur moral. Il faut s’intéresser au soutien que l’entreprise fournit à tout le monde, des dirigeants jusqu’aux commis en magasin.
Nous devons tous en faire plus. Il n’y a aucun doute là-dessus. Si nous voulons relever les défis dans l’avenir, en temps opportun, nous devrons nous appuyer sur les leçons que nous aurons retenues de la pandémie.